Interview. Chantal Bashizi : « Nous avons peut-être trop libéralisé le secteur minier »

Mardi 18 Octobre 2016 - 20:05

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Chantal Bashizi est la directrice administrative, juridique et technique du cadastre minier de la RDC. Lors de son passage à Bruxelles, dans le cadre du Rebranding Africa Forum, elle a accordé un entretien aux Dépêches de Brazzaville. Pour elle, les entreprises publiques devraient reprendre la production minière de manière conséquente.

Les Dépêches de Brazzaville : Quelle analyse faites-vous de la loi portant Code minier en RDC ?

Chantal Bashizi : C’est une loi qui nous a apporté un certain nombre de résultats concrets, avec des projets miniers importants. Toutefois, on a constaté un petit déséquilibre entre les avantages concédés aux investisseurs miniers et les recettes que le Trésor public tire du secteur. Cela est dû à un régime fiscal trop attractif qui avait été mis en place pour essayer d’attirer les investisseurs. C’est comme ça qu’en 2012, après que le président de la république a exprimé lui-même cette volonté de retoucher le Code, on a mis en place la commission qui allait relire notre loi pour revoir notamment le régime fiscal et les procédures afin de les rendre encore plus transparentes par rapport à l’Itie que la RDC a intégré. Il s’agissait donc d’avoir un Code plus transparent, avec beaucoup plus de contrôle dans la gestion du domaine minier, de concéder et rééquilibrer le régime fiscal pour améliorer les recettes. Car le plus important est que l’État congolais puisse profiter de ses richesses minières.

LDB : Actuellement, quelle est la part du secteur minier dans le budget de l’État ? Quelle pourrait être cette part si le Code était révisé pour générer plus de recettes à l’État ?

CB : Aujourd’hui, 70 à 80% de nos exportations sont issues du secteur des mines. Donc, d’une manière générale, les recettes d’exportation du Congo viennent du secteur minier. Nous contribuons à hauteur de 20% dans le budget de l’État. Cela peut s’améliorer, mais c’est déjà une grande part par rapport aux autres secteurs tels que les télécommunications ou les produits manufacturiers. Mais, de manière optimale, nous pourrions atteindre 30 ou 40 % dans le budget de l’État. Ce serait excellent. On peut y arriver. Le problème est que nous avons libéralisé le secteur des mines. Nous l’avons peut-être trop libéralisé. À l’époque où la Gécamines, société de l’État, produisait 500 mille tonnes de cuivre dans les années 80, cela représentait une grosse manne pour le pays et on voyait l’impact que cela avait. Aujourd’hui, nous avons une production d’un million de tonnes mais répartis entre différentes compagnies privées. Cela fait qu’on ne voit l’impact qu’en termes d’impôt. Si les entreprises de l’État reprenaient elles-mêmes la production pour le compte du pays, l’argent irait directement dans les caisses du Trésor public. C’est pourquoi nous devons renforcer le rôle des opérateurs miniers publics, à savoir les grandes sociétés de l’État comme la Gécamines ou la Sokimo.

LDB : Mais la Gécamines est en léthargie ?

CB : Oui, mais elle a encore énormément de concessions qu’elle peut redynamiser. Il faudrait juste leur donner les moyens financiers pour le faire ou alors mettre les mandataires qu’il faut.

LDB : Qu’en est-il de la découverte du gisement de cuivre de Kamoa. Quel est son potentiel ?      

C’est l’entreprise Kamoa Copper qui a découvert 700 millions de tonnes de cuivre à côté de Kolwezi. Ça dépasse même les réserves mondiales qui sont estimées à 600 millions. C’est cette société qui va développer le projet. Comme la loi prévoit une part de 5% dans toutes les sociétés d’exploitation, l’État aura donc 5% de part dans le capital de cette société et l’entreprise aura droit à 95%. Néanmoins, dans la révision du Code, on a augmenté cette part à 10%, même si cela déplaît aux entreprises. Mais on a augmenté la part de l’État pour que finalement on bénéficie des retombées de ces exploitations qui se font sur le sol congolais.  

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Chantal Bashizi

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