Florent Ibenge : « Le championnat congolais est pauvre... »

Mardi 12 Mai 2020 - 11:15

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Invité de La Team Africa avec Anthony Africa et Michel Tobo de foot.cd, l’ancien sélectionneur et entraîneur de l’AS V.Club, Florent IbengeI Kwange a parlé du championnat de la République démocratique du Congo pauvre et privé des sponsoring. Florent Ibenge qui a remporté en 2014 le championnat national de football avec le club vert et noir de Kinshasa a été très explicite sur le football congolais qui a un bon niveau, mais demeure très pauvre en termes de budget.

Pendant une trentaine de minutes, l'ancien footballeur international a commencé par soutenir l’avis unanime des clubs sociétaires de la Ligue nationale de football (Linafoot) d’arrêter le championnat national, soulignant que le championnat devait s’arrêter le 31 mai et qu’il était impossible de reprendre dans les conditions actuelles où les vols sont suspendus. Entre autres. Bien plus, le Covid-19 a fait des victimes, et lorsqu’il y a des morts, c’est plus important que le football, a-t-il ajouté. 

« Le championnat congolais ne draine pas beaucoup de recettes, malheureusement. Je lance un appel pour dire que le championnat congolais est bon. Sur cinq éditions de Championnat d’Afrique des nations (CHAN), nous en avons remporté deux, c’est donc la valeur du championnat congolais qui est bon. On voit Mazembe qui a trusté à un moment donné les coupes d’Afrique, V.Club qui est arrivé en finale, et pourtant c’est le championnat le moins sponsorisé », a déploré Florent Ibenge. Au sujet des efforts louables des dirigeants sportifs, il a laissé entendre : «Les dirigeants se battent de temps en temps avec l’aide du gouvernement, ils se battent parce qu’il n’y pas de sponsors, c’est très difficile, ce sont des philanthropes. Les clubs congolais ne sont pas des entreprises, et le fait qu’il n’y a pas de championnat (suspendu à cause du Covid-19) ne change pas grand-chose pour eux, parce que les recettes les jours de matchs sont dérisoires, partagées par je ne sais combien d’entités, et la part qui revient aux clubs est vraiment minime. Ce n’est pas avec ça que nos clubs vivent, les droits télé n’existent pas, nous sommes un championnat pauvre… ».

Et il a mis en exergue les prestations des clubs congolais en Afrique malgré cette pauvreté au niveau du budget. « Mazembe est beaucoup plus professionnel parce que ce club a eu un dirigeant (Moise Katumbi Chapwe) qui a eu la possibilité de bien comprendre les choses et d’amener les sponsors, mais c’est le seul… A côté de ça, ce que l’on arrive à faire avec le Daring, V.Club, Maniema Union ou Sanga Balende quand on va en Afrique pour rivaliser avec d’autres clubs, c’est quant même exceptionnel ; assez exceptionnel d’avoir des résultats avec l’effort de certaines personnes qui ne sont pas non plus des milliardaires », a fait valoir Florent Ibenge.

Pour lui, « ...On a la chance d’avoir un vivier extraordinaire de grands footballeurs qui font qu’avec un peu d’intelligence et en travaillant beaucoup, - d’arrache-pied parce que nos joueurs sont durs au mal -, on arrive à compenser ce fait là et mentalement, en se disant ‘on a peut-être moins d’argent, mais sur le terrain, sur un match, on peut battre n’importe qui’. On y va avec cette mentalité, mais ça ne suffit pas ».

Les clubs les plus riches gagnent

Florent Ibenge a souligné l’importance de l’argent dans le football : « Je fais toujours cette analogie que l'on n’a pas l’habitude de faire, parce qu’ici au Congo, on est tellement compétiteur que, aujourd’hui si l’AS V.Club tombe dans une poule avec le Real, le Barça et le Bayern et en sort dernier, tout le monde sera déçu… On n’a pas l’habitude de regarder les autres, on pense toujours que l’on peut les battre, et c’est une très bonne mentalité, mais il faut aussi regarder un petit peu la réalité des choses. Et la réalité c’est de dire aux Congolais : ‘si vous regardez les championnats européens et regardez ou vous allez en Espagne, si le Real n’est pas champion, c’est le Barça, ou de temps en temps l’Athletico et basta ! Pas une autre équipe. Quand vous allez en France, c’est pour l’instant le Paris Saint-Germain. En Angleterre, c’est Manchester City, ou Manchester United, ou Liverpool, Chelsea de temps en temps, ou Tottenham qui vient un peu, et ces clubs sont les plus riches. C’est la même chose lorsque vous prenez la Coupe d’Europe. Si ce n’est pas Liverpool, c’est Barça, c’est le Real, Bayern, de temps en temps la Juve, et c’est tout. Et quand vous regardez l’échelle, comme par hasard, ce sont les clubs les plus riches ». Il a continué : « Les Congolais doivent savoir qu’il y a une analogie avec ça. De temps en temps, il peut y avoir un trouble-fête, comme l’Ajax en ce moment ou le Paris Saint-Germain qui commence à avoir beaucoup d’argent mais ne va pas au bout. Peut-être un autre jour, si l’Ajax gagne ce sera un épiphénomène, et puis il rentrera dans les rangs ».

Et d’expliquer :« C’est la même chose avec les clubs congolais et notamment avec l’AS V.Club. On est au-delà de la centième place africaine au niveau du budget, et malgré tout, chaque année, on arrive à rentrer dans la phase des poules. C’est quelque chose d’exceptionnel, il ne faut pas être chagrin, mais plutôt fier de ça. Il faut que l'on trouve des mécanismes, des moyens pour rivaliser avec les autres. Le classement est fait au niveau de la Confédération africaine de football (CAF), V.Club est autour de la dixième place africaine, mais au niveau du budget, il est au-delà de la centième place sur le continent. Sportivement, on est dixième, financièrement, on est au-delà de la centième ! Si on arrive à rattraper ce déficit au niveau financier, je crois sportivement, on serait dans les cinq meilleurs ».

Investir dans la formation et attirer les sponsors

Parlant de l’avenir du football congolais, Florent Ibengea pense qu’il faut investir dans la formation et rendre le football attrayant pour attirer les sponsors. « Un sponsor ne vas pas se lier à quelque chose de violent mais plutôt d'attrayant. Quand vous regardez nos matchs de championnat, ils sont agréables, et c’est plutôt bon pour les sponsors. Mais si quelque chose n’était pas bien, c’était les infrastructures. On les a améliorées mais on est encore en retard. Ce sont ces deux faits, infrastructures et pas de violence, qui font que vous pouvez aujourd’hui ramener des sponsors. Le grand sponsor actuel est Canal +, pour ne pas le citer, qui sponsorise le championnat ivoirien ; pourtant le championnat congolais preste mieux ! Si on avait ce problème d’infrastructures adéquates, on éradiquerait la violence, et je crois qu’avec l’arrivée d’un grand diffuseur, les annonceurs viendraient aussi. Il y a aussi une piste que l’on n’utilise pas chez nous, à part Mazembe encore une fois, c’est la formation. Nous n'avons pas de centre de formation, et ça c’est un réel frein. Et la seule chose qui puisse, je le dis haut et fort, nous faire rivaliser face à ces grands clubs maghrébins, c’est la formation parce qu’on a un vivier extraordinaire qu’eux n’ont pas. Ce vivier que l'on n’exploite pas se dilue, qui fait que nous sommes normaux au lieu d’être extraordinaires ! » a conclu l’entraîneur principal de V.Club. un message en forme d'appel.

Martin Enyimo

Légendes et crédits photo : 

Florent Ibenge

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