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Quelle gouvernance mondiale demain ?

Samedi 25 Mai 2019 - 18:33

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Personne, bien sûr, ne saurait dire avec certitude de quoi demain sera fait, mais il est au moins un domaine dans lequel nous pouvons avancer un pronostic sans grands risques : celui de la transformation de la gouvernance mondiale que le changement des rapports de force entre les nations de la planète et, de façon plus générale, l’évolution du monde ne peuvent manquer de générer à terme très rapproché.

Vu de l'Afrique équatoriale, où sont écrites ces quelques lignes, deux mouvements se conjugueront, en effet, plus vite qu’on ne le croit, qui instaureront à l'échelle de cette même planète une gouvernance bien différente de celle qui la gère depuis des décennies.

° Le premier de ces mouvements est la modification de l’équilibre entre les grandes puissances qui s'étaient réparties le pouvoir au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Bâtie autour de l'axe Etats-Unis-Europe, dont la puissance militaire, économique et financière était nettement plus forte que celle de l'Union Soviétique plombée alors par le communisme et de la Chine qui commençait tout juste à se réveiller de son long sommeil, la gouvernance mondiale était jusqu'à présent dominée par le modèle occidental. Ce dont témoignait l'installation sur le sol américain de toutes les grandes institutions internationales -  l'Organisation des Nations unies et son Conseil de sécurité, les institutions de Brettons Woods (Fonds monétaire international, Banque mondiale) en particulier - et la prééminence du dollar américain sur la scène monétaire. La réémergence de la Russie sur la scène mondiale et surtout l'apparition spectaculaire de la Chine, plus discrète de l'Inde sur cette même scène au cours des deux dernières décennies ont totalement rebattu les cartes sur la table du jeu de poker international, ceci d'autant plus que dans le même temps, l'Europe ne parvenait pas à s’imposer comme une véritable puissance. Résultat des courses : là où un "Grand" dominait indiscutablement la scène mondiale, cinq s'affrontent désormais à fleurets plus ou moins démouchetés. Une véritable révolution dont nous vivons les premiers instants.

° Le second mouvement résulte du déséquilibre humain engendré à l’échelle planétaire par le déséquilibre économique entre les continents qui s’est instauré au cours des deux derniers siècles. En effet, tandis que la richesse produite par la révolution industrielle des dix-neuvième et vingtième siècles en Europe et aux Etats-Unis provoquait une forte limitation du nombre des naissances, donc une diminution et un vieillissement accélérés de leurs populations, la sortie de la pauvreté par l'Asie, l'Afrique, l'Amérique latine s'est accompagnée ces dernières décennies d'une forte, très forte croissance de leurs populations.  Résultat des courses également : alors que le monde occidental compte aujourd’hui à peine plus de six cents millions d'êtres humains, la Chine et l'Inde en comptent chacune près d'un milliard quatre cents millions, l’Amérique latine six cent cinquante millions et la population africaine croît à un rythme tel qu'elle abritera plus de deux milliards d'habitants à échéance de cinquante ans. Même si la richesse des nations occidentales reste très supérieure, pour l’instant, à celle des nations du Tiers-monde, de tels déséquilibres démographiques ne peuvent, à brève échéance, qu'entraîner une réforme en profondeur de la gouvernance mondiale. Une réforme que les pays émergents ne vont pas tarder à exiger et qui donnera à l'Afrique, à l'Asie, à l'Amérique latine la place qui leur revient de droit dans la gestion à venir de la planète en raison de leur poids humain, économique et commercial.

Il ne nous appartient pas de dire quels devraient être les grands axes de cette révolution pacifique, mais il est évident que l'humanité doit se préparer dès à présent à ce changement radical si du moins elle veut éviter que de terribles conflits naissent des transformations en cours. Autrement dit si les grandes puissances d’hier ne s’accordent pas avec les grandes puissances du temps présent et des temps à venir pour adapter la gouvernance mondiale à ces réalités.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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