Les Dépêches de Brazzaville



Princesse Esther Kamatari ou l’éternelle volonté de transmettre les valeurs


Princesse Esther Kamatari Les Dépêches de Brazzaville : Quel est le contenu de votre transmission ?
Princesse Esther Kamatari : Je transfère ce que mes ancêtres m’ont inculqué, comme par exemple auprès des femmes de Montfermeil.  La municipalité, organise un défilé de mode annuel pour célébrer les cultures. Tous les modèles sont portés par des mannequins d’un jour issus de la ville et mises en beauté par les maquilleurs de la Maison Guerlain, partenaire de ce défilé,  C’est une ville où l’on dénombre près d’une quarantaine de nationalités. Chaque communauté présente ses créations. À travers celles-ci, le simple défilé de mode devient une présentation des cultures par le biais de vêtements traditionnels. Avec LVMH, je leur enseigne l’élégance et le respect des codes vestimentaires. Au fur et à mesure s’installe entre nous la confiance. L’ouverture entre les uns et les autres s’installe, on apprend à se connaître. Par le défilé des talents, je favorise le savoir-faire de ceux qui y participent. Ils apprennent ce qui leur servira tout au long de leur vie. En définitive, le défilé devient la cerise sur le gâteau, car, intérieurement, le contenu véritable de la transmission est le respect et le savoir, cette envie du vivre ensemble. Sans revendiquer le rôle de moralisateur, c’est sur ce principe que je conçois mon rôle d’éducation de la femme africaine.

LDB : Quelle est la place de la femme au Burundi, pays précurseur dans le combat de la femme africaine, en net recul cependant aujourd’hui ?
Ce combat est aussi le mien. Je frissonne à la seule évocation de la condition féminine dans mon pays d’origine. La femme burundaise, ou plutôt la femme africaine possède de multiples bras. À chaque bras correspond une fonction, celle de mère, sœur, travailleuse au champ, femme au foyer, cuisinière, épouse, et j’en passe. Elle porte de nombreuses casquettes. Avant, elle était respectée et précieuse. Elle avait des droits fonciers sur sa terre. Elle gérait son foyer pendant que les hommes batifolaient. Aujourd’hui, ces droits ont disparu. C’est un scandale, car tous ces hommes qui pensent intervenir pour les femmes n’ont pas même de respect pour leur propre mère. Du temps de la monarchie, la femme avait une place digne. Aujourd’hui existent de nombreux conflits, car l’homme se considère supérieur et la traite ni plus ni moins comme un enfant ou un outil. C’est scandaleux. Il refuse de lui rétablir sa place parce qu’elle fait peur sans crier, par son silence !

LDB : Comment avez-vous vécu l’avènement d’une femme à la tête de la RCA ?
Un conflit de plus dans l’Afrique subsaharienne qui commençait à s’enliser. Pourtant, avec l’arrivée de Catherine Samba-Panza, je suis extrêmement fière de voir que c’est une femme qui va nous sortir de ce conflit. Le jour où les pays africains auront compris qu’il faut élire des femmes s’instaurera enfin la paix. Nos femmes murmurent des solutions radicales à l’oreille des décideurs. Nos femmes ne tuent pas leurs enfants, mais les éduquent. Nos femmes veulent la paix avant le pouvoir ostentatoire. Nos femmes savent établir de véritables compromis et pensent avant tout à l’intérêt général. Elles sont alors dérangeantes dans les différentes courses au pouvoir qui sont plutôt l’apanage des hommes. La démocratie, ce n’est pas du prêt à porter, on ne peut pas la comprendre quand on meurt de faim et qu’on croupit dans la misère. Si j’étais un homme, je ne me battrais sans doute pas avec le même acharnement. Nous, nous sommes déterminées quoiqu’il arrive, et nul doute que nous réussirons, nous, les femmes, à installer la paix.


Propos recueillis par Grâce Loubassou et Marie Alfred Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Princesse Esther Kamatari ©DR