Vincent Rautureau : « C’est en se confrontant aux meilleurs et à plus fort que soi que l’on progresse »

Samedi 27 Septembre 2014 - 7:15

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Quelques jours après la participation de son équipe au tournoi Élite de Ploufragan, soldée par trois revers (0-2 face aux U20 de Guingamp et de l’Académie Jean-Marc Guillou, puis 0-1 contre le Stade Brestois), Vincent Rautureau, l’entraîneur du CESD La Djiri, livre ses impressions. Il confie sa satisfaction quant à la tenue globale de ses troupes et revient avec fierté sur la mise à l’essai de deux joueurs par l’Olympique de Marseille

Les Dépêches de Brazzaville : Monsieur Rautureau, avec un peu de recul, quel est votre état d’esprit concernant ce tournoi de Ploufragan ?
Vincent Rautureau : Je suis content de notre participation à ce tournoi très relevé, qui se déroulait au Centre technique de Bretagne. Je voulais que les joueurs continuent leur apprentissage de haut niveau. Et ça a été le cas avec trois adversaires de renom que sont les U20 de Guingamp, de Brest et de l’équipe de l’Académie Jean-Marc Guillou. Malgré les trois revers, l’équipe de La Djiri a fait honneur au football congolais et au travail effectué tout au long de l’année au CESD.

La différence d’âge explique-t-elle à elle seule les résultats ?
Face à Guingamp, notre premier match, je pense que l’on a également eu un déficit de préparation : depuis un mois et demi, l’équipe continuait de disputer les matchs de championnat, mais en raison des vacances scolaires les entraînements étaient moins réguliers et moins poussés. Il y avait un peu de relâchement chez les joueurs, moins de rigueur technique-tactique et face à des équipes de haut niveau, ça se paye comptant. Après, il y a effectivement eu un écart d’âge plus important que celui auquel on s’attendait.

Pour mémoire, l’équipe de La Djiri était la même que celle qui a remporté le tournoi de Rezé en avril dernier, c’est-à-dire des U17…
Oui, il s’agissait des mêmes joueurs, c’est-à-dire nés en 1997. En face, il y avait des joueurs nés en 1996, 1995 et 1994. Et chaque équipe pouvait aligner deux joueurs pros. Le Guingampais Younouss Sankharé était présent, même s’il n’a pas joué contre nous. Au sein de l’Académie Jean-Marc Guillou, il y avait deux joueurs du SK Lierse, qui ont joué des matchs de première division : Manuel Benson, meilleur joueur du tournoi, et l’Égyptien Mohamed Abdelathi. Les autres sont stagiaires professionnels ghanéens, égyptiens et belges. À Brest, il y avait un international A congolais en la personne de Christopher Missilou et un joueur, Brendan Chardonnet, avec 15 matchs de Ligue 2 au compteur. L’opposition était de très haut niveau.

N’était-il pas risqué de se frotter à des adversaires pros, plus chevronnés ? Avec trois revers, n’avez-vous pas peur que les joueurs se découragent ?
Nous voulions que les jeunes découvrent le plus haut niveau pour deux raisons : qu’ils prennent conscience de leur qualité, mais aussi du chemin qu’il leur reste à parcourir. Et nous avons été agréablement surpris, car nous sommes globalement montés en puissance même si les scores ne le reflètent pas. Face à l’Académie Jean-Marc Guillou Monde et Brest, nous avons livré des prestations de qualité. C’est en se confrontant aux meilleurs et à plus fort que soi que l’on progresse. Et face à ces adversaires de qualité, nous avons montré que nos jeunes étaient en devenir.

Parmi ces jeunes en devenir, deux éléments ont d’ailleurs été pris en stage à Marseille pour une semaine : Exaucé Ngassaki et Durel Bel Avounou…
Dès le samedi, plusieurs clubs se sont rapprochés pour prendre des informations sur certains joueurs. Le lundi matin, Marseille a concrétisé cette volonté et les deux jeunes sont partis, sous les ordres de Ferhat Kerhat, Stéphane Nado et Thomas Fernandez, que je connais bien, pour cette semaine que l’on peut qualifier d’observation approfondie. Jusqu’au 24 ou 25, ils ont donc travaillé avec le groupe U19 marseillais, et le staff du centre de formation de l’OM a souhaité les observer une semaine de plus (jusqu’au 5 octobre), c’est bien et ça montre un réel potentiel….

D’autres clubs ont-ils manifesté de l’intérêt ?
Pour Exaucé et Durel, Caen était aussi très intéressé, mais ça a capoté à quelques heures près : à 14h, la direction du CESD donnait l’accord à l’OM et à 18h, mon ami Marc Rivoallan, le responsable du recrutement de Caen, nous faisait la même demande. Il était très déçu, mais ça reste positif pour La Djiri, car il y a eu un intérêt réel. Pour être honnête, d’autres joueurs (huit au total) ont fait l’objet de convoitises, mais je préfère ne pas citer les noms pour qu’ils restent concentrés sur leur progression.

Après quatre tournois (Djiri Cup en février, Gauteng en mars, Rezé en avril et Ploufragan) cette année, quelles sont les prochaines échéances de l’équipe ?
D’abord se remettre au travail, puisqu’avec la fin des congés l’Académie va rouvrir ses portes dans une quinzaine de jours : les joueurs ont un programme individuel à suivre depuis le début des vacances, mais ça ne remplace pas le travail fait à l’Académie. Ensuite, le président Amouzoud m’a demandé de trouver un ou deux tournois de qualité pour poursuivre la progression des joueurs. Début janvier, plusieurs joueurs atteindront la majorité, ce qui facilitera les mises à l’essai par les clubs intéressés. Donc, je n’ai pas encore de nom définitif à donner, mais nous devrions être de retour en France rapidement, à moins que ce soit en Italie ou au Portugal. Mais avant il est temps de rentrer à la Djiri, se remettre au travail et de resserrer les boulons.

C’est-à-dire ?
Sur le terrain, il y a de la qualité, c’est indéniable. Mais les joueurs doivent comprendre qu’à un certain moment, au haut niveau, la différence entre ceux qui réussissent et ceux qui échouent se fait dans l’approche du métier. Je suis venu préparer le tournoi et j’en ai profité pour prendre quelques jours afin de voir ma famille. Pendant mon absence, le président m’a fait état d’un relâchement des joueurs, qui en ont fait un peu moins à l’entraînement. Ils ont été un peu moins concentrés sur la rigueur autour du football. C’est leur grand problème, et je leur ai fait le reproche à mon retour.

Alors que Rifi Mandanda (4e gardien du SM Caen) était attendu pour garder les cages du CESD à Ploufragan, c’est finalement le Franco-Égyptien Adam Mansour qui était titulaire. Est-ce révélateur d’une carence à ce poste ?
Au niveau de l’Académie, nous avons de jeunes gardiens qui aujourd’hui n’ont pas le niveau pour jouer des tournois de cette qualité. Mais j’ai tenu à ce que Christopher Kienaka, notre gardien, vienne pour regarder, voir et apprendre. Ce qu’il a fait avec beaucoup d’attention et de professionnalisme. Globalement, dans le football congolais, je pense que c’est un poste sur lequel un travail spécifique et important doit être fait. De plus, l’académie véhicule une image, doit faire bonne figure lors de ses sorties internationales, et ce n’est pas rendre service à un joueur ou à un gardien que de le placer en grande difficulté sur le terrain. Laissons du temps au temps….

Que manque-t-il pour poursuivre la progression de l’équipe ?
Le CESD La Djiri ne manque de rien, et je veux remercier mon président et tous ceux qui œuvrent pour le bon fonctionnement de l’Académie car il y a de quoi travailler (terrain synthétique, infrastructures…). On peut toujours demander et avoir plus, mais un président seul ne peut pas tout donner et il serait judicieux que d’autres personnes, des sponsors, l’accompagnent. Après, au niveau général, le football congolais souffre de ses infrastructures. Ce n’est ni une attaque, ni un scoop : même la sélection nationale joue sur des terrains indignes du plus haut niveau. À notre niveau, en 3e division, la mauvaise qualité des terrains ne favorise pas le jeu au sol, c’est indéniable. Et quand vous ne pouvez pas développer le jeu au sol, le jeu repart dans les airs. Le combat et le physique prennent le pas sur les passes et la technique.

Donc sans terrain de qualité, point de salut pour le football local ?
Des équipes de Ligue 1 viennent parfois s’entraîner sur notre synthétique, et je vous garantis qu’il y a de très bons joueurs, de très bons techniciens. Mais ils ne peuvent pas donner leur pleine mesure sur les terrains des stades Marchand ou Massamba-Débat. C’est dommage, car plus personne ne prend de plaisir, que ce soit les acteurs ou les spectateurs.

La Djiri participe au championnat de 3e division. Quel bilan pour votre équipe ?
Sur le plan comptable, c’est positif, puisque nous avons terminé à la deuxième place et que nous sommes promus en deuxième division. Après, ce n’est pas toujours simple, car nous jouons contre des adultes, ce qui permet aux jeunes de muscler leur jeu, mais il n’y a pas que cela. Le Congo, et notamment la Fécofoot, doit organiser son football. Il faut structurer les niveaux et les championnats pour que la jeunesse d’aujourd’hui soit détectée et mise en  lumière. Il faut professionnaliser le football, il faut encadrer et accompagner l’ensemble des acteurs (joueurs, dirigeants, arbitres, médecins…) pour permettre ainsi de bonifier l’image et les résultats du foot congolais.  

Un mot pour conclure ?
Je pense qu’il est important de multiplier les centres de formation et académies au Congo, qu’ils soient publics ou privés. Si l’État pouvait subventionner les centres de formation à l’instar des clubs de ligue 1, ça ne pourrait qu’aider l’éclosion des talents de demain. Plus on forme de joueurs, plus on se donne des chances d’avoir des éléments qui arrivent au plus haut niveau, c’est-à-dire dans les sélections nationales. La concurrence fait progresser, et le raisonnement vaut pour les centres de formation.

Camille Delourme

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Vincent Rautureau et son président, Bénito Amouzoud. (© DR) ; Photo 2 : Vainqueurs à Rezé, en avril, les joueurs du CESD La Djiri sont venus poursuivre leur apprentissage à Ploufragan. (© DR) ; Photo 3 : À Ploufragan, l'opposition était élevée et l'équipe du CESD s'est inclinée à trois reprises. (© DR) ; Photo 4 : Repérés par l'Olympique de Marseille, Durel Bel Avounou et Exaucé Ngassaki, ont été conviés en stage sous les ordres de Stéphane Nado, l’entraîneur des U19 phocéens. (© DR) ; Photo 5 : Le Tchadien Japhet N'Doram étaiet envoyé par le FC Nantes pour superviser le tournoi et a croisé François M'Pelé. (© DR) ; Photo 6 : Venu en voisin depuis Guingamp, Ladislas Douniama a rencontré la délégation de la Djiri, ici le président Amouzoud et François Mpelé, ambassadeur de la Djiri. (© DR) ; Photo 7 : « Ladislas est venu partager son parcours, ses succès et ses échecs, avec une grande sincérité. Son message était fort, et cela confirme que c'est un homme bien, au-delà du joueur pro. (© DR)