Les Dépêches de Brazzaville



Mobile banking : la faible bancarisation en Afrique trouve-t-elle une issue ?


Le mobile banking c’est essentiellement utiliser son téléphone portable pour faire des transactions financières. Techniquement, le client abonné a un réseau de téléphonie mobile dispose d’un e-compte dans sa carte SIM sur lequel il peut verser de l’argent, le recevoir ou le transférer à un tiers.

Orientée essentiellement vers une population non bancarisée affectée par les entraves de l’ouverture d'un compte bancaire, et par la disparité des banques elles-mêmes, le mobile banking s’est révélé comme une panacée dans les transactions financières, écartant de ce fait le principe de « banque pour les riches ». Le taux de couverture des réseaux télécom en Afrique avoisinant les 80% serait le catalyseur de l’opération, vecteur d’innovation dans la fourniture de services innovants.

Le périmètre des services de paiement mobile est désormais élargi et challenge même les offres des banques. S’il est possible de transférer de l’argent du compte mobile au compte bancaire, et à une tierce personne, de payer sa course de taxi, d’acheter un article dans une boutique, il est désormais plus que facile de payer des taxes et impôts, des factures d’eau et d’électricité, etc. tout cela à partir de n’importe quel mobile, sans avoir besoin de compte bancaire. En RDC, par exemple, plus de 8.000 enseignants et des militaires du Nord-Kivu ont été payés via les services mobiles money des opérateurs Airtel et Vodacome, pour éviter les lenteurs et les fraudes au niveau des services administratifs de l’État, même si de nombreuses plaintes ont suivi ces mesures.

En République du Congo, Airtel Congo qui s’adosse à la BGFI banque via son Airtel money, revendique environ 500.000 comptes, 10.000 transactions par jour, 500 points de vente répartis sur tout le territoire et 150 partenaires qui acceptent les paiements électroniques. Convaincu que l’inclusion économique et financière des personnes aux revenus modestes est un véritable enjeu de développement humain et économique pour les pays africains, les opérateurs mobiles étendent la liste des partenaires,  assureurs, compagnies aériennes, grandes surfaces, hôtels, afin que les Africains s’approprient le portefeuille électronique mobile.

Capitaliser sur cette attractivité pour renforcer la bancarisation

Le model Kenyan avec son M-Pesa de Safaricom est un succès. Le système se repose sur des milliers d’agence (50.000 environ) repartis sur l’ensemble du territoire kenyan pour être au plus proche de la population, y compris rurale. Ces agences aident à l’ouverture de comptes mobiles et bancaires traditionnels et assistent à la gestion de l’interactivité des mouvements qui ne nécessitent pas souvent une présence en banque. M-pesa représente plus de 16 millions d’utilisateurs actifs et 650 millions de dollars de transactions chaque mois, selon des chiffres fournis par Bearing Point.

Le service a permis d’élever le taux de bancarisation du Kenya de 58%. Un exploit, quand on sait que dans l’ensemble le taux de bancarisation en Afrique ne dépasse pas les 11%. Des pays comme l’Égypte où 10% seulement de la population possède un compte bancaire ont également opté pour les applications mobiles banking. Des exemples peuvent se multiplier.

Le boum du mobile banking est à saluer. Mais les initiatives restent encore irrégulières et dans certains pays, en raison de l’absence d’un appui institutionnel, des marginalisations sont notées là où des opérateurs de téléphonie mobile et les institutions financières ne trouvent pas d’intérêt à déployer leurs infrastructures. L’autre aspect à regarder de près dans ce secteur est la « guéguerre » qui pourrait naître entre les banques et les opérateurs de téléphonie mobile. Il semble que les banques commerciales longtemps utilisées comme de simples partenaires des opérateurs de téléphonie mobile, ont décidé de lancer leurs propres services. La banque Ecobank estime que les revenus tirés du mobile banking dans les pays situés entre le Sahara et l’Afrique du Sud devraient passer de 657 millions de dollars à 3,53 milliards en 2017. Aussi bien les opérateurs téléphoniques que les banques s’investissent donc fortement pour le contrôle de ce marché lucratif.

Or, pour soutenir le mobile banking à s’intégrer véritablement comme l’un des moyens de lutter contre la faible bancarisation en Afrique, des spécialistes soutiennent que les institutions financières et les opérateurs de téléphonie mobile doivent mettre en place des systèmes ingénieux pour intégrer les populations non bancarisées à l’économie formelle via le téléphone portable. Car au-delà de la bancarisation, le mobile banking, estime l’analyste financier Serge Ikiemi, « peut révolutionner l’usage de la monnaie fiduciaire (billets de banque), sécuriser les transferts de fonds, doper la consommation. Ce mode de paiement et de consommation va relancer l’économie, encourager l’épargne bancaire et mettre fin à la thésaurisation ».

 

 

 


Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

Le mobile banking a du succès en Afrique.