Les Dépêches de Brazzaville



Fraude téléphonique : des pirates sont toujours fonctionnels


Depuis un certain temps, des appels entrants internationaux portant le code + 243 ont repris de plus belle à KInshasa. Plusieurs Kinois admettent avoir reçu des appels internationaux qui portent soit les numéros des opérateurs de la téléphonie cellulaire en RDC, soit des numéros courts, de plus ou moins cinq chiffres mais précédés du code de la RDC ou du signe plus (+). « Moi, j’ai reçu, à plusieurs reprises, des appels venant de Vienne par le numéro + 70055 », a soutenu un Kinois. « Moi, c’est plutôt par deux numéros Vodacom et Tigo que mon frère résidant en Europe m’a appelé. J’ai cru recevoir un appel du pays mais, la voix au bout du fil était celle de mon frère qui réside en Europe. Il lui a fallu me convaincre pour réaliser qu’il n’était pas en RDC », a expliqué un autre.

La situation remet sur la sellette la question de la guerre lancée, il y a plus d’une année, contre les sim-box, auteurs de cette fraude téléphonique. Cette tâche, note-t-on, avait été confiée à l’entreprise Agelis-Télécom, qui a été chargée par le gouvernement congolais de démanteler les sim box, dispositifs facilitant cette piraterie. Au mois de mars, le bilan dans l’exécution de cette activité avait été jugé insuffisant.

Beaucoup reste encore à faire

À l’issue des concertations économiques clôturées le 2 mars dernier à Kinshasa, il s’était avéré que la firme franco-américaine n’a démantelé que moins de 2 % de ce réseau mafieux consistant à transformer des appels de longues distances venant de l’étranger en appels locaux, créant ainsi un important manque à gagner au trésor public en termes de taxes. En son temps, du côté des télécoms, la persistance des sim box aurait été expliquée notamment par la présence de certains officiels congolais dans ce réseau mafieux.

On rappelle qu’évaluant cette situation, l’ex- ministre des Postes, Téléphone et Nouvelles technologies de la communication (PT-NTIC), Tryphon Kin-Kiey Mulumba, avait estimé la perte subie chaque mois par le trésor public à près de 12 millions de dollars américains. Cependant, depuis plus de deux ans, Agelis-Télécom n’aurait démantelé, jusqu’en mars dernier, que quatre réseaux sim box alors qu’il en existait une centaine, selon les opérateurs de téléphonie. Il a été noté que deux de ces sim box démantelés étaient installés à Macampagne et au quartier GB, dans la commune de Ngaliema; et deux autres, dans la commune de la Gombe, précisément au niveau de Batetela, et derrière l’hôtel de ville de Kinshasa.

Certains opérateurs téléphoniques ont indiqué à radiookapi.net que deux raisons sont la base de l’inefficacité d’Agelis-Télécom. Il s’est d’abord agi du fait que ses équipements détecteraient ces appels entrants en retard, alors l’entreprise buterait, ensuite, contre la même pesanteur officielle que rencontrent trop souvent ces télécoms. Pourtant, ces opérateurs téléphoniques auraient assuré savoir où se trouvent ces Sim box. « La majorité de cette mafia est entretenue par certains officiels congolais qui brassent ainsi frauduleusement de millions de dollars au détriment du Trésor public », ont souligné ces sources, se disant, par ailleurs, incapables de démanteler ces réseaux.

Dans un rapport rendu public à la fin de 2014, le ministère des PT-NTIC avait révélé que tous les réseaux de téléphonie cellulaire opérant en RDC étaient piratés. Alors que la Société congolaise des postes et télécommunications (SCPT) était également accusée de travailler de connivence avec une autre société de téléphonie cellulaire dans la piraterie des appels internationaux, la société étatique réfutait ces accusations. Son administrateur directeur général de l’époque, Placide Mbatika, avait expliqué ce piratage par le fait que chaque opérateur des télécommunications en RDC était capable d’importer le trafic sans passer par l’opérateur de l’État, la SCPT. « Le phénomène sim box est facilité en RDC parce que tout le monde importe du trafic de l’extérieur. Il suffit d’avoir une antenne satellite et tous les trafics tombent sur vous et vous mettez une boîte qui a cent ou cent cinquante sims qui chacune évacue des appels », a-t-il soutenu en son temps à la radio onusienne.

La Sim box est un dispositif qui contient plusieurs cartes sim et fait apparaître les appels venant de l’étranger comme émis en RDC. Il permet de se soustraire aux tarifs de terminaison et aux taxes en vigueur en RDC. Il peut gérer jusqu’à un million de minutes par mois. Dans sa lutte contre la fraude dans les communications internationales à destination de la RDC, le gouvernement avait réussi à récupérer 12 millions de minutes, soit 9 720 000 dollars américains, équivalant à 10 % des recettes annuelles perdues autrefois par le Trésor public.


Lucien Dianzenza

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