Couleurs de chez nous : voleurs nobles

Jeudi 20 Février 2020 - 20:51

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Le vol est et restera certainement un fléau social difficile à éradiquer. Ni l’éducation citoyenne ni les sanctions prévues par la loi n’arrivent à dissuader celles et ceux qui ont fait de cette pratique leur profession. Au contraire, ils excellent en ingéniosité pour passer inaperçus lors de leurs opérations dont les modes sont variés et tiennent compte de plusieurs facteurs : la personne ciblée, le lieu, le temps, l’environnement général, l’objet visé, le contexte, etc.

De façon générale, sont visés : des articles ou objets susceptibles d’être revendus afin d’espérer gagner de l’argent. Mieux, l’objet de vol doit servir soit directement soit indirectement. Rares sont des actes de vol qui ne rapportent pas. Et nuls sont ces voleurs qui tombent sur des objets inutiles !

Voilà pourquoi les téléviseurs, les téléphones portables, les ordinateurs, les montres de luxe et autres bijoux sont les premiers articles sur la ligne de mire des voleurs et assimilés de la profession. Les autres appareils électroménagers le sont aussi sauf que leurs poids ou volume n’encouragent pas les voleurs. Dans l’autre catégorie, on trouve des sacs et des vêtements tandis que, au-dessus de tout, il faut noter l’argent.

Les éléments cités ci-dessus peuvent être retenus comme ceux qui dominent aujourd’hui les actes de vols. Une lecture que permet la réalité de chez nous et, voire, de l’Afrique. Parce que, en effet, phénomène social, un acte de vol ne saurait se détacher de la culture du pays et de ses valeurs. En clair : un voleur ne vise que des objets qui reflètent sa culture ou son identité et celle des individus auprès desquels il espère les revendre.

Jusqu’au milieu des années 1990, les livres faisaient partie des objets visés. Celui qui extirpait un ouvrage, quel qu’il fut, était sûr de le revendre ou de tirer profit. Des étudiants et élèves étaient champions dans la subtilisation d’ouvrages dans les bibliothèques ou librairies. Les journaux et magazines n’étaient pas épargnés et ceux qui en possédaient devaient les garder loin des mains baladeuses.

Lecture sociale : le Congolais d’hier vivait pour son esprit, détaché du matériel, il savait que la vraie richesse était intellectuelle. N’ayant pas d’argent pour se procurer le trésor que représentait le livre, il était obligé d’être un « voleur noble ». Celui-là qui bénéficiait des circonstances atténuantes et qui voyait sa peine commuée par la ligue des passionnés des œuvres de l’esprit. Ouvrages littéraires, romans d’espionnage, ouvrages scientifiques, tout était précieux pour élèves et étudiants. Aux côtés des ouvrages, il y avait des œuvres d’art telles les peintures et les sculptures.

Dans la foulée, dans nos villages, on volait les coqs, les poules, l’oseille ou les graines d’oseille, les arachides et, en fonction des réalités de terrain, on peut citer les cabosses de cacao, les feuilles de tabac, la pirogue (par des voisins des villages environnants pour ceux qui sont le long des fleuves et rivières).

Les temps présents étant contrôlés par le matériel ou le clinquant, les gens d’esprit n’ont pas à craindre pour leurs bibliothèques.

 

 

 

Van Francis Ntaloubi

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