Les Dépêches de Brazzaville



Union africaine : la réforme de l’institution au centre d’un nouveau sommet


Le projet de réforme institutionnelle de l’Union africaine (UA) est porté depuis deux ans par le président rwandais, Paul Kagame, l’actuel président en exercice de l’organisation panafricaine, à qui il reste moins de temps pour faire passer des changements destinés à la rendre moins bureaucratique pour plus d'efficacité.

Outre les réformes, d’autres sujets importants seront abordés par les chefs d’Etat et de gouvernement, dont le processus d’intégration, dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine et d’autres initiatives connexes, sans oublier la promotion de la paix et de la sécurité régionales.

D’après des analystes, les dirigeants africains devront, à l’occasion du présent sommet, réaliser la nécessité de hâter les changements de l’organisation puisqu’en janvier, Paul Kagame cèdera son poste annuel de président en exercice de l’UA au chef de l’État égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, bien moins enclin que lui à défendre les réformes. C’est ce que soutient Elissa Jobson, du centre d’analyse International crisis group, selon laquelle, « l’inquiétude tient à ce que, même si elle ne devait pas chercher à revenir dessus, l’Égypte ne ferait très probablement pas la promotion de ces réformes ». Elle a estimé: « Le sommet de ce week-end est le dernier effort pour faire adopter autant de modifications que possible avant que Paul Kagame ne passe la main au président égyptien ».

Le chef de l’Etat rwandais avait été chargé, en 2016, par ses pairs de réfléchir à une réforme visant notamment à garantir l’autonomie financière de l’organisation pour lui donner les moyens de sa souveraineté politique. Ce qui était de tout point de vue nécessaire puisque l’UA a été pendant de longues années critiquée pour sa lourdeur administrative et son inefficacité.

Pour avoir compris la nécessité d’engager des modifications au sein de l’organisation panafricaine, Paul Kagame a cherché à tailler dans les dépenses de l’union, en limitant le nombre de sommets et de commissions et à réduire sa dépendance à l’égard des donateurs étrangers. Il a aussi suggéré que l’UA circonscrive ses priorités à la sécurité, la politique et l’intégration économique. Depuis, certaines réformes ont été déjà adoptées. C’est le cas des sommets qui, en début d’année en cours, sont passés de deux à un sommet annuel.

En ce qui concerne la taxe sur les importations, près de la moitié des cinquante-cinq Etats membres a accepté de la payer à hauteur de 0,2%, pour réduire la dépendance de l’UA à l’égard des bailleurs étrangers, lesquels contribuent à son budget à hauteur de 50%. L’autre moitié trouvera un autre moyen d'être payée, a confié Elissa Jobson, spécialiste de l’UA à International crisis group.

Malgré ces changements remarquables et plus de deux ans et cinq sommets après, certains Etats clés sont toujours extrêmement réticents, allant jusqu’à redouter qu’un accord global sera conclu lors du sommet extraordinaire annoncé.

Analysant la procédure de réforme engagée par l’UA, Liesl Louw-Vaudran, consultante auprès du centre sud-africain d’analyse Institute of security studies, a dit que sa réussite dépendra du nombre des chefs d’Etat qui se rendront à Addis-Abeba. « Il faudra voir combien de chefs d’État viennent et cela déterminera le succès du sommet, qui déterminera d’une manière ou d’une autre le succès des réformes », a-t-elle fait remarquer. Or, pour l’heure, on sait que l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, le Botswana, les Comores, le Togo et le Ghana ont confirmé qu’ils enverraient leur président. Quant au Nigeria et au Mozambique, ils vont déléguer leur ministre des Affaires étrangères. Les autres pays n’ont pas fait savoir qui se déplacerait.

Liesl Louw-Vaudran a, en outre, fait observer que la plupart des pays africains les plus puissants sont, en effet, réticents à donner à l’UA la capacité de prendre des décisions à leur place. « Ils ne veulent abandonner aucune part de souveraineté à la Commission de l’UA. Ils la voient encore comme une sorte de secrétariat chargé de mettre en œuvre ce que les chefs d’État décident », a-t-elle expliqué.

Evoquant la prochaine présidence de l’Egypte à l’organisation continentale, Elissa Jobson a souligné que les réserves du pays tiennent à une sorte de ressentiment, d’autant qu’il avait été suspendu de l’UA un an après le coup d’État de 2013 ayant amené Abdel Fattah Al-Sissi au pouvoir. « Il y a un sentiment général que cette décision avait été plus impulsée par la Commission que par les États membres. C’est une raison supplémentaire pour l’Égypte de vouloir voir les pouvoirs de la Commission réduits », a-t-elle commenté.


Nestor N'Gampoula