Les Dépêches de Brazzaville



Santé publique : la plus forte urgence humanitaire attendue en 2018


« Alors que 77 personnes par minute sortent de l’extrême pauvreté en Asie, 3,6 personnes y tombent chaque minute en RDC ». Cette phrase chargée de signification de Samy Badibanga traduit une réalité de terrain souvent ignorée, celle de la pauvreté extrême dans laquelle pataugent de nombreux Congolais, tant à Kinshasa que dans le Congo profond. Au-delà de la simple description, c’est une mise en garde que lance l’ex-Premier ministre à l’endroit des autorités politiques actuelles face à l’extrême gravité que représente la situation humanitaire dans le pays. Une situation qui n’incite guère à l’optimisme au regard des signaux alarmants provenant de certains coins de la République où les habitants côtoient la mort au quotidien.

Jamais la RDC ne s’est aussi mal portée sur le plan humanitaire. Déplacement record de populations, de centaines de milliers d'enfants en danger de mort, ONG sous financées, État sans moyen, etc., un chapelet des faits qui renseignent sur l’état chaotique dans lequel se retrouve aujourd’hui le pays, du fait d’une insouciance quasi généralisée. Au seuil de l’année 2018, il y a de quoi redouter une vraie catastrophe si la tendance persistait. Le pays, faut-il le dire, a du mal à se relever après les dommages causés par les trois conflits armés successifs qui l’ont secoué notamment avec la recrudescence de l’activité des groupes armés dans les deux Kivu, sans oublier la crise au Kasaï avec le phénomène Kamuina Nsapu ainsi que le conflit Bantous/Pygmées dans le Tanganyika (sud-est).

Près de quinze mois durant, le pays s’est retrouvé dans cet engrenage mortel sur fond de violences d’une rare intensité ayant entrainé entre 2016 et 2017, les plus forts déplacements internes de populations au monde. D’après le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) et le Conseil norvégien des réfugiés, le déplacement massif des populations qu’a connu la RDC serait plus important que celui vécu en Syrie, en Irak ou au Yémen.

 Aujourd’hui plus qu’hier, les besoins humanitaires se font ressentir cruellement en RDC et plus particulièrement dans le Grand Kasaï. Le retour des déplacés ayant fui les combats entre les forces de sécurité et les milices de Kamuina Nsapu ne s’effectue pas sans anicroches. Venus pour la plupart de l’Angola où ils ont trouvé refuge, ces hommes et ces femmes qu’accompagnent leurs dépendants manquent de tout jusqu’aux produits de première nécessité. Leur prise en charge alimentaire pose problème. « Les conditions ne devraient pas s'améliorer avant juin 2018, car les saisons de plantation en 2017 ont été perdues », selon le Fonds des nations pour l'enfance (Unicef). Frappés de malnutrition aiguë sévère, au moins 400.000 enfants de moins de 5 ans pourraient mourir d’ici 2018 s'ils ne sont pas assistés par des interventions sanitaires et nutritionnelles.

L’Unicef prend les devants

D’où le cri d’alarme lancé par l’Unicef pour susciter l’intérêt de la communauté internationale par rapport à cette situation alarmante qui requiert une intervention d’urgence. Le Programme alimentaire mondial (PAM), quant à lui, parle de 250.000 enfants en danger de mort dans les prochains mois dans le Kasaï. Dans ce pays où chaque année 160.000 enfants meurent de causes liées à la malnutrition selon les récentes statistiques onusiennes, tout atermoiement est de nature à compliquer la donne et hypothéquer les chances de survie des enfants malades. Entre-temps, l’épidémie de choléra n’arrête de faire des victimes. 1.055 décès pour 50.507 cas suspects ont été recensés en 2017 dans 23 des 26 provinces du pays, d'après le ministère de la Santé.

Là où le bât blesse, c’est que de nombreuses ONG humanitaires opérant dans la région ne sont pas financées à la hauteur des besoins à faire face. L’Unicef, pourtant très présente dans le Kasaï, a affirmé n'avoir « reçu que 15% du financement nécessaire pour répondre aux besoins nutritionnels des enfants en 2017 ». D’autres, à l’image de Médecins sans frontière (MSF) ont carrément décidé de réduire leur personnel dans certains de leurs projets au Nord-Kivu. L’instabilité de la région avec des incidents sécuritaires récurrents contre les membres des ONG humanitaires complique sérieusement l’accès des populations aux soins. La RDC compterait actuellement quatre millions de déplacés, avec une progression de 1,7 million cette année, d'après des sources. Dossier à suivre.

 


Alain Diasso