Les Dépêches de Brazzaville



Mohamed Benattou : « Le conflit du Sahara occidental oppose le Front Polisario et le Maroc »


Historique du conflit

Faisant allusion au cadre juridique et historique du conflit, Mohamed Benattou cite « quelques référents » parmi lesquels l’avis de la Cour internationale de justice (CIJ) du 16 octobre 1975, qui « conclut sur l’inexistence ni la reconnaissance de liens juridiques de souveraineté territoriale entre le Sahara occidental et l’Etat marocain ».

Cet avis, poursuit-il, conclut également que « le processus de décolonisation envisagé   par l’Assemblée  générale   des   Nations   unies   est   un   processus   qui respectera   le  droit   international   des   populations   du   Sahara   occidental   de déterminer leur statut politique futur par la libre expression de leur volonté ». L’ambassadeur d’Algérie estime que « le territoire du Sahara occidental est toujours considéré comme territoire non autonome en vertu des dispositions du chapitre XI de la charte des Nations unies ».

À son avis aussi, depuis 1965, « l’Assemblée générale des Nations unies n’a pas cessé d’appeler à la décolonisation du territoire du Sahara occidental et affirmé le droit inaliénable du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination ». Le non-respect de ce principe fondamental, conforté par l’avis de la CIJ du 16 octobre 1975, a conduit à  un conflit armé  qui   a   duré   seize ans   jusqu’à   la proclamation d’un cessez-le-feu, le 6 septembre 1991, entre le Front Polisario et le   Maroc, ajoute   le   diplomate   algérien   qui   évoque   la   mise   sur   pied   de   la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental.

« Dans le cadre de leurs efforts en vue du règlement de ce conflit, les Nations unies et l’OUA ont initié, dès 1985, un processus de bons offices conjoints qui a abouti à l’élaboration d’un plan de règlement accepté par les deux parties au conflit, le Front Polisario et le Maroc, et adopté à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU dans ses résolutions 658 du 27 juin 1990 et 690 du 29 avril1991 », souligne Mohamed Benattou.

Malgré son acceptation formelle de ce plan, soutient l'ambassadeur algérien, le Maroc a multiplié les obstacles et les manœuvres dilatoires de manière à retarder l’organisation d’un référendum libre, juste, régulier et sans contraintes administratives ou militaires et de vouloir obtenir des Nations unies une modification significative du corps électoral de façon à lui garantir un référendum confirmatif.

Le rejet par le Maroc du plan Baker, adopté également   à   l’unanimité par le Conseil de sécurité en sa résolution 1541 du 30 avril 2004, dans laquelle il a réaffirmé son soutien au Plan de paix pour l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, affirme  Mohamed Benattou,  illustre   encore une fois   la   crainte   de   Rabat qu’il   ne   peut emporter aucun référendum au profit de ses thèses expansionnistes. Le Maroc poursuit systématiquement cette attitude pour gagner du temps et pérenniser sa colonisation au détriment des souffrances de la population sahraouie, se convainc-t-il.

Le   Maroc, argumente-t-il,   n’a   pas   trouvé   mieux   qu’une   vague   promesse   d’autonomie inacceptable pour le Polisario qui exige l’application du droit international en pareilles   situations :   l’application   du   principe   du   droit   de   tout   peuple   à l’autodétermination ! Parallèlement, les emprisonnements en série des militants de   la   cause   sahraouie, indique-t-il, s’accompagnent   d’une   fermeture   totale aux   ONG   et journalistes voulant s’enquérir des conditions de vie de la population victime de l’oppression, de maltraitance et du déni du droit que lui fait subir des autorités marocaines d’occupation. Ainsi donc, le Sahara occidental reste bel et bien la dernière colonie en Afrique, précise le diplomate.

L’ambassadeur d’Algérie fait savoir que tout récemment, lors de la présentation de son dernier rapport au Conseil de sécurité, le secrétaire général de l’ONU a déploré les restrictions imposées par le Maroc à la liberté de mouvement de son envoyé personnel, Horst Köhler, et de la Minurso, regrettant que l'émissaire onusien n’ait toujours pas accès aux interlocuteurs locaux dans les territoires sahraouis   occupés.   Rabat   avait   adopté   une   approche   conflictuelle   avec   son prédécesseur, Christopher Ross, allant jusqu’à limiter sa liberté de mouvement en le déclarant « persona non grata », rappelle-t-il.

Que pense l’Algérie de ce conflit

S’agissant de la position de l’Algérie, l’ambassadeur algérien a expliqué qu’elle s’identifie au consensus international et à la doctrine des Nations unies en matière de décolonisation. Elle n’a pas caché son soutien à la juste cause du peuple sahraoui pour l’exercice de son droit inaliénable à l’autodétermination comme elle l’a fait pour les pays d’Afrique australe en aidant le Frelimo au Mozambique, l’ANC en Afrique du Sud, le MPLA en Angola, la Swapo en Namibie, la Palestine et autres pays qui ont recouvré leur indépendance et leur souveraineté. L'Algérie, dit l'ambassadeur, ne s’en cache point, car sa position participe de son propre   cheminement   historique   et   révolutionnaire   et   de   sa   conviction   qu’un peuple en lutte pour son indépendance n’abandonnera jamais sa revendication existentielle pour vivre libre et souverain.

Des relations entre l’Algérie et le Maroc

Quant aux relations algéro-marocaines, Mohamed Benattou  souhaite revenir sur les raisons de la décision de l’Algérie de fermer ses frontières terrestres avec le voisin de l’ouest. En 1994, explique-t-il, le Maroc avait officiellement accusé l’Algérie d’être derrière l’attentat de   Marrakech et décide d’expulser les ressortissants algériens et d’instaurer des visas aux Algériens. Pour rappel, déclare le diplomate, la région frontalière d’Oujda, une région pauvre, vivait grâce aux touristes algériens qui s’y rendaient par centaines de milliers. En réponse à ces accusations infondées, l’Algérie avait décidé, à son tour, de fermer ses frontières avec le Maroc car elle représentait une source d’insécurité, de trafic de drogue et de contrebande de toute sorte, en inondant l’Algérie de cannabis.

Enfin, et pour édifier l’opinion publique congolaise, il lève le voile sur l’appel du roi Mohammed VI, évoqué par le diplomate marocain comme un geste « sincère et de bonne foi » en relation avec l’U.M.A, notamment, pour espérer   la   réouverture   des   frontières.   Cette   approche, pense-t-il,   laissait   entendre insidieusement que   l’Algérie serait   derrière le blocage de   la construction   du Grand Maghreb et empêcherait le rapprochement entre les deux pays voisins. La tentative   de   Mohammed   VI d’impliquer   l’Algérie   dans   le   conflit   du   Sahara occidental a lamentablement échoué, affirme-t-il. L’Algérie, qui a toujours soutenu les efforts de l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental continue donc à plaider pour une Union du Maghreb forte, martèle-t-il.

L’avenir de l’Union du Maghreb arabe

En vertu des  conclusions du sommet extraordinaire de l’Union africaine (UA), tenu les   17   et   18   novembre   2018,   sur   les   réformes   institutionnelles   de   l’UA,   qui   a   accordé   un   intérêt   particulier   au   rôle   des   ensembles économiques   régionaux   dans   les   processus   d’intégration   des   pays   africains, l’Algérie, révèle son ambassadeur à Brazzaville,   a   officiellement   saisi   le   secrétaire   général   de   l’UMA   pour   « l’organisation d’une réunion du conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Union dans les meilleurs délais ». Celle-ci n’aura pas lieu en raison du refus de Rabat, selon lui.

Il rappelle que l’Algérie a toujours été confiante quant à la capacité de l’UMA de peser   de   tout   son   poids   sur   les   rapports   de   force, tant   au   niveau   régional qu’international   comme   en   témoigne   son   adoption   de   vingt-neuf  conventions sectorielles sur un total de trente-six conclues depuis la création de cette union, en 1989, comparée au Maroc (huit conventions), de la Tunisie, de la Mauritanie (vingt-huit conventions) et de la Libye (trente-cinq conventions).

Le Maroc apparaît donc, pour Mohamed Benattou, comme le pays qui a signé le moins de conventions de l’UMA.  Ainsi, poursuit-il , quand   le   Maroc   œuvre   et   manœuvre   pour bloquer   les activités de l’UMA en refusant d’y participer, l’Algérie s’attelle, de manière volontariste, à trouver les ressources nécessaires pour relancer cette organisation régionale et   donner une « impulsion » à l’action commune des cinq pays membres.

L’Algérie, soutient son ambassadeur en poste au Congo, n’est pas partie au conflit du Sahara occidental, mais plutôt un pays observateur en sa qualité de pays voisin, abritant et aidant les réfugiés sahraouis sur son territoire. C’est à ce seul titre, explique-t-il, qu’elle est invitée à contribuer   aux   efforts   de   l’envoyé   personnel   du   secrétaire général de  l'ONU   au  Sahara occidental. La solution du conflit réside dans des négociations de bonne foi et sans   conditions, entre   le   Front   Polisario   et   le   Maroc   dans   le   cadre de l’application du principe d’autodétermination, estime l'ambassadeur.

Si, enfin, les relations entre l’Algérie et le Maroc connaissent un blocage, c’est par la faute de Rabat qui veut établir une sorte de linkage entre les relations bilatérales, la question du Sahara occidental et l’UMA, conclut-il.

 

 


La Rédaction