Standing-ovation pour le pape qui a dénoncé la honte de la faim dans le monde

Jeudi 20 Novembre 2014 - 16:30

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Le pape François appelle les nations à faire de la lutte contre la faim une priorité ; les pauvres ne demandent pas l’aumône mais dignité et considération

C’est ce jeudi, deuxième journée des travaux, que le pape François a pris la parole à  la 2è Conférence internationale sur l’alimentation qui se tient pendant trois jours au siège de la FAO, à Rome. Des délégués sont venus des quatre coins du monde pour renouveler leur engagement à voir le monde se débarrasser définitivement de l’anachronisme de la faim dans un monde pourtant chaque jour plus prospère. Certes le nombre des personnes affamées a baissé depuis une décennie, passant du milliard aux 800 millions actuels, mais il s’agit toujours d’un drame que ne cesse de dénoncer notamment l’Église catholique.

En fonction depuis seulement 20 mois au Vatican, le pape François est venu au siège de la FAO poursuivre la tradition d’éveilleurs des consciences qu’ont instaurée les souverains pontifes dans la réalité mondiale complexe. Interrompu à plusieurs reprises par les applaudissements nourris des ministres et des experts (et même d’une reine) prenant part à la conférence, le Souverain pontife a invité au devoir de solidarité. « À l'instar d'une famille, l'avenir de chaque peuple est plus que jamais lié à celui des autres. Or les relations entre pays sont trop souvent marquées par des préjugés réciproques, qui dégénèrent parfois en une agression économique ». Cela « marginalise qui est déjà marginalisé dans sa recherche du pain quotidien ou d'un travail décent ».

Le pape a invité le monde des décideurs et les sociétés de bien-être à se rappeler qu’une économie véritable n’a de sens que si elle replace en son centre, comme producteur et comme bénéficiaire exclusifs, l’homme dans la diversité de ses origines et de sa condition. Sa dignité ne peut passer après les autres préoccupations. « On parle beaucoup de droits tout en oubliant par trop les devoirs, sans se préoccuper vraiment de qui souffre de ces carences. Malheureusement, la lutte contre la faim et la malnutrition est souvent bloquée par la priorité du marché et la dictature du profit, qui réduisent les aliments à une marchandise sujette à la spéculation. Tandis qu'on parle de nouveaux droits, l'affamé est au coin de la rue à demander d'être inclu dans la société et d'avoir le pain quotidien. C'est la dignité qu'il demande, non l'aumône ».

Le pape a aussi invité la communauté internationale à se rappeler ce que son prédécesseur Jean-Paul II qualifiait en 1992, lors de la première conférence sur l’alimentation, de « paradoxe de l’abondance ». « Il y a de quoi nourrir tout le monde mais tous ne parviennent pas à manger, alors même que le surplus et le rebut, la surconsommation et l'usage détourné d'aliments sont monnaie courante », a dénoncé le pape François. Pour lui, « nos sociétés souffrent d'un individualisme croissant mais aussi de division, ce qui conduit les plus faibles à perdre leur dignité de vie mais aussi à la manifestation de révoltes contre les institutions ».

Le Souverain pontife a détaillé ses recommandations au monde, dans une action d’ensemble à laquelle l’Église catholique n’entend pas se soustraire. « Toute femme et tout homme, tout enfant comme toute personne âgée doivent partout disposer d'une alimentation correcte. Il est du devoir de tout État attentif au bien-être des citoyens de souscrire sans réserve aux principes que nous avons évoqués, et de s'engager à leur application pratique avec persévérance. L'Église catholique s'engage à offrir sa contribution par une attention constante envers les pauvres où qu'ils soient. »

 

Le pape s’est révélé aussi à l’occasion fortement écologiste, soulignant que les agressions contre la terre conduiront à son autodestruction et donc à la destruction de l’homme lui-même. « Il faut à nouveau protéger la terre pour éviter qu'elle ne s'autodétruise », a-t-il recommandé. « Dieu pardonne toujours, les hommes quelquefois, mais la nature ne pardonne jamais. Il faut prendre soin de notre sœur la terre pour qu'elle ne réponde pas par la destruction » a-t-il averti. Provenant d’une zone de la planète où la voisine Amazonie, premier poumon à oxygène de la planète après le Bassin du Congo, montre chaque jour au monde les plaies de son saccage, le pape argentin n’a eu aucun mal à gagner l’adhésion enthousiaste des participants à la conférence de la FAO à ses thèses.

Lucien Mpama