La fin du journal ? informer et s’informer, du papier au numérique

Mardi 21 Octobre 2014 - 17:30

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Jean-Paul Pigasse a pris part, lundi 20 octobre à l’institut Goethe à Paris, à une conférence sur l’avenir de la presse à l’ère numérique organisée par le  Forum des instituts culturels étrangers à Paris (Ficeps) et l’association Procultura, think tank consacré aux politiques culturelles publiques. La conférence qui intervient dans un cycle de regards croisés sur l’articulation entre la presse écrite et la presse numérique avait pour thème « La fin du journal ? Informer et s’informer, du papier au numérique »

Jean-Paul Pigasse, directeur de la publication des Dépêches de Brazzaville, a présenté son point de vue de patron de presse africain, sur la crise que traverse la presse quotidienne française bousculée par l’irruption du numérique. Jean-Paul Pigasse connaît bien la presse française pour avoir dirigé notamment les journaux les Echos et l’Express.  Le patron des Dépêches de Brazzaville a offert une vision optimiste de la transition numérique à laquelle est confrontée l’ensemble de la presse mondiale. Selon lui, cette crise qui frappe plus durement la presse française était « annoncée et inévitable » et a débuté avant Internet. Mais pour Jean-Paul Pigasse si Internet a conduit dans un premier temps à une crise de la presse quotidienne, il permet avant tout l’ouverture des journaux à de nouveaux marchés grâce à une diffusion à l’échelle mondiale et non locale.  Il y aurait ainsi selon le patron de presse congolais un énorme marché pour la presse française notamment en Afrique.
Les intervenants européens affichaient moins d’optimisme au regard de la transition numérique. Au Portugal, Afonso Camoes, ex-président de l’agence de presse nationale, en passe de reprendre le deuxième titre de presse du pays, décrit un univers où le  nombre de titres a été divisé par deux et où les chiffres de diffusion des journaux rescapés de cette hécatombe se sont effondrés en trente ans.  Selon Afonso Camoes la presse est confrontée à un triple paradoxe : il y a beaucoup de production d’information, beaucoup de consommateurs d’information, beaucoup de plateformes pour distribuer l’information mais l’industrie des médias est menacée et  de nombreux journaux ferment.  Pour lui, les marques du journalisme demeurent cependant des gages de confiance et de crédibilité pour les lecteurs. Pour Philippe Kieffer, journaliste et co-auteur du documentaire Presse : vers un monde sans papier, diffusé sur la chaîne franco-allemande Arte, la crise de la presse est  importante pour la démocratie, la sauvegarde d’un pan de l’économie et du monde de la publicité.  Selon le journaliste, l’information, devenue surabondante, n’a presque plus de valeur marchande, les lecteurs ayant de surcroît pris l’habitude que l’accès à l’information soit gratuit. En France, les baisses des ventes sont également très importantes, la plupart des grands titres de la presse quotidienne nationale ne tirant plus qu’à environ 50.000 exemplaires par jour. D’année en année, les lecteurs disent avoir moins d’intérêt pour les journaux et moins de confiance dans les journalistes. La multiplication des canaux d’information : avec l’apparition des chaînes d’information en continu, des radios d’information et des journaux gratuits a conduit à une augmentation de l’audience mais pas des recettes publicitaires, les annonceurs ne s’étant pas  reporté du papier vers le web. Les subventions publiques qui représentent 10 à 20 % du chiffre d’affaire des journaux français sont devenues indispensables à leur survie.

Pour Thomas Hanke, correspondant à Paris d’un journal allemand, les journaux peuvent survivre s’ils s’orientent vers l’opinion et le commentaire car l’information brute a perdu énormément de  sa valeur.
Selon Vincent Peyrègne, directeur général de l’association mondiale des journaux et éditeurs de médias de l’information, la presse pour survivre économiquement doit réfléchir au développement de revenus disruptifs numériques tels que la vente du comportement des lecteurs de leurs sites internet aux annonceurs (PIMS). En effet selon lui, les lecteurs n’ont jamais payé l’information dont les coûts étaient supportés par les publicitaires. Mais la multiplication des acteurs de l’information a conduit à une fragmentation du marché pour des recettes amoindries puisque 7 dollars de publicité sur support papier se traduisent par 1 dollar de recettes publicitaires sur internet.
Armelle Thoraval, présidente de l’Open Internet Project, a fait part du combat de son association contre la domination des plateformes américaines très puissantes, telles que  Google sur internet. En effet si une information n’est pas bien référencée dans ce moteur de recherche utilisé par 90% des internautes,  votre information peut n’être visible pour personne. L’Open internet project se bat pour que ce moteur de recherche  hyper dominant soit considéré comme un bien commun et non un enjeu commercial.

Rose-Marie Bouboutou