Les Dépêches de Brazzaville



Littérature : deux romans abordent l’immigration


Que ce soit par le biais des guerres, des crises économiques ou encore des crises politiques, on voit que l’immigration est un sujet important très souvent abordé en littérature moderne. Elle l’est tout particulièrement ces derniers temps, puisque, par exemple, le décret anti-immigration du président américain, Donald Trump, a fait beaucoup de bruit et nourri un certain climat de peur en Amérique. Et que dire de l’Italie qui refuse d’accueillir sur ses côtes les migrants du monde entier ?

Tous ces drames de l’immigration ont toujours inspiré les auteurs qui, avec leur regard particulier, essaient d’analyser ou de faire passer des messages d’humanisme car divers amalgames sont faits à propos de certains groupes ou de certaines cultures. Nous avons sélectionné deux premiers romans d’auteurs féminins parus cette année qui ont pour but de rectifier l’image du migrant ou de tout simplement réfléchir à nos sociétés à travers la fiction ou l’expérience d’un écrivain.

Aminata Aidara

Le premier roman intitulé "Je suis quelqu’un ", de l’Italo-sénégalaise Aminata Aidara, paraîtra durant la rentrée littéraire de septembre dans la collection Continents noirs de Gallimard. Ce roman parle d’une famille éclatée entre la France et le Sénégal. Mais un jour de juin, le silence se rompt. Commence ainsi une quête de vérité où différentes voix se déploient. Celle de Penda, la mère, qui se livre dans un journal intime, et celle d’Estelle, sa fille, au travers de délires cathartiques. Face à elles, l’insaisissable Éric entretient le trouble avec ses promesses. A tour de rôle, les personnages démêlent les ficelles du temps et démasquent les injustices historiques qui façonnent nos vies intimes. Dans ce roman polyphonique, on traverse alors les beaux quartiers dakarois, où des drames se consomment sans dépasser les haies des villas. On parcourt aussi les cités et les squats parisiens. Pour découvrir que ce qui semble à tous la ruine d’une famille est, en réalité, sa rédemption. La question cruciale de l’immigration est abordée avec subtilité et réalisme par l’auteure déjà primée en 2014 pour son recueil de nouvelles "La fille au coeur de papier".

Nafissatou Diouf

"En allant à Cansado "est le premier roman de la journaliste sénégalaise Nafissatou Diouf, paru aux Editions Harmattan Sénégal en mars 2018. Cette fresque sociale nous montre les différentes facettes de l’immigration de l’Afrique vers l’Europe.

Cansado est le point du début du livre mais de sa fin aussi.  Cité huppée et moderne dans la ville de Nouhadibou, en Mauritanie : clubs, courts, terrains de basket, dancing, piscines, logements somptueux. Et pourtant. Si y vivent paisiblement des expatriés européens aussi bien qu’africains, leurs employés de maison regardent la mer comme on regarde un chemin vers le Maroc et l’Espagne.

Car souvent, partir est synonyme de bonheur : c’est ce que disent ceux qui sont de l’autre côté de l’océan, n’est-ce pas ?  Roman qui n’en est pas un, histoire qui en sont plusieurs, "En allant à Cansadoa un narrateur omniscient qui se glisse, comme une caméra, sur des villes sénégalaises, mauritaniennes, italiennes, pour nous offrir une vision panoramique, une grande fresque sociale, de l’immigration. L’auteure, Nafissatou Diouf, est journaliste, rédactrice en chef, maître de conférences, consultante pour la Francophonie. Elle prend donc à cœur dans sa globalité et complexité ce fait social en collectant une série de situations différentes.

Pourquoi suivre le parcours des jeunes gens dans les bateaux ? Pourquoi stationner dans les centres de rétention, se faufiler à l’intérieur des logements des migrants, observer leur relation avec leurs enfants ? Tout cela sert à Nafissatou Diouf pour mener une étude documentaire mais également pour formuler une critique vis-à-vis des Etats africains aussi bien qu’européens.

Ces deux romans mènent le lecteur à de nombreuses réflexions sur le thème parfois controversé de l’immigration, sur les choix difficiles de ceux qui, au péril de leur vie, choisissent de partir, et sur le regard de l’Occident envers les immigrés.

 


Boris Kharl Ebaka

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Illustrations