Les Dépêches de Brazzaville



Interview. Harvey Massamba : « Il faut former une nouvelle génération de jeunes au théâtre »


Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : Qu’en est-il, d’entrée de jeu, de ce projet sur lequel vous travaillez ?

Harvey Massamba (H.M.) : Je suis en train de recruter une nouvelle génération de jeunes que je vais former pendant trois ans au théâtre, à l’église Saint- Charles-Louanga. Dans ce cadre-là, j’ai le projet de création de l’école de théâtre à Brazzaville. Je viens d’être pris dans le projet sur les "Capitales africaines" ; cette série intitulée "Brazzaville" dont le tournage va démarrer incessamment. Je suis en train de préparer, avec Arthur V. Batoumeni, un spactacle qui est encore embryonnaire que je ne voudrais pas dévoiler ici. Mais les projets, il y en a. Cependant, je compte reprendre "La Gueule de rechange" pour Mantsina prochain. Je travaille également sur un projet de théâtre en langue congolaise.

L.D.B.C. : Sur quoi porte-t-il précisément ?

H.M. : Il y a un moment, je pense au fait que nous les Africains, nous sommes les rares peuples sinon le seul [peuple] au monde qui fait le théâtre dans une langue d’emprunt, c’est-à-dire qui n’est pas la nôtre. Je suis de plus en plus interpellé par ce fait. J’ai donc envie de commencer à monter des spectacles en l’une des langues congolaises. Et le premier projet que j’ai vraiment en vue, je compte mettre en scène un texte de Sony Labou Tansi dans sa langue, kongo. La langue dans laquelle il réfléchissait. Il écrivait en français, c’est vrai, mais il écrivait en kongo. Ça se lit dans ses écritures, toute la trame, toute la fougue. Au fait toute la substance de Sony est en cette langue-là. J’ai alors envie de regarder un peu ce que ça ferait de ramener Sony dans sa langue maternelle. C’est un projet qui est en vue et je pense que courant 2020, il verra le jour.

L.D.B.C : Que représente alors le théâtre pour vous ?

H.M. : Je ne fais que ça. Déjà, je ne fais que du théâtre, je ne vis que de ça ou je meurs de faim du théâtre (...)  J’ai arrêté mes études pour faire du théâtre et depuis 1995, je ne fais que ça, je ne vis que de ça. Si j’ai visité beaucoup de pays, c’est grâce au théâtre.

L.D.B.C. : Sony Labou Tansi est l’une des icônes du monde culturel au Congo, en France et partout ailleurs. Qui est-il pour vous ?

H.M. : Je dirai que Sony est l’un des plus grands penseurs de notre temps. Parce qu’au-delà de son écriture romanesque ou théâtrale, il est un penseur. C’est un philosophe, un éclaireur. Il y a des choses qu’il a écrites dans ses bouquins, il y a trente à quarante ans, qui étaient presque prémonitoires car elles se réalisent aujourd’hui. Quand vous parcourez cette écriture, vous vous rendez-compte qu’il y a des choses en vous qui s’installent ; des choses de la vie de tous les jours que vous comprenez mieux sur lesquelles vous avez une autre vue, une autre vision, une autre pratique. Pour moi, Sony Labou Tansi c’est un prophète.

L.D.B.C : Pour terminer…

H.M. : Le projet de formation que j’ai ici à Saint-Charles-Louanga s’inscrit dans le festival Mantsina sur scène qui est un festival international de théâtre à Brazzaville, au Congo. Et dans ce cadre-là, j’anime des formations pour les jeunes. Ce sont des formations de trois ans qui sont tout un processus qui peut être académique.  Puisque j’ai un projet de création d’une école de théâtre, ce sont des modules que je teste avec des enfants. Et ces jeunes qui veulent faire du théâtre, je les prends pendant trois ans. La première année, on travaille sur le théâtre antique, pour comprendre l’origine du théâtre ; en deuxième année on fait l’époque classique. On va donc visiter les Molière, Shakespear… et la troisième année, nous clôturons par le théâtre contemporain.   


Propos recueillis par A Ferdinand Milou

Légendes et crédits photo : 

Harvey Massamba