Les Dépêches de Brazzaville



Processus électoral : Eugène Diomi Ndonga interpelle la population congolaise


Rappelant que le peuple congolais avait, récemment, gagné une bataille importante empêchant le président sortant, Joseph Kabila, de postuler pour un troisième mandat électoral, Eugène Diomi Ndongala fait observer que le peuple congolais n’a pas gagné la guerre du lancement d’un véritable processus de démocratisation au Congo-Kinshasa. Certes, pour la première fois dans l’histoire de l’Afrique centrale, a-t-il dit, la pression populaire et internationale a empêché un chef d’État ayant un contrôle absolu sur l’armée et l’appareil étatique de violer la Constitution et, à terme, de s’engager à quitter le pouvoir.

Pour le président de la DC, la vraie lutte doit continuer. Selon Eugène Diomi Ndongala, la vraie bataille est celle d'une vraie alternative politique et des élections où le vote ne sera pas une vague formalité. « Nous voulons la certitude que le résultat reflète le choix souverain du peuple congolais », a-t-il écrit, soulignant qu’il tenait à cette « vérité des urnes » pour laquelle il est emprisonné depuis six ans.

Loin d’un processus électoral crédible

De l’avis du président national de la DC, le pays était encore très loin d’un processus électoral crédible et beaucoup de choses pouvaient se passer d’ici à décembre, y compris la tentative d’imposer des délais supplémentaires pour les prochaines élections. Voilà pourquoi, a-t-il prevenu, il est impératif de continuer à maintenir la pression par l’action de forces politiques et sociales qui ne sont pas prêtes à accompagner aveuglement le régime kabiliste dans un troisième hold up électoral.

 Eugène Diomi Ndongala estime que le processus électoral demeure vicié et piégé parce que tout est fait pour qu'il déraille. « Les machines à voter sont contestées, le fichier électoral est vicié, le climat politique est crispé et les financements prévus indisponibles. En réalité, tout est fait pour nous mettre, pour la troisième fois, devant le fait accompli d’un énième glissement », a-t-il souligné.

Il a poursuivi que sans libération des prisonniers politiques, sans l’inclusivité, avec la machine à voter et plus de dix millions d’électeurs fictifs, à différents titres, estimés par l'Organisation internationale de la Francophonie dans son dernier audit du fichier électoral, la victoire tant vantée le 8 août par certains va être amère. « Une vraie victoire à la Pyrrhus », a-t-il insisté, notant qu’à force de se tromper d’objectif, les électeurs congolais seront toujours les dindons de la farce si rien n’est fait pour crédibiliser le processus électoral.

Le président de la DC est convaincu que la Commission électorale nationale indépendante n’a d’indépendante que le nom, la programmation des scrutins à venir ressemble plus à un « poker menteur » plutôt qu’à une réalité planifiée rigoureusement, pour un transfert pacifique du pouvoir. A tout cela, a-t-il fait observer, s’ajoute le rejet, de la part de l’exécutif national – qui a repoussé deux fois la tenue des élections prétextant ses difficultés de trésorerie – du financement extérieur des élections. D’autant plus que ce rejet est accompagné par le refus de l’aide logistique et technique de la Monusco, a-t-il regretté, ceci rendra impossible la distribution du matériel logistique et électoral sur le terrain, dans les délais impartis par le calendrier électoral.

Parmi les griefs qui font la faiblesse de ce processus, qu’il qualifie de mal préparé et qui risque de menacer la paix en RDC, le président national de la DC a également noté le rejet massif de la machine à voter par la majorité des Congolais, l’instrumentalisation d’une justice de service qui maintient en détention les prisonniers politiques, l’inapplication du chapitre 5 de l’Accord de la Saint-Sylvestre censé baliser la route vers des élections crédibles et inclusives.

Eugène Diomi Ndongala dit ne pas trouver, comme tous les autres acteurs politiques et sociaux congolais ainsi que la communauté internationale, dans le chef du pouvoir en place, la volonté d’organiser des élections. C’est face à cette réalité qu’il demande aux Congolais de prendre leur destin en main pour créer des conditions de paix véritable dans le pays et de libérer leur avenir, soutenant toutes les actions qui visent à maintenir la pression politique interne et extérieure sur le président Joseph Kabila et son régime « liberticide ».

"L'accord de la Saint-Sylvestre appliquée selon la convenance de la majorité"

Le président de la DC regrette que l’Accord de la Saint-Sylvestre, qui fut signé entre toutes les forces politiques et avalisé par les Nations unies et qui garde force de loi ne soit toujours pas appliqué, à la convenance de la majorité présidentielle. « Les mesures de décrispation politique promises par l’accord, à son chapitre 5, n’ont pas été appliquées et les prisonniers politiques emblématiques tels que votre serviteur, Eugène Diomi Ndongala, Jean-Claude Muyambo, nommément cités dans l’Accord restent en détention donc inéligibles. L’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, Floribert Anzuluni et Mbusa Nyamwisi n’ont toujours pas été autorisés à rentrer au Congo. La menace d’irrecevabilité plane aussi sur d’autres candidatures de l’opposition politique (comme celle de Jean-Pierre Bemba) », a-t-il fait savoir.

Regrettant le rétrécissement continu de l’espace d’expression, Eugène Diomi Ndongala note que la répression vis-à-vis des médias et des réseaux sociaux s’est accentuée ces derniers mois alors que la liberté de manifestation est toujours problématique à la veille des élections, en s’appliquant à géométrie variable et à la tête du « client ». Le président de la DC a signifié qu’il soutenait la position du Comité laïc de coordination qui, après une suspension de ses manifestations pacifiques, violemment réprimées, visant l’application intégrale de l’Accord de la Saint-Sylvestre, a annoncé la reprise, en août, de ses manifestations non violentes, surtout à cause des défaillances du processus électoral et la crainte que le régime Kabila puisse repousser, encore une fois, les élections.

Décrivant une situation humanitaire fortement dégradée, une situation sécuritaire aux couleurs de la dictature et une situation diplomatique de plus en plus tendue, Eugène Diomi Ndongala et la DC  estiment que participer à un processus vicié, caractérisé par la méfiance, l’exclusivité et le manque de crédibilité, miné par un environnement politique, sécuritaire, diplomatique et humanitaire désastreux, signifierait accompagner une énième imposture. C’est ce qui justifie, selon lui, la décision prise par son parti « de ne pas accompagner M. Kabila dans sa tentative permanente de miner le processus de démocratisation, par la répression politique, l’instrumentalisation de la justice, le non-respect de ses engagements politiques et diplomatiques mais aussi et surtout par sa volonté de saper le principe de la redevabilité politique, afin de cacher son bilan catastrophique à la tête de sa majorité présidentielle ». Eugène Diomi Ndonga réitère, en conclusion, la ferme décision de son parti politique, la DC, de ne pas participer à ce processus électoral piégé, non crédible et menaçant la paix dans le pays.  


Lucien Dianzenza

Légendes et crédits photo : 

Photo: Eugène Diomi Ndongala.