Interview: Maître Jean-Claude Katende : « dans cette action contre Joseph Kabila, nous avons voulu mettre la justice congolaise devant ses responsabilités »

Vendredi 15 Mai 2020 - 11:00

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Dans un entretien, le vice-président de l’Eveil patriotique indique que par l’action en justice initiée contre l'ancien chef de l'Etat, son mouvement attend une réponse indépendante de la justice

Le Courrier de Kinshasa : Maître Jean-Claude Katende, dans quel cadre inntervient la plainte portée en justice contre l’ancien chef de l’Etat Joseph Kabila ?

Jean-Claude Katende : Il ne s’agit pas d’une plainte parce que l’évêque Mukuna n’est pas directement victime d’une infraction commise par l’ancien président Joseph Kabila. Il s’agit d’une dénonciation, qui est à situer dans le cadre de l’Eveil patriotique qui milite pour que la RDC ne soit plus un pays géré par un groupe d’individus au détriment d’un autre. Pendant la gestion du pays par le président Kabila, plusieurs violations des droits de l’homme ont été commises qui peuvent le toucher directement ou indirectement. Mais il n’a jamais été interpellé, alors que les victimes se comptent par milliers dans le pays. Donc, c’est dans le cadre de la justice et de la lutte contre l’impunité que nous pouvons situer la dénonciation faite par le président de l’Eveil patriotique. C’est aussi une possibilité donnée aux victimes de s’expliquer et de trouver une solution aux problèmes endurés pendant plusieurs années.

LCK : La loi portant sur le statut d'ancien président, notamment dans ses articles 7 et 8, ne protège-t-elle pas Jospeh Kabila contre toute action judiciaire de ce genre liée aux actes posés, alors qu'il était en fonction ?

JCK : Cette loi viole un principe érigé par la Constitution, qui consiste en ce que tous les citoyens soient égaux devant la loi. Elle soustrait l’ancien président des poursuites pour les actes qu’il aurait commis dans l’exercice de ses fonctions. Mais l’article 9 de cette loi dit que l’ancien président de la République peut être poursuivi pour des crimes contre la paix et la sécurité humaine. Les cas de violation des droits de l’Homme épinglés dans la dénonciation de l’évêque Pascal Mukuna sont des crimes de sang, dont certains constituent des crimes contre l’humanité. On peut les qualifier de génocide si l’on prend en compte le cas des Kasaï où il y a plus de 50 fosses communes, et de Yumbi, où il y a plus de dix fosses communes.

La même loi exige la décision des deux tiers du Congrès pour la mise en accusation de l’ancien président. D’où les manœuvres du Front commun pour le Congo (FCC) pour contrôler le Parlement.

LCK : Que répondez-vous à ceux qui pensent que, par rapport au principe « Non bis ibidem », selon lequel nul ne peut être poursuivi deux fois pour le même fait, l'évêque Mukuna et vous tous voudriez épargner Joseph Kabila des poursuites de la Cour pénale internationale ?

JCK : Pendant les faits que nous dénonçons, le président Kabila était le commandant suprême des forces armés et de la police nationale. Cela veut dire que pour les violations des droits de l’Homme dans lesquelles la police et l’armée sont intervenues, le président Kabila avait été mis au courant. L’ancien président Kabila n’a pas été entendu sur ces questions. Ici, le principe de « Non bis ibidem » qui veut que l’on ne puisse juger les mêmes faits pour une deuxième fois n’est pas de mise parce que dans tous ces procès bidon, le président Kabila n’a pas été entendu. Nous voulons que la justice l’entende parce qu’il ne peut pas se prévaloir des procès auxquels il n’a pas été partie.

LCK : Cette action en justice n'est-elle pas une fuite en avant pour l’évêque Pascal Mukuna qui voudrait détourner l'attention de l'opinion sur le scandale sexuel dans lequel il est impliqué?

JCK : Depuis déjà plusieurs mois, le pasteur Mukuna déclarait qu’il déposerait une dénonciation contre l’ancien président Kabila. Cette affaire de scandale sexuel n’est venue qu’après. Pour le faire taire, on a ressorti cette affaire peu crédible qui est une manipulation politique visant à affaiblir L'Eveil patriotique. Mais l’évêque n’a pas peur de ces accusations. Le peuple congolais a compris que ce sont des manœuvres pour le décourager.

LCK : Avec la configuration politique actuelle et la position de Joseph Kabila, cette action en justice peut-elle conduire à une condamnation ?

JCK : Nous avons voulu mettre la justice de la RDC devant ses responsabilités à savoir examiner la dénonciation faite par l’évêque Pascal Mukuna et y apporter une réponse. Mais, les magistrats et les juges doivent savoir qu’un jour, les actes qu’ils posent seront  jugés par l’histoire.

LCK : Au cas où la justice congolaise ne donnerait pas une suite favorable à votre requête, qu’envisagez-vous de faire ?

JCK : Si la justice congolaise donne une réponse favorable à notre requête, nous allons faire en sorte que le procès ait lieu, que les Congolais apprennent la vérité sur les faits mis à charge de l’ancien président Kabila, que les victimes puissent trouver la solution. Que la suite soit favorable ou défavorable, nous attendons tout simplement une décision du parquet.

LCK : Avez-vous un message à adresser à la justice et à la population ?

JCK : A la justice, nous rappelons ce que dit  la bible : la justice élève une nation. Les juges et les magistrats jouent un rôle important dans le développement démocratique d’un pays. Aussi, nous leur demandons de jouer ce rôle pour faire en sorte qu’un autre président ne se comporte pas comme si il était roi et le peuple son esclave. Et à la population, nous disons que ce mouvement est fait pour que chaque citoyen prenne conscience que ce pays lui appartient, que ce pays n’appartient pas aux politiciens et qu’il doit être mis au service de tout le monde.

Lucien Dianzenza

Légendes et crédits photo : 

photo: Jean Claude Katende/Adiac.

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