Les Dépêches de Brazzaville



Santé : l’artémisia au centre d’une table ronde


L’activité organisée par l’IFC est intervenue après la projection du documentaire " Malaria business", une enquête de Bernard Crutzen sur l’artémisia. Elle a eu comme intervenants Sostène Massamba, responsable de la ferme pédagogique Agria Loango, représentant la Maison de l’artémisia qui promeut cette plante au Congo; le Dr Kalina et Armelle Lusca, pharmacienne et docteur en génétique.

Le paludisme, rappelons-le, tue par an un million de personnes dans le monde et en infecte cinq millions, en majorité des enfants. Consciente de l’efficacité de l’artemisia pour éradiquer cette pathologie qui touche surtout les pays africains (90 % des cas) qui constituent également le berceau du plasmodium falciparum, le type le plus dangereux de la maladie, la Maison de l’artemisia, basée en France, s’est engagée depuis 2014 dans la promotion des artémisia annua, d’origine chinoise (utilisée depuis deux mille ans) contenant de l’artémisine et l’artémisia afra, d’origine africaine, qui ne contient pas cette substance.

La responsable de cette structure, Lucile Cornet-Verne, a même écrit un livre avec Laurence Couquiaud intitulé "Artemisia une plante pour éradiquer le paludisme", et anime des conférences pour prouver son potentiel.  La Maison de l’artémisia forme les acteurs de terrain, organise un réseau de cultures et de distribution labélisé et encourage à la culture de cette plante. Bien que son efficacité ait été prouvée par la médecine chinoise, l’usage de cette plante n’est toujours pas accepté par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’artemisia est même interdite dans certains pays comme la France et la Belgique. 

Le documentaire "Malaria Business", projeté avant la table ronde, révèle les vertus médicinales de cette plante, avec des témoignages des patients guéris grâce à elle et des médecins l’ayant expérimentée, comme le Dr Jérôme  Mulungui en République démocratique du Congo. Des études de terrain sont menées. Convaincus de son efficacité, de plus en plus de scientifiques font des recherches sur elle. Et contrairement aux ACT qui soignent seulement et contre lesquels (certains ACT) le parasite du paludisme a développé des résistances, l’artemisia le guérit à 98% et interrompt le cycle infernal de transmission.

Dans le documentaire, il est évoqué aussi les raisons de l’opposition de l’OMS à l’usage de cette plante qu’elle considère comme dangereuse en s’appuyant sur le principe de précaution. Par ailleurs, dans le commentaire du film, il est mentionné que «l’artémisia n’est dangereux que pour ceux qui font de la malaria un business». 

Nécessité d'une recherche approfondie

Comme la majorité des acteurs de la médecine conventionnelle, le Dr Kalina ne conseille pas l’usage de l’artémisia, estimant que des études scientifiques aux standards internationaux doivent être menées au préalable. «L’artémisia est une molécule d’avenir parce que, semble-il, guérit. Par contre, avant de l’utiliser, il faut qu’on mène un certain nombre d’études de façon à isoler les principes actifs. Si on arrivait à le faire, cela permettrait de fabriquer beaucoup de médicaments qui soient moins coûteux et de guérir du paludisme qui constitue la première cause de mortalité chez les enfants», a-t-il dit.

Pour ce qui est de ces études sur l’artémisia annua, Armelle Lusca a informé de la publication récente, par la Maison de l’artémisia, des résultats de recherches sur la plante. Pour elle, il faut une complémentarité entre la médecine traditionnelle et conventionnelle. «Les résultats de l’artémisia annua sont assez probants, il faut juste des études plus solides», a-t-elle estimé. En outre, le Dr Kalina a souhaité qu’à l’exemple du Sénégal, «la médecine traditionnelle soit bien encadrée au Congo pour qu’elle sorte du charlatanisme».

Mais, pour Sostène Massamba, loin de vouloir défier la médecine conventionnelle, la Maison de l’artémesia, en promouvant cette plante, voudrait contribuer à l’éradication de la malaria, surtout dans les pays pauvres où il fait le plus grand nombre de victimes et où, dans certains villages, les pharmacies n’existent pas. «L’artémesia n’est pas pour faire la concurrence mais pour rendre accessible le traitement contre le paludisme. Si en Chine il guérit depuis 2000 ans, on ne voit pas pourquoi il ne guérira pas aussi les gens ailleurs», a-t-il lancé.

S’agissant du charlatanisme, il a expliqué, «La Maison de l’artémisia est une structure encadrée avec un comité scientifique qui n’a rien à voir avec le charlatanisme».

Pour l’auditoire, ACT ou artémisia, tout est question de choix. «C’est un problème de choix. Avec tous les faux médicaments qu’on trouve sur nos marchés, notre espérance de vie est réduite. Je préfère prendre de l’artémisia, c’est naturel et il n’ y a pas d’effets secondaires. Il y a beaucoup de maladies qu’on traite avec des plantes. Je pense que pour l’artémisia, le problème est que si tout le monde en a, on n’achèterait plus les médicaments contre le paludisme dans les pharmacies», a confié un participant.

Notons que l’artémisia est aussi cultivé au Congo et vendu accompagné de la procédure de dosage (un litre de tisane par jour pendant une semaine) à Pointe-Noire, chez Sourire bio, structure de vente de produits bio, située vers le rond-point Loandjili.


Lucie Prisca Condhet N’Zinga

Légendes et crédits photo : 

-Une vue de la salle lors de la table ronde/ Adiac