Les Dépêches de Brazzaville



Troisième mandat de Joseph Kabila : le décor presque planté


Le débat au sujet d’un éventuel troisième mandat non autorisé par la Constitution et par l’Accord de la Saint-Sylvestre de Joseph Kabila continue de tenir en haleine le microcosme politique congolais, à la veille de la convocation par la Céni du corps électoral en prévision des législatives nationales et de la présidentielle. A ce jour, personne ne sait dire avec précision ce que pourra être l’attitude de l’intéressé qui ne s’est jamais prononcé clairement sur le sujet, se contentant juste de dire qu’il respecterait la Constitution. Alors que le temps s’égrène, la coalition au pouvoir, actuellement organisée autour du Front commun pour le Congo, une plate-forme électorale cristallisée autour de Joseph Kabila qui en est l’autorité morale,  continue à tergiverser sur le choix de son candidat au prochain challenge présidentiel.

Tous les partis et regroupements politiques, tant de la majorité que de l'opposition, affiliés à cette plate-forme électorale, sont, comme qui dirait, embarqués dans une spirale d’incertitudes et aucun leader politique membre n’ose franchir le rubicond pour exprimer ses ambitions à la présidentielle. Tout se passe comme s’il s’agissait d’un poste taillé sur mesure. La langue de bois continue à avoir droit de cité. « Le président de la République respectera la Constitution », soutiennent certains cadres pendant que d’autres continuent d’inviter l’opinion à la patience. «  Le moment venu, vous saurez si notre autorité morale va se présenter pour un troisième mandat présidentiel ou pas », avance un sbire de la « Kabilie ».  

Nonobstant les appels récurrents du Comité laïc de coordination invitant Joseph Kabila à lever l’équivoque sur la controverse suscitée autour de son troisième mandat, rien dans les faits n’a bougé. A telle enseigne que les laïcs catholiques ont finalement pris l’option d’ameuter la rue via des grandes actions de terrain projetées pour le mois d’août et ce, dans l’hypothèse où Joseph Kabila déposerait effectivement sa candidature. Mais, à bien considérer les choses, l’on n’est pas loin de cette réalité que les partisans du PPRD et alliés n’occultent plus dans leurs interventions publiques. Si hier, ils en parlaient à voix basse, aujourd’hui, le troisième mandat de Joseph Kabila  n’est plus un sujet tabou. Et les arguments ne manquent pas pour soutenir une telle approche devenue la tasse de thé des inconditionnels de la majorité présidentielle qui ne jurent plus que par la représentation de leur autorité morale.

A la suite de Me Jean Cyrus Mirindi qui avait lancé un débat juridique à ce sujet en soutenant que Joseph Kabila était à son premier mandat et qu’il était éligible à un second suite à la révision constitutionnelle intervenue en 2011, laquelle donnait naissance à une nouvelle Constitution prenant effet à partir de cette échéance,  d’autres voix se sont levées pour soutenir cette thèse. L’échéance légale du mandat de Joseph Kabila ne s’arrête pas au 23 décembre, entend-on dire. Dans une récente tribune publiée dans la presse, le secrétaire permanent adjoint du PPRD, Ferdinand Kambere, souligne que Joseph Kabila a encore droit, comme candidat indépendant, à se représenter pour un second mandat sous le nouveau régime constitutionnel de l’élection présidentielle ainsi ouvert par la révision constitutionnelle intervenue en 2011.

Lorsqu’on touche, par une révision constitutionnelle, sur une matière concernée par l’immuabilité constitutionnelle (verrouillée), on donne naissance à une nouvelle Constitution, explique-t-on. Autrement dit, le fait que l’article 71 a été modifié en 2011 pour faire passer le suffrage universel de la majorité absolue des suffrages exprimés à la majorité simple, le pays basculait automatiquement dans un nouveau régime constitutionnel, offrant ainsi la possibilité à l’actuel président de la République de postuler pour un deuxième et dernier mandat constitutionnel.

A la majorité, on se félicite que cette thèse n’ait jamais été remise en cause par d’éminents juristes, preuve de sa pertinence et de sa justesse. C’est donc sur la base de cette approche de droit constitutionnel que Joseph Kabila pourrait, le cas échéant, solliciter à nouveau les suffrages des Congolais, quitte à ce que la Cour constitutionnelle, seule habilitée à interpréter les textes de loi, puisse lui en donner quitus. L’on tend donc vers ce qui peut-être considéré par certains esprits comme un passage en force avec tous les dégâts collatéraux que cela pourrait occasionner dans une opinion interne chauffée à blanc par des mouvements citoyens et des laïcs religieux contestataires.

A tout prendre, on est revenu presqu’à la case de départ. A l’instar de la hantise qui avait marqué les esprits à l’approche de décembre 2016 avec son cohorte d’incertitudes quant à la tenue des scrutins, décembre 2018 présente également les mêmes similitudes sur fond de questionnements sur l’avenir politique immédiat de la RDC. De quoi demain sera-t-il fait ? Les prochains mois nous en diront davantage.


Alain Diasso