Les Dépêches de Brazzaville



Littérature : "Il est déjà demain" d’Henri Lopes


Pas trop loin d’un condensé de sa vie politique et administrative, le roman d'Henri Lopes est une œuvre autobiographique ; puisque de la première à la dernière ligne, il utilise la première personne du singulier : Je.

« Directeur de l’enseignement, j’étais considéré comme un technocrate. Mais politiquement formé par la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France, je suivais attentivement l’évolution dans notre pays. (…). Dans la soirée du 31 décembre 1968, la radio annonçait la formation d’un gouvernement dont j’étais membre en qualité de ministre de l’Education nationale », peut-on lire à la page 291.

En effet, témoin oculaire de l’histoire du Congo qui se confond avec sa propre vie, Henri Lopes passe en revue, dans ce chef d’œuvre, les grands bouleversements qu’a connus son pays.

Cet ouvrage est très actuel bien qu’il parle des faits passés. Dans les années 1970 déjà, par exemple, la société congolaise menait une lutte acharnée contre les antivaleurs comme le font actuellement les pouvoirs publics avec à leur tête le chef de l’Etat qui, dans chaque adresse à la nation, y revient, avec insistance.

« Au début de l’année 1972, on reprocha à deux officiers, le commandant Jacques Joachim Yhombi Opango et le capitaine Denis Sassou N’Guesso d’avoir acquis, à titre personnel, le dernier modèle de voiture Peugeot 504. On mit également sur la sellette ceux qui mettaient en location leur habitation personnelle. Une minorité allant même jusqu’à soutenir que les dirigeants ne devraient posséder aucun bien personnel, le Parti se chargeant de mettre à leur disposition logement et véhicule », à lire à la page 328.

On voit comment les dirigeants congolais brûlaient d’envie, à cette époque déjà, de voir leur pays, sitôt sorti de l’indépendance, se lancer sur la voie du développement. Cette ardeur patriotique s’est amoindrie au fil des années, on ne sait pourquoi. C’est regrettable !  

Ainsi, le roman d’Henri Lopes permet aux lecteurs de comprendre combien il avait déjà un attachement fort remarqué pour la diplomatie. Une attitude qui se fait sentir par son insistance à vouloir travailler dans un organisme international au point de démissionner du poste de ministre des Finances pour l’Unesco.

« Deux ans après l’accession au pouvoir de Denis Sassou N’Guesso, alors que je suis ministre des Finances, je m’ouvris au président pour lui rappeler mon projet d’aller servir dans la fonction publique internationale. (…). Denis Sassou N’Guesso convoqua une réunion du bureau politique du Parti congolais du travail au cours de laquelle il annonça à ses collègues ma démission du gouvernement. Pris de court, ils ne purent qu’accepter d’être mis devant le fait accompli », lit-on aux pages 442-443.

Les lecteurs de ce roman, pour certains, resteront sur leur soif. L’auteur n’a pas abordé la parenthèse de la Conférence nationale souveraine de 1991 ayant marqué le retour du multipartisme au Congo, avec sa cohorte de bouleversements tous azimuts qui s’en sont suivis jusqu’aujourd’hui.

Henri Lopes termine son oeuvre sur sa riche carrière internationale. De nombreux lecteurs souhaiteraient savoir ce qu’il pense de la démocratie congolaise de 1991 jusqu’à nos jours. Sa vision d’un grand homme d’Etat et son expérience de diplomate devraient apporter un plus aux nouvelles générations.

 

                                                                                                         Qui est Henri Lopes

Né en 1937, au Congo, ses parents étaient tous deux métis, nés d’une mère « indigène » et d’un père colon. Il a hérité cette dualité. Henri Lopes a étudié à Paris, est rentré à Brazzaville, et y est reparti. Il est auteur de plusieurs romans, nouvelles et poèmes, notamment "Tribaliques", grand prix littéraire d’Afrique noire, "Le Pleurer-rire", "Le Chercheur d’Afrique", "Ma grand-mère bantoue et nos ancêtres les Gaulois". Il a reçu, en 1993, le Grand Prix de la Francophonie décerné par l’Académie française.

Il est déjà demain" a été présenté au public le 5 septembre, dans le prestigieux Hôtel de l’Industrie à Paris.

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

   

 

 


Roger Ngombé

Légendes et crédits photo : 

La couverture du roman