Les Dépêches de Brazzaville



Littérature : Présence Africaine en sept romans majeurs


Présence Africaine est un monstre sacré de l’édition francophone. Choisir sept ouvrages (précisément le genre romanesque) pour montrer la diversité de sa production depuis sa création n’est bien entendu pas représentatif de ce qu’est cette maison d’édition. Mais à travers cet exercice, nous avons voulu replonger dans nos souvenirs ; souvenirs indélébiles de ces ouvrages exceptionnels qui ont marqué et bercé notre jeunesse. Ouvrages intemporels qui traversent les générations et dont la lecture donne toujours l’impression d’avoir été publiés récemment. Voici donc notre classement des sept plus beaux ouvrages publiés par Présence Africaine 

  • "Cahier d’un retour au pays natal" (Aimé Césaire)  

Il s’agit ici d’un livre hors norme qui a eu plusieurs vies. Mais c’est en 1956 que Présence Africaine publie la deuxième édition du recueil de poèmes d’Aimé Césaire. Œuvre majeure de la littérature francophone, le livre d’Aimé Césaire, l’un des chantres de la « Négritude », est étudié dans le monde entier. Un texte merveilleux sur l’amour du pays, sur la bêtise humaine, mais surtout sur l’égalité des races humaines.

  • "Le baobab fou" (Ken Bugul)

Premier récit d’une trilogie autobiographique, ce roman raconte un destin hors du commun, celui d’une enfant d’un petit village du Sénégal. Brillante élève de l’école française, coupée de ses parents avec un père âgé de 85 ans à sa naissance et qu’elle prenait pour son grand-père, et une mère ayant quitté la maison familiale quand elle avait 5 ans, une enfant qui réalise en grandissant les dégâts du colonialisme, puis découvre l’Europe quand elle se rend en Belgique pour ses études. "Le baobab fou" est un livre fondateur pour l’auteure, car Ken Bugul fut une des premières femmes africaines à écrire une autobiographie. Un livre dans lequel elle parle sans tabous des sujets qui faisaient scandale à l’époque en Afrique, la sexualité, la prostitution, son expérience de la drogue, ainsi que de l’impact dévastateur du colonialisme et des attitudes africaines et européennes dans la période post-coloniale.

  • "Le pleurer – rire" (Henri Lopes)

"Le pleurer-rire" est un ouvrage important dans le parcours littéraire d’Henri Lopes. A travers les péripéties de  tonton Hannibal-Ideloy Bwakamabé Na Sakkadé, l’auteur nous plonge déjà à cette époque (1982) dans la problématique du pouvoir et du contre pouvoir en Afrique. Il  dénonce ce perpétuel renouvellement de chefs de guerre qui deviennent présidents, mais ne parviennent jamais qu’à vendre les rêves de leur peuple pour enrichir leurs proches, en s’agrippant au pouvoir jusqu’à la mort. Le choix du protagoniste principal, arrivé dans l’entourage proche du président sans vraiment le vouloir, permet d’avoir à la fois un œil sur les coulisses du pouvoir et une oreille dans la vie quotidienne du peuple, dont la langue est agréablement retranscrite.

  • "Ville cruelle" (Eza Boto)

Dans ce premier roman publié sous le pseudonyme d’Eza Boto en 1954, l’auteur, plus connu sous le nom de Mongo Beti, raconte les fatalités de la domination coloniale, l’histoire d’un jeune homme appelé Banda. Orphelin de père, Banda fût élevé par sa mère à Bamila. Il voulait se marier pour satisfaire le vœu de sa mère presque mourante. Mais il lui fallait de l’argent pour la dot de sa fiancée. C’est ainsi qu’il décida de vendre son cacao en ville. Mais là, l’homme fut confronté aux terribles réalités de la ville marquées par la cruauté, l’exploitation, le vol, le crime, etc.

  • "Un nègre à Paris" (Bernard Dadié)

Ce livre parle de la rencontre pour la première fois de sa vie, d’un Africain avec Paris. Une ville qui, dans son imaginaire, est considérée comme un paradis terrestre. Mais une fois qu'il a foulé le sol parisien, il est étonné de voir un monde où les hommes se rattachent aux choses pas comme ça se passe en Afrique. L’amour des Blancs pour des fleurs, l’homme qui traite la femme comme une fleur avec ses manières galantes alors qu’en Afrique la galanterie est une affaire de femme, la forte considération des animaux domestiques, surtout le chat noir qui en Afrique symbolise la sorcellerie, l’influence permanente de la solitude, pas de contact entre voisins alors qu’en Afrique le voisin est ton frère, la solidarité court les rues, la fierté du Parisien pour son histoire, la fierté pour chaque lieu qui représente l’emblème de son histoire, surtout la place de la Bastille, alors que l’Africain, lui, ne pense qu’à sa survie. Bernard Dadié raconte un Paris dans le regard d’un Africain des années 1950 avant, d’ailleurs, le vent des indépendances en Afrique. C’est un joli récit dans lequel on ne peut s’empêcher de sourire en tournant chaque page.

  • "Bleu Blanc Rouge" (Alain Mabanckou)

C’est le tout premier roman publié par Alain Mabanckou, dans lequel il nous raconte les mésaventures de Massala-Massala. Ce jeune congolais qui quitte un jour son pays pour Paris, où il espère une nouvelle vie. Toute la famille restée au pays attend beaucoup de lui, la réussite est obligatoire. Evidemment, la réalité est très différente des rêves entretenus par ceux ayant déjà sauté le pas. Ce premier roman de Mabanckou est à la fois drôle, critique et moralisateur sur certains points. Mabanckou clôt cependant l’histoire avec une morale aux airs de tristesse. Le livre nous fait poser beaucoup de questions : l’avidité de l’argent nous éloigne-t-elle vraiment de nos valeurs ? Pourquoi avons-nous besoin de la considération des autres ? Pourquoi amasser de l’argent rime-t-il souvent avec réussite ?

  • "La rue cases-Nègres" (Joseph Zobel)

C’est  un grand classique de la littérature antillaise. Dans ce roman, l’auteur, en parlant de José, raconte sa propre histoire et à travers elle, celle de toute une génération de « Nègres » qui ont fait évoluer leurs conditions dans le pays. La vie de José débute au milieu des champs de cannes à sucre, aux côtés de sa grand-mère M'man Tine. Là, avec tous les enfants de son âge, il joue sans insouciance et veut travailler dans les champs pour gagner quelques sous. Sa grand-mère, elle, souhaite lui offrir une chance de ne pas finir au service des « békés » et économise pour l’envoyer à l’école. A partir de ce moment, sa vie prend un autre tournant et en grandissant, on suit son évolution et surtout ses réflexions sur son pays, sur la servitude de son peuple et la domination des Blancs. Roman enrichissant, qui est aussi une histoire pleine de tendresse et de reconnaissance de l’auteur envers sa grand-mère et sa mère qui ont tout fait pour lui offrir une chance de réussir dans la vie.

 

 


Boris Kharl Ebaka