Médecine pour tous. Cœur et grossesse

Vendredi 24 Mai 2019 - 13:53

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L’objet de ce propos est triple : indiquer les modifications physiologiques que la grossesse imprime au système cardiovasculaire, préciser les modalités de prise en charge des cardiopathies préexistantes, décrire les cardiopathies spécifiques de la grossesse.

Modifications cardiovasculaires physiologiques au cours de la grossesse. Elles débutent dès la 10e semaine (SA) d’aménorrhée et se poursuivent jusqu’à la 32-36e SA. Le débit cardiaque (=QC=quantité de sang éjecté par le cœur/minute) s’élève régulièrement et atteint son maximum à la 28e SA. Cet accroissement est dû à l’augmentation du volume sanguin total et de la fréquence cardiaque (pouls rapide). Il explique la présence d’un souffle systolique dit fonctionnel (sans conséquence pathologique). En outre, sous l’effet d’hormones spécifiques (prostaglandines), il se produit une dilatation artérielle. L’augmentation du volume sanguin se fait surtout aux dépens du plasma et non des cellules sanguines, ce qui rend compte de l’anémie physiologique de la grossesse par hémodilution. Elle est rendue nécessaire par l’existence de la circulation foeto-placentaire. Enfin, l’élévation du taux des facteurs de la coagulation génère une hypercoagulabilité sanguine qui explique le risque accru de manifestations thromboemboliques (phlébite, embolie pulmonaire). Enfin, l’accouchement accroit considérablement le travail du cœur, notamment par la redistribution d’environ 300 ml de sang utéro-placentaire vers la circulation générale à chaque contraction cardiaque. Normalement, toutes ces modifications disparaissent après l’accouchement.

Modalités de prise en charge des cardiopathies au cours de la grossesse. Il s’agit des cardiopathies congénitales ou acquises (rétrécissement mitral rhumatismal notamment) et de l’HTA. Une consultation pré-conceptionnelle est recommandée qui permet d’en évaluer la sévérité et le risque évolutif sur la mère et le fœtus afin d’envisager une correction interventionnelle ou chirurgicale préventive, hormis le cas de l’HTA qui requiert un régime strict et un traitement médicamenteux approprié. Sur grossesse en cours, deux attitudes sont possibles devant une valvulopathie jugée sévère : en cas de grossesse débutante, son interruption est envisageable afin de corriger la valvulopathie avant une prochaine grossesse ; sur grossesse avancée, une cure radicale peu invasive de la valvulopathie peut être envisagée. La prise en charge médicale d’une cardiopathie sur grossesse comprend : les mesures hygiéno-diététiques (régime très peu ou pas salé, notamment), un traitement médical minimal et approprié si nécessaire, la surveillance cardiologique clinique et écho-Döppler tous les 3 mois au moins et la surveillance pendant le travail. Il est rare aujourd’hui qu’on en vienne à pratiquer une césarienne. La prévention des embolies doit être envisagée dans le post-partum.

Cardiopathies spécifiques de la grossesse. Typiquement, il s’agit de la cardiomyopathie du péripartum (CMPP) et de la pré-éclampsie. a) La CMPP, naguère appelée syndrome de Meadows, est une cardiomyopathie dilatée (CMD) telle que décrite dans les Dépêches de Brazzaville (3425 : 24-, 2019) et qui requiert un régime sans sel et un traitement digitalo-diurétique. En voici les particularités : survenue au cours de la grossesse dans les deux mois précédant le terme et jusqu’à six mois après l’accouchement ; femme jeune, multipare, plus fréquemment africaine, sans cardiopathie préexistante, développant une insuffisance cardiaque globale d’évolution généralement favorable sous traitement mais pouvant être létale et à haut risque de récidive au cours d’une nouvelle grossesse. b) La pré-éclampsie (ou toxémie gravidique). En voici l’essentiel : prévalence à 6% de femmes enceintes, HTA ≥ 140/80 mmHg survenue au-delà de 20 SA d’aménorrhée avec protéinurie ≥ 300mg/24 heures, âge ≤ 40 ans ; facteurs de risquefréquents (race noire, obésité, première grossesse ou grossesse gémellaire, antécédents familiaux ou personnels de pré-éclampsie), symptômes d’alerte devant conduire au spécialiste, à type de gonflement important ou rapide des jambes, bouffissure du visage et des mains, prise de poids rapide, essoufflement, céphalées, troubles digestifs avec douleurs abdominales, etc. Possibilité de complications graves, à détecter tôt pour sauver la mère et l’enfant, à savoir, pour la mère : décollement placentaire, atteintes rénale, hépatique, pulmonaire, cardiovasculaire, AVC, convulsions (éclampsie), troubles de l’hémostase avec hémorragies majeures, décès ; pour l’enfant : retard de croissance intra-utérin, naissance prématurée, faible poids de naissance, décès ou risque accru de cardiopathies plus tard.

Au total, la grossesse peut, d’une part, générer deux cardiopathies spécifiques graves à type de cardiomyopathie du péripartum et d’HTA avec albuminurie (pré éclampsie/éclampsie), d’autre part aggraver une cardiopathie ou une HTA préexistante. Ces situations doivent être détectées précocement par le médecin traitant et confiées aux spécialistes concernés afin de préserver la vie de la mère et de l’enfant et de leur éviter des complications dans le futur.

Christophe Bouramoué, professeur émérite, nbouramoue@yahoo.fr

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