Violences conjugales : les femmes face au poids des traditions

Samedi 7 Février 2015 - 11:00

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Dans une localité située dans le département des Plateaux à environ 405 KM de Brazzaville, des femmes sont victimes de violences physiques et sexuelles. Devant ces actes barbares qu’elles subissent au quotidien, elles  gardent le silence et optent pour des solutions à l’amiable. Certains citoyens de ce district  pensent que cette façon d’agir est meilleure pour conserver leurs foyers. Cependant  pour la direction de l’intégration de la femme, cette attitude n'est pas la meilleure.

Chancelvie, jeune mère dans la vingtaine est souvent battue dans son foyer par son mari. Les voisins sont informés de sa situation. Pour autant, elle n’ose pas dénoncer son mari au risque de perdre son foyer.  Comme elle, bon nombre de femmes sont maltraitées par leurs conjoints dans ce district. Tatiana, une habitante du quartier Gambaho : « Chez nous à Djambala, je constate que  les hommes torturent leurs femmes » confie-t-elle.

Dans cette ville d’environ 15 000 habitants, les femmes sont victimes de deux types de violences dans leur foyer : économiques et sexuelles. Certaines d’entre elles pensent qu’elles sont considerées par leur mari comme de simples instruments de jouissance du fait des rapports sexuels souvent forcés.

« Nous les mamans quand nous revenons des travaux champêtres. Nous sommes tout fatiguées. Nous pensons à preparer la nourriture pour les enfants et pour le mari. Et pendant la nuit, tu dois aussi servir le mari. Et quand  tu ne cèdes pas, cela tourne au drame et à la bastonnade durant toute la nuit. Le lendemain, au reveil on se retrouve avec des yeux enflés », s’indigne Joelle Martine Ngabio, présidente du groupement Jeunesse onari d’Abala Ndolo  sur la pression sexuelle subie par les femmes de ce district. Avant d’ajouter « dans cette localité,  certains hommes privent leurs femmes d’argent de popote sans explication. Par contre d’autres n’ont pas une popote fixe. Ce montant varie en fonction de l'humeur du mari.»

Réagissant sur cette question des violences, les  hommes de ce district ont tenté de se justifier. Ils estiment que le mauvais comportement de leurs femmes est souvent à l’origine de ces violences conjugales. Jean Pierre Mountali est le chef du quartier Ngambaho. Selon lui, « la conduite de certaines femmes  pousse leur mari à réagir violamment à leur égard. Du fait que les  femmes d’aujourd’hui ne sont plus tendres comme nos mamans qui, elles, savaient supplier leur maris. Celles d’aujourd’hui  sont insolentes. Et puisqu’on parle d’égalité des sexes, la femme oublie le droit d’obéïr à son mari ». Avant de poursuivre, « les femmes de nos jours sont influencées également  par des series télèvisées et les films nigérians.»

De son côté, monsieur Victor Ngona a fustigé  les caprices des femmes en général  qui sont responsables des révoltes dans le foyer. "Certaines femmes n'assouvissent pas les appétits sexuels de leur mari et refusent même de contribuer aux charges du ménage", a-t-il évoqué.

Bien que les  femmes de cette localité se soient defendues bec et ongle  sur les maltraitances sexuelles et économiques dont elles subissent dans leur foyer, aucune d’entre elles n’a eu le courage de dénoncer son mari auprès des autorités comptentes.

Jusqu à ce jour aucun cas de victimes sexuelles ou économiques n’a été enregistré par les autorités locales, a confirmé Jean Pierre Mountali. Et pourtant la loi prevoit des sanctions sur les violences domestiques. Le code penal dans ses articles 309, 311, 317 sanctionne des auteurs de violence physique (coups et blessures volontaires). Malgré l’existence de cette loi, les femmes violentées  préfèrent garder  leur  silence.

Toutefois, le silence des femmes face à ces violences domestiques freine le travail des responsables de l’intégration de la femme  dans le cadre de la défense des droits des femmes.  Germaine INKO, directrice départementale de l’intégration de la femme au développement se dit découragée de travailler avec des adultes sur cette question de violences. Cette année, au cours  de la journée intrenationale d’élimination des violences à l’égard des femmes  célébrée  le 25 novembre de chaque année, elle a préféré  travailler avec des élèves de l’école primaire et du collège de ce district. Une façon de les aider à grandir avec moins de violence.

En général on peut noter quelques avancées significatives sur la question des violences faites aux femmes dans certains départements du Congo. Cette évolution est due aux compagnes de sensibilisations  menées  par des autorités publiques et des  associations  de défense des droits des femmes . Néanmoins dans certaines localités du pays il reste encore beaucoup à faire pour briser le silence des femmes car le mutisme est une  attitude qui contribue à favoriser  l’impunité et la recidive de ces pratiques barbares.

 

Flaure Elysée Tchikaya

Légendes et crédits photo : 

Femme en larmes; (Crédit: DR)