Décodage: "Kiébé-Kiébé" in the world, l’épopée d’une danse à la conquête de l'Amérique

Samedi 10 Janvier 2015 - 6:45

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Présentée pour la première fois en 2012 au Musée-Galérie Congo à Brazzaville, l’exposition Kiébé-Kiébé dédiée à la danse initiatique éponyme poursuit sa conquête du monde. Après Salvador de Bahia en 2013, elle s’expose jusqu’au 2 février 2015 à la Havane, à Cuba avant une autre étape cubaine programmée à Santiago.

A Brazzaville, dans l’imaginaire collectif, les mots Kiébé Kiébé renvoient inexorablement aux spectacles de danse assez intriguant présentant une marionnette géante tournant frénétiquement autour d’elle-même, piétinant la terre au rythme des chants et de cris. Dans les décennies 1970 à 1990, il n’était pas rare d’en être le témoin au détour d’un passage dans un coin de rue.  En effet de nombreux quartiers brazzavillois ont été, à cette époque, le témoin de ces rencontres spectaculaires et populaires mêlant intrigue et curiosité. Souvent, les spectacles de Kiébé-Kiébé avaient lieu dans le cadre d’animation libre réunissant des passionnés et surtout suite au décès d’un danseur spécialisé désigné sous l’appellation « Tswa-mbonzy ».  Les cours de certaines écoles brazzavilloises telles que Saint Michel de Ouenzé, Liberté, A. Netto, le lycée de la Révolution ou encore la commune de Talangaï  ont été des lieux de représentations des spectacles du genre.

Danse initiatique chère aux deux Cuvettes et aux Plateaux, trois départements du Congo, le Kiébé-Kiébé est considéré par les initiés  comme une danse sacrée dotée de nombreux interdits. Cependant, elle a perdu depuis un certain temps de sa popularité en milieu urbain. Et pour cause ? La modernisation galopante de certains quartiers populaires, élément majeur des temps modernes, a vu disparaître de nombreux vastes espaces sableux au profit du bitume et des constructions.

Au vu de la progressive, néanmoins visible disparition de ce riche héritage national congolais que représente le Kiébé-kiébé, Lydie Pongault, conseillère du Chef de l’Etat, en charge de la culture et des arts parallèlement directrice du Musée Galérie du Bassin du Congo a eu la belle audace d’initier une exposition autour de ce patrimoine qui marqua, un temps son enfance. « Dans mon enfance, le spectacle de Kiébé –Kiébé était une agréable curiosité. La jeunesse actuelle n’a pas la chance de vivre cela. Cette exposition est une manière de revivre cela et j’ai eu la chance que le Chef de l’Etat s’y implique pour qu’elle devienne de portée nationale et internationale. ».  

Octobre 2012, Brazzaville au Musée galerie Congo, en présence du Chef de l’Etat Denis Sassou NGuesso, le public découvre, médusé, une imposante collection de figurine Kiébé-Kiébé constituant l’ensemble de l’exposition. S’en suivra localement un engouement et un succès retentissant. Prise dans le bain du succès de son initiative culturelle, Lydie Pongault décide de la proposer au Musée Afro-brésilien (Mafro) de l’Université fédérale de Bahia dirigée par Graçe Teixeira au Brésil. En septembre 2009, la structure accueille l’exposition deux mois durant.  Salvador de Bahia dont une partie de la population est de sang noir, s’approprie l’exposition, voyant en elle un retour aux sources ancestrales africaines. « L’exposition était très attendue et ça été vécu avec beaucoup d’émotion ».

A la rencontre des frères d’Amérique latine…

L’exposition Kiébé-Kiébé a montré combien loin de la terre de leurs aïeuls déportés par la sombre histoire de l’esclavage, les Afro américains se sentent proches de cette Afrique qui pourtant leur est si lointaine géographiquement. Une Afrique réinventée à travers diverses formes de religions et de divinités auxquelles ils sont fortement attachés. Cependant, « de l’autre côté de l’atlantique, nos frères pensent que nous les avons oubliés. En allant vers les pays d’Amérique latine, nous voulons faire revivre ce lien, un peu interrompu, qui existe entre eux et nous ». raconte Lydie Pongault. Ce malaise existant chez les Afro descendants révèle leur quête identitaire et leur désir de retrouver des marqueurs culturels ancestraux liés à leurs racines africaines.

Ainsi, l’exposition Kiébé Kiébé apparait pour nombre d’Afro descendants d’Amérique telle une rencontre intime avec l’Afrique, « terre-mère » et au-delà, « une reconnaissance de leurs frères » souligne Lydie Pongault.

…Es el turno de Cuba

Présentée depuis le 2 décembre à la Casa de africa, à la Havane, l’exposition  Kiébé Kiébé est montrée au public d’outre Atlantique comme " une danse initiatique ou s’enchaine de façon structurée l’harmonie des danses", explique Lydie puis d’ajouter : " c’est une danse où l’on a une représentation de sculptures et de figurines assez spécifiques ". Dans sa présentation, l’exposition met en lumière les lieux physiques spécifiques d’expression du Kiébé Kiébé. 

Et dans sa conquête du monde latino-américain, l’exposition se veut « un appel à ceux qui le visitent de venir le vivre dans son milieu naturel » renchérit-elle. D’un pays à l’autre, la découverte de l’exposition en Amérique est chargée d’émotions.

Nul ne doute que la prochaine étape prévue à partir de février 2015 à l’Institut Fernando Orthez spécialisé dans la recherche des cubains noirs à Santiago sera vécue avec émoi par les différentes communautés cubaines qui découvriront à leur tour une part du patrimoine culturel congolais.

 

 

Meryll Mezath

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: L'exposition Kiébé Kiébé au Brésil Photo 2: Lydie Pongault Photo 2: Des visiteurs de l'exposition Kiébé Kiébé au Brésil Photo 3 et 4: L'exposition Kiébé Kiébé à Brazzaville