Interview. Delavallet Bidiefono : « Le Congo est un bien commun, il n’y a pas à se jeter la pierre »

Jeudi 12 Décembre 2019 - 21:25

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Le directeur du festival "Bo ya kobina" ou "Venez danser" en français est rentré de Paris avec dans sa gibecière plusieurs partenaires pour la cinquième édition de cet événement qui a débuté le 9 décembre à Kombé, à 17 km de Brazzaville. Il se félicite de la subvention de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et de l’Institut français du Congo de Brazzaville qui, pour la première fois, s’est résolu à l’accompagner dans la réussite de cette rencontre internationale de danse et de musique.

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C) : Qu’en est-il de la cinquième édition de Bo ya kobina ?

Delavallet Bidiefono (D.B.) : Nous avons, cette année, quelque chose de spécial, notamment la chance d’avoir eu beaucoup d’aides. L’OIF nous a apporté une subvention, je crois que nous allons continuer de travailler ensemble. Nous avons aussi l’Institut français du Congo qui, pour la première fois, a voulu être notre un partenaire pour que nous réalisions un bon travail. Avec ces aides, nous allons vraiment en faire un [vrai] festival international car au départ nous n’avions pas beaucoup de moyens de notre ambition et ne l’organisions seulement pour les Congolais de Pointe-Noire et de Brazzaville. Pour la première fois, nous avons fait venir une compagnie française et également des compagnies venues de la République démocratique du Congo, du Cameroun, du Gabon, sans oublier, bien sûr, celles de Pointe-Noire et Brazzaville.

L.D.B.C. : De bonnes perspectives alors pour l’année prochaine…

D.B.: L’année prochaine, j’aimerais qu’il y ait des compagnies qui viendront de Dolisie, d’Oyo, d’Owando… et cela n’est possible que si l’on a des moyens. Nous sommes très engagés à fédérer les peuples de l’intérieur mais aussi de l’extérieur. Pour cette édition donc, nous avons des gens venus de partout pour fêter avec nous. Il y a des groupes de musique, I Jah Man, Stella Key et bien d’autres. Nous avons un pôle cinéma avec des projections de films chaque soir pour les enfants ainsi que pour les adultes en rapport avec notre philosophie. Dans l’autre pôle, il y a tout ce qui est création artistique ou théâtrale, tout ce que le Congo dit à ses invités « Nous vous accueillons ».

L.D.B.C. : Quels sont les objectifs de cette édition ?

D.B. : Il s’agit d’élargir la programmation. Nous venons d’un pays traversé par la guerre et je suis heureux de recevoir les jeunes du quartier qui viennent me témoigner que ce rendez-vous leur fait du bien. On va au-delà de langues en fait. Moi, j’habite dans la partie sud de Brazzaville mais je ne suis pas du Pool. Je suis de Pointe-Noire et me sens bien ici à Kombé. C’est le même sentiment quand je suis à Paris où j’ai également une résidence. Tous les amis qui viennent de l’extérieur,  j’aimerais qu’ils se sentent à l’aise au Congo. Nous appelons cela « buana », et « buana » chez nous, c’est l’accueil. C’est important pour nous d’accueillir les gens. Et pour cette édition, la première chose c’est d’ouvrir les bras à tous les étrangers qui viennent chez nous au Congo. 

L.D.B.C. : Qu’est-ce que cela vous fait aujourd’hui d’avoir construit l’Espace Baning’Art à Kombé, une partie de la ville qui a connu des frasques de la guerre ?

D.B. : L’idée de créer cet endroit n’était même pas stratégique bien que cela eût un grand sens. On a connu des tragédies qu’on ne va peut-être pas oubliées. Nous travaillons plutôt ensemble pour que nous essayons d’oublier ce passé que nous ne voulons plus revivre. Je suis comme cette personne qui est venue avec une aiguille pour recoudre un tout petit peu ces fissures, ces déchirures. Je vois des femmes, des enfants ici qui n’ont pas fait de longues études parce qu'ils ont longtemps vécu dans les forêts. Certains ne connaissent pas le théâtre, la danse contemporaine ; ils ne connaissent pas non plus la musique. Il y a un truc, c’est quand ils voient un corps danser qu'ils se remettent en place (...) Il y a tout un travail aussi autour de l’éducation dans le quartier, tous dans la partie sud ont intérêt de faire cela pour effacer les traces de la guerre. Le Congo est un bien commun, il n’y a pas à se jeter la pierre.    

L.D.B.C. : Qu’est-ce que l’on peut retenir de vos créations ?

D.B. : Je suis comme quelqu’un qui traverse le temps et, du coup, je ramasse tout ce que je rencontre sur mon chemin. Donc les corps, les mouvements, les idéologies... J’aime beaucoup parler de la société, raconter les inégalités qu’il y a dans le monde. Que ça soit le racisme, l’homophobie, l’esclavage, etc. Il y a plein de choses qui nous traversent ou qui nous ont traversés. Je m’inspire de tout cela. Je crois aussi que le monde n’a pas encore su ce que nous avons connu. Tout le temps c’est ce que je fais. Même quand je passe dans les chaînes étrangères, je raconte mon histoire et à travers mes spectacles, je leur ouvre une porte du Congo et notamment de l'Afrique.

Propos recueillis par Achille Tchikabaka

Légendes et crédits photo : 

Delavallet Bidiefono

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