Les Dépêches de Brazzaville



Italie : les adoptions bloquées d’enfants congolais deviennent une affaire politique


Que se passe-t-il à propos des adoptions d’enfants congolais par des familles en Italie ? La question devient un brûlot politique dont l’opposition s’est saisie pour porter des attaques pesantes contre le gouvernement de M. Matteo Renzi. « Le M-5 (Mouvement 5étoiles, le parti populiste du comique Beppe Grillo, Ndlr) se tient aux côtés des dizaines et des dizaines de familles italiennes en attente des adoptés du Congo ». C’est ainsi que commence une interpellation à la Chambre, rédigée par le député M-5 Emanuele Scagliusi. Comme lui, beaucoup de ses collègues s’inquiètent que depuis plus de 850 jours, les dossiers soient en souffrance dans quelque tiroir à Kinshasa. Sans explication plausible, ni espoir qu’ils puissent en sortir jamais !

Le 14 janvier une dizaine d’enfants a bien pu rejoindre les familles italiennes. Mais ce chiffre est bien dérisoire au vu des attentes. Ils seraient, en effet, plus de 130 les enfants pour lesquels 108 familles italiennes ont accompli toutes les formalités exigées par la législation congolaise en la matière. Mais c’est pour tous les enfants (1300 au total) des familles adoptantes, de toute nationalité, que les mères adoptantes italiennes ont défilé devant la primature, à Rome, mercredi. À défaut de pouvoir embrasser leurs enfants au plus vite, ces familles font pression pour que le gouvernement italien leur fournisse au moins une explication, un délai, un peu d’espoir. «Le travail diplomatique des autres pays porte déjà ses fruits. Il est fait de rapports et de visites fréquentes en République du Congo (sic) au contraire de l’Italie qui croit obtenir tout par téléphone et n’obtient, en définitive, rien. Et comme si cela ne suffisait pas, certains organismes de soutien de la CAI (Commission italienne des adoptions internationales, Ndlr) ont voulu intimider les familles des protestataires, leur demandant de ne pas prendre part à la manifestation devant la primature : c’est une honte ! Mais où donc se cache la ministre Boschi lorsque les réflecteurs des caméras ne sont plus là ? », ont-ils dit.

Le Mouvement 5 Etoile, de qui provient cette attaque, n’en est pas à une approximation ni à une exagération près. Elle concentre ses flèches sur Mme Maria Elena Boschi, la ministre des Réformes constitutionnelles chargée du rapport avec le Parlement. En mai 2014, elle s’était taillée un franc succès médiatique en ramenant par avion spécial à Rome 31 petits enfants adoptés à Kinshasa. Une d’elle lui avait tressé les cheveux à l’africaine durant le vol : la photo avait fait le buzz dans le monde du net. Depuis lors, c’est le calme plat. Que se passe-t-il ? Que fait le gouvernement?

« Beaucoup de ces enfants ont pourtant déjà obtenu la sentence définitive pour leur adoption, mais cela n’a toujours pas suffi pour les voir arriver en Italie. Le risque, aujourd’hui, est que leur position soit soumise aux nouvelles règles sur l’adoption édictées par les autorités congolaises », s’impatiente Cosimo Latronico, député de droite, dans une lettre au Premier ministre Matteo Renzi. « Les nouvelles dispositions en vue en RDC pourraient venir à bout des espoirs des familles italiennes qui attendent depuis des années, avec leur décret d’adoption en main », a-t-il ajouté .

Selon des sources à Rome, les blocages viendraient de pesanteurs bureautiques à Kinshasa. Mais aussi « de difficultés ayant conduit à de nouvelles vérifications sur les familles adoptantes italiennes » à cause « d’irrégularités relevées dans les procédures de certains pays » comme la France et les États-Unis. Des familles déclarées comme telles au Canada se seraient révélées des unions d’homosexuelles qui ne correspondraient pas à la notion de famille retenue par le droit et les us et coutumes du Congo.


Lucien Mpama