Les Dépêches de Brazzaville



Nostalgie : Il y a 33 ans exactement disparaissait le Nakhimov


Ce navire, à l’origine le SS Berlin III, construit par l’Allemagne en 1925 et réquisitionné par les Nazis en 1939 comme navire-hôpital durant la Seconde Guerre mondiale, fut abandonné sur une plage en 1945 après avoir heurté deux mines. Remis à flot par les Soviétiques quatre ans plus tard et renommé Amiral Nakhimov en l’honneur de l’amiral Pavel Nakhimov, cet imposant navire de 174 m de long était entré en service commercial en 1957 pour la compagnie de navigation de la mer noire et, s’il a servi de transport de troupes à destination de Cuba pendant la crise des missiles de Cuba en 1962, il a effectué cependant des croisières en mer noire pour de nombreux touristes.

Dix-sept jours de traversée…

Partis de Brazzaville en avion jusqu’à Alger puis Oran sur ce navire battant pavillon soviétique, les Bantous de la Capitale embarquent, dans la fin des années 70, pour une traversée de dix-sept jours jusqu’à la Havane. Le vieux Siméon Malonga, dit « Ricky », batteur de l’orchestre, se souvient : «  Jean- Serge Essous a fermement refusé ce voyage disant qu’il préférait autant faire la route à pied jusqu’à Cuba plutôt qu’avoir à supporter le mal de mer.  Et c’est finalement en avion qu’il est parti ». La traversée à bord de l’Amiral Nakhimov a eu pourtant chaque soir des allures de fête. Et Ricky d’enchaîner : « Nous répétions à bord chaque jour notre répertoire. Il y avait de nombreuses délégations étrangères sur ce bateau, celles du Ghana, du Bénin, de Guinée, de l’Algérie et j’en oublie. Et tous les soirs donnaient lieu à différentes représentations. Chaque pays offrant un spectacle, qu’il soit de musique, de danse ou de théâtre. Pendant cette traversée, l’après midi, on y jouait aussi parfois au football ou au volley ball, sans compter que très tard on finissait ces longues journées sur la piste de la boite de nuit  ». Il est aisé de deviner que le plus prompt danseur était Edo le patriarche. que confirme l’intéressé : « Oui, forcément, j’ai toujours été un grand danseur mais pas que, j’étais aussi un très bon footballeur... », a confirmé l'intéressé. Le brin moqueur Ricky le coupe et plaisante : « C’est vrai, c’était le champion de danse et de football mais aussi le champion du Johnny Walker ».

Des vagues et rien d’autre…

Tous n’ont pas goûté le même plaisir, le chanteur brazzavillois Zao,  participant lui aussi au onzième Festival mondial de la jeunesse en 1978 à La Havane, a pareillement connu cette traversée au long cours : « Ce fut le voyage le plus éprouvant de ma vie, dix-sept jours c’est long. Franchement, je n’étais pas très bien. Je me souviens de cet océan atlantique comme on peut se souvenir du désert, rien ni personne à l’horizon, les vagues, seulement des vagues autour de nous, je n’étais pas rassuré. Oui, j’avais peur et j’ai passé l’essentiel du voyage, enfermé dans ma cabine  ». 

Huit années plus tard, le 31 août 1986, la plupart des passagers de l’Amiral Nakhimov, qui vogue au large de Novorossisk, dorment paisiblement dans leurs cabines, d’autres écoutent un orchestre de jazz,  quand le navire entre en collision avec le Piotr Vasev, un imposant transporteur de fret chargé d’orge et d’avoine. Il ne faudra que sept minutes pour que l’Amiral Nakhimov coule en eau profonde faisant, en dépit des secours, quatre cent vingt-trois victimes dont soixante-quatre membres d’équipage.  Le patriarche Edo Nganga, avec beaucoup d’émotion dans la voix, se rappelle : «  Lorsque nous avons appris la catastrophe, ça nous a vraiment mis un coup, nous étions bouleversés, le Nakhimov faisait partie de l’histoire des Bantous de la Capitale, il nous aura laissé de merveilleux souvenirs ».


Philippe Edouard

Légendes et crédits photo : 

Le Nakhimov