Les Dépêches de Brazzaville



Société : l’art du copier-coller congolais


Décédé en ce début d’année à l’âge de 74 ans, l’Américain Larry Tesler avait inventé le « copier-coller », cette fameuse combinaison de touches informatiques qui permet de déplacer ou dupliquer certains éléments sur ordinateur. Si ce chercheur, spécialiste de l’interaction entre les hommes et les machines, avait fait du « Ctrl C » et « Ctrl V » une idée révolutionnaire pour les utilisateurs d’ordinateurs, le Congo en aura fait une expression, un réel art de vivre, grandeur nature et dépourvu de créativité, au quotidien. Que ce soit dans le monde culturel ou monde des affaires, rien ne résiste au pénible réflexe de copier son voisin et coller la bonne idée – et même parfois la mauvaise – pour la détourner à son propre avantage.

Audrey Kenguet, artiste peinte à Pointe-Noire, confiait il y a peu son obligation de peindre à l’abri des regards : «  Là où je crée, en extérieur près du Centre Nautique, il suffit que d’autres artistes me voit vendre une toile pour qu’ils en reproduisent le même thème le lendemain ». Qu’elle peigne une girafe et voilà qu’arrive au loin le troupeau. On aimerait en tordre le cou tant le constat s’applique hélas en tous domaines et semble être la marche à suivre pour certains partisans du moindre effort cérébral ou pour ceux dont l’honnêteté intellectuelle ne reste qu’une vue, plus ou moins floue, de l’esprit. Cette marque de fabrique, connue de tous Congolais,  trouve son étiquette en peinture comme dans la mode, en cinéma ou en musique, également dans les thématiques d’évènements, et chacun de plagier la recette pour la mettre à sa sauce. C’est une façon de penser et d’agir, elle sonne comme un leitmotiv : « Tout ce qui est visible m’appartient ». Les réseaux sociaux qui offrent une visibilité accrue regorgent d’exemples d’idées copiées, d’idées collées, sans qu’elles n’affichent le moindre état d’âme jusqu’à devenir la norme. Les paternités légitimes se noient dans une source rarement citée. Tricherie, contrefaçon, vol, plagiat, simple inspiration ou malheureuse coincidence ? A vrai dire on s’en soucie assez peu hélas, chacun jouant des coudes pour avancer avec sa part de reconnaissance usurpée.   

Rappelons que quelques jours après le décès de Larry Tesler, son ancien employeur Xérox avait déclaré sur Twitter à propos de cet informaticien : « Votre journée de travail est plus facile grâce à ces idées révolutionnaires » et ce ne sont pas les rois du « Copier-Coller » en République du Congo qui pourront le contredire. 


Philippe Edouard

Légendes et crédits photo : 

Copier-Coller