Evocation : Ulysse, l’avisé, et son odyssée

Jeudi 26 Mars 2020 - 20:36

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Le 31 décembre 1969, le Parti congolais du travail (PCT) était né aux termes d’un congrès constitutif exalté par la perspective de la victoire annoncée du socialisme scientifique sur le capitalisme. Marxisme-léninisme, lutte finale contre l’impérialisme, internationalisme prolétarien, etc. Les thèmes ne manquaient pas pour promettre un avenir radieux au peuple congolais. Extraction de son comité central, un Bureau politique (BP) de huit membres fut mis sur pied. Le congrès leur avait prescrit de coordonner la lutte finale du peuple congolais contre l’impérialisme, en général, français, en particulier. Les huit héros de l’assaut final étaient respectivement par ordre : commandant Marien Ngouabi, Claude Ernest Ndalla (Graille), commandant Alfred Raoul, Pierre Nzé, lieutenant Ange Diawara, Justin Lekoundzou (Itihi Ossetoumba), Ange Edouard Poungui et capitaine Luc Kimbouala Nkaya. Avec une configuration faite de quatre militaires et quatre civils, le nouveau parti affichait sans fard son éclectisme militaro-marxiste.

 On avançait joyeusement le drapeau rouge au vent quand, à peine installé, le leadership militaro-marxiste fut contesté les armes à la main par l’opposition. C’était le 23 mars 1970. Le PCT faillit se volatiliser au bout de trois mois d’existence. Interpellés et échaudés par l’irruption armée du lieutenant Pierre Kinganga, alias Sirocco, les nouveaux dirigeants n’eurent d’autre choix que d’appeler à resserrer les mailles du filet anti-impérialiste contre les «valets locaux». En clair, il fallait revoir la copie du partage du pouvoir du précédent congrès.

De nouvelles assises dites « 1er congrès extraordinaire » s’ouvrirent du 30 mars au 1er avril 1970. Ce congrès, dont nous avons parlé dans les mêmes colonnes, élargit la composition du bureau politique qui passa de huit à dix membres. C’est le fameux top ten.

M. Ambroise Noumazalay et le capitaine Denis Sassou N'Guesso étaient les deux nouvelles personnalités qui faisaient leur entrée dans le club très fermé des leaders chargés de la lutte finale contre l’impérialisme. Leur présence dans cette instance n’était pas fortuite. On récompensait les deux officiers qui s’étaient illustrés dans l’échec du coup de force du lieutenant Kinganga.  Le lieutenant Ange Diawara et le capitaine Denis Sassou N'Guesso étaient concernés.

Membre de ce bureau politique dès la fondation du parti, Ange Diawara renforça son emprise dans ce BP, où se profilait une partie de jeu d’échecs. Il  remit en selle son mentor, Ambroise Noumazalay, épinglé dans l’affaire Pouabou et autres. De son côté, le président Marien Ngouabi, vigilant, fit monter son poulain, l’homme de sa sécurité, le capitaine Sassou N'Guesso. Le retour en force de l’ancien Premier ministre Noumazalay modifia ostensiblement l’équilibre des forces de ce BP. Chargé de la commission du plan, le nouvel élu se plaçait en troisième position dans la nomenclature politique du pays, après le président Marien Ngouabi et le secrétaire général du parti, Claude Ernest Ndalla (Graille). Il venait de subtiliser la place du commandant Alfred Raoul qui dégringola pour rester simple membre du BP, vice-président du conseil d’Etat.

Elevé au rang du membre du BP, le capitaine Denis Sassou N'Guesso, jeune homme de 27 ans, avait la charge des organisations de masse. C’était le côté visible de son activité. Dans les faits, il veillait sur la sécurité du régime.

Dans le déchaînement des passions et les folles rumeurs de renversement de régime caractéristiques de l’époque, personne ne pouvait sérieusement prédire, ni la durée du régime, ni le temps de la présence d’un individu au sein d’une instance comme BP du nouveau parti.

Pour éprouver la résistance aux chocs et le flair de la bonne affaire (se situer du bon côté, au bon moment), des élus du BP, les coups ne manquaient pas. Le BP était à la ressemblance d’une capsule spatiale aux prises à des vents cosmiques. Les météorites étaient légion. On risquait de se faire éjecter au premier virage.

Qu’on en juge. Le 22 février 1972, le BP est dans la tourmente. Une épreuve de force met aux prises ses membres les uns contre les autres. Eventré, le top 10 perdit Claude Ernest Ndalla, Ambroise Noumazalay, Ange Diawara, Kimbouala Nkaya et Alfred Raoul. Restés soudés à leur ceinture, les autres membres firent bloc autour de Marien Ngouabi, et, parmi eux, le jeune capitaine Sassou N'Guesso.

L’épreuve suivante fut des plus rudes. En effet, le 18 mars 1977, le Bureau politique est décapité avec le meurtre de son président Marien Ngouabi. Dans la confusion qui suivit, le parti est mis en quarantaine. Plus de BP. C’est l’ère du Comité militaire du parti, (CMP). Toujours dans la navigation, Dénis Sassou N'Guesso est en embuscade.

Le 5 février 1979, c’est le rétropédalage. Le CMP est éjecté. Sorti de sa réclusion, le parti reprend du poil de la bête. Au terme de sa session du 5 au 8 février 1979, le commandant Denis Sassou N’Guesso est élu président du comité préparatoire d’un congrès extraordinaire à venir. A l’issue de ce congrès, le novice du BP d’avril 1970 devient la première personnalité du parti. A ses côtés, rescapés du top ten d’avril 1970, on retrouvera  Pierre Nzé, Justin Lekoundzou et Ange Edouard Poungui.

Pierre Nzé et Ange Edouard Poungui, deux des fondateurs du PCT, quitteront la barque dans le sillage de la vague démocratique. Ambroise Noumazalay fit un come-back remarqué comme secrétaire général du parti de 1992 à jusqu’à son décès en 2007. Terrassé par la maladie depuis 2006, Justin Lekoundzou est cloîtré à la maison. Au total, aucun membre du BP sur le top-8 du départ n’est plus visible. Par contre, sur le top-ten formé en avril 1970, seul le membre du BP, Denis Sassou N'Guesso a réussi à tirer son épingle du jeu. Un demi-siècle plus tard, l’histoire comparera le BP d’avril 1970, à un vaisseau homérique plongé dans une odyssée périlleuse où, seul Ulysse l’avisé, Denis Sassou N’Guesso sera le champion toute catégorie de la résilience.

 

François- Ikkiya onday- Akiera

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