État islamique : le monde prend peur de la menace terroriste

Mercredi 24 Septembre 2014 - 16:45

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Les dirigeants de plusieurs pays viennent de se réunir à New-York, aux États-Unis, sous les auspices de l’Onu, autour d’une conférence sur le climat. Le changement climatique est en effet depuis des années au cœur de débats qui n’en finissent pas. Et pour cause. Ils mettent sur la balance les questions de souveraineté des États, donc de leurs intérêts immédiats, et celles pourtant cruciales, mais presque généralistes de la survie de l’humanité. À chaque fois, on l’a vu, les promesses solennelles faites ne sont pas suivies d’effet. Mais toutes les fois, lorsque les experts dissertent sur le développement durable, un autre défi pressant traverse les esprits : la lutte contre le terrorisme. Comment y faire face avec la ferme volonté de mutualiser les efforts ?

Trois ans après l’éclatement du conflit syrien et son enlisement, le langage pour désigner le terrorisme international s’est enrichi de nouveaux vocables. Au fil des jours, la référence à Al Qaïda, groupe formé par Oussama Ben Laden, auteur présumé des attaques meurtrières du 11 septembre 2011 aux États-Unis, est moins en vue dans la presse comme chez les spécialistes. En lieu et place, ont émergé « État islamique en Irak et au Levant », puis à sa suite « État islamique » tout court. C’est la trouvaille des hommes qui, forts de recruter leurs adeptes à travers le monde, et ils l’ont prouvé, ambitionnent de se constituer un territoire et des institutions fondés sur leur foi en leur Dieu. Ils sont rejoints par des djihadistes venant de partout, des États-Unis, de France, du Royaume Uni, de pays arabes, d’Afrique.

Les guerres inachevées de l’autre décennie

L’État islamique survient dans un contexte de guerres inachevées des deux dernières décennies : celles d’Irak, lorsqu’il fallut renverser Saddam Hussein, celle d’Afghanistan, menée contre le chef d’Al Qaïda et les Taliban, celle de Libye contre Mouammar Kadhafi ; naturellement celle en cours en Syrie. Des guerres inachevées qui ont déteint sur l’instabilité chronique de plusieurs régions du monde. L’Afrique s’est trouvée malgré elle à la première affiche de ce tableau peu reluisant : trafics en tous genres, prises d’otages, massacres de civils innocents, attaques des symboles publics dans plusieurs pays, diffusion de vidéos montrant des hommes excités célébrant ces « triomphes », la vie n’est plus comme avant et le petit écran en assure un bon relai.

Sur cette dernière considération, les observateurs s’accordent à dire que c’est bien la guerre inachevée de Libye, elle-même fille du printemps arabe, qui est la mère nourricière de nombreux réseaux terroristes répertoriés sur le continent. Des réseaux dormants qui ont repris vie, d’autres en création qui ont eu de quoi exister. Le Mali paye un lourd tribut, l’Algérie, malgré des efforts soutenus, n’est pas totalement à l’abri. Mais à la ronde, des actes s’apparentant plus ou moins à la contagion de la nébuleuse terroriste affectent une zone englobant potentiellement le Mali, le Niger, le Maroc, la Mauritanie, l’Algérie, la Libye, l’Égypte, la Somalie, la Tunisie, mais aussi le Nigeria et tout récemment le Cameroun, en Afrique centrale. Si l’on considère les conflits en Centrafrique, au Soudan du Sud, et à l’Est de la République démocratique du Congo, on parlerait volontiers du danger qui pèse sur une grande partie de l’Afrique. Le Nord, l’Ouest et le Centre du continent sont sur la sellette.

L’État islamique et l’occident

Observons la teneur de cet appel du porte-parole de l’État islamique : « La meilleure chose que vous puissiez faire est de vous efforcer de tuer tout infidèle, qu’il soit Français, Américain ou un de leurs alliés…Si vous ne pouvez pas trouver d’engin explosif ou de munitions, alors isolez l’Américain infidèle, le Français infidèle ou n’importe lequel de ses alliés. Écrasez-lui la tête à coup de pierre, tuez-le avec un couteau, renversez-le avec une voiture, jetez-le dans le vide, étouffez-le ou empoisonnez-le ».  Signé : Abou Mohamed al Adnani, qui s’adresse à la fois aux fidèles de l’État en proclamation à la jonction des territoires irakien et syrien, et aux pays occidentaux entrés en guerre contre ce dernier. En l’occurrence, et pour le moment encore, les États-Unis, la France, et la coalition des 40 pays.

De teneur du message, il faut plutôt parler de la brutalité de celui-ci. Mais cette violence verbale de ceux qui n’hésitent pas à passer à l’acte est loin d’impressionner ceux qui sont décidés à leur mener la vie dure. « La France ne cédera pas aux terroristes », « l’Algérie ne négociera pas », ont notamment déclaré les responsables français et algériens après l’enlèvement, le 22 septembre, en Algérie d’un ressortissant français, Hervé Gourdel, décapité deux jours après par le groupe Jund Al-Khilaf, se réclamant de l’État islamique. Dans cette guerre engagée contre les fondamentalistes de l’EI par l’occident, l’on peut s’interroger sur de nombreux paradoxes qui l’entourent.

Le premier est ce refus de dialogue entre des pays qui se disent tous opposés à une quelconque victoire des terroristes avec la création effective de l’EI. On sait l’Iran sur cette position, en même temps que le régime syrien. Des mauvais partenaires malgré quelques atouts dont ils peuvent disposer peut-on dire. Parce que les États-Unis, la France et le Royaume Uni demandent le départ sans condition de Bachar Al Assad, parce que ces pays n’ont pas encore soldé leur contentieux nucléaire avec Téhéran, ils s’abstiennent par principe de tout compromis qui se solderait par un engagement concerté contre l’EI.

Et voilà Washington et Paris prendre sur eux de bombarder les territoires irakien et syrien contrôlés par les combattants de l’État islamique se fiant tout bonnement à la précision présumée de leurs avions de chasse. À terme, en l’absence de soldats sur le terrain (ils l’ont annoncé), qui vérifiera que les cibles sont réellement touchées, que les souffrances infligées aux civils par les terroristes sont arrêtées, qu’enfin l’Irak est tiré d’affaire ? Devrait-on, attendre quelque chose des frémissements diplomatiques enregistrés à New-York lorsque le président français, François Hollande, a rencontré son homologue iranien, Hassan Rohani ?

Le fait est que, plus les États-Unis et la France  tardent à regarder la réalité en face en tentant de parler aux partenaires qu’ils ne portent  pas nécessairement (l’Iran et la Syrie en l’occurrence), plus ils auront du mal à asseoir une politique de sortie de crise dans cette région et peineront à se dégager de l’engrenage dans lequel ils risquent de s’enfermer. Pendant ce temps, les terroristes s’implanteront, pendant ce temps, la peur qui gagne le monde à cause de ces échecs de coordination affectera des secteurs entiers de la vie des États et des citoyens. Il n’est pas certain, qu’en ce moment-là, le mérite en reviendrait à la diplomatie internationale.
 

Gankama N'Siah
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