Appel à la ville morte : réactions et contre-réactions des acteurs politiques

Mercredi 9 Août 2017 - 19:00

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Si pour la majorité présidentielle, cette action ne vise qu’à créer un climat de chaos dans le pays afin de légitimer le dessein de ses initiateurs de prendre le pouvoir par la force, l’opposition radicale, quant à elle, salue la maturité du peuple congolais qui a adhéré à son mot d’ordre, celui de réclamer par des voies pacifiques les élections avant fin décembre 2017.

Un début de semaine très éprouvant pour les Congolais en général et les Kinois en particulier à la suite de l’appel aux journées ville-morte lancées par l’opposition radicale. Cette dernière a exhorté la population à rester cloitrée chez elle durant deux jours de suite (soit du 8 au 9 août) en guise de pression sur le gouvernement et la Céni appelés à libérer le processus électoral avec, en prime, la publication du calendrier électoral. Si le mot d’ordre a été largement suivi le mardi 8 août, il n’en n’est pas le cas le jour suivant, car Kinshasa et d’autres grandes villes du pays ont renoué avec leur ambiance habituelle sur fond d’un regain du trafic et d’activités commerciales.

Toutefois, les avis divergent quant aux retombées de cette action, la première initiée par le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement/aile Limete depuis son dernier conclave. Pour cette frange de l’opposition, il y a lieu de saluer l’adhésion massive de la population à ces manifestations pacifiques qui se sont avérées une grande réussite, particulièrement pour la journée du 8 août. Ici, l’action est décryptée comme un signal fort lancé aux autorités du pays qui ont intérêt à écouter les désidérata du peuple qui appelle au changement ou mieux à l'alternance via les élections. « Cela est un signal fort pour montrer à Kabila que nous voulons les élections cette année, avant fin décembre 2017, que nous voulons son départ », a tempêté Martin Fayulu, président national de l’Engagement pour la citoyenneté et la démocratie (Ecidé). "Une journée ville morte n’est ni chômée ni payée. Il s’agit d’un sacrifice pour chaque famille congolaise. Elle est massivement suivie à travers le pays, malgré la répression, parce que c’est aussi le sentiment d’une cohésion nationale contre un régime qui est vomi par les Congolais ", explique pour sa part Olivier Kamitatu, cadre du G7.

Ceux qui cherchent à tourner en dérision cette activité en stigmatisant notamment son influence néfaste sur l’économie nationale déjà mal appoint, ce cadre du Rassemblement relève son côté pacifique et ses objectifs nobles de requinquer le processus électoral actuellement pris en otage par la majorité au pouvoir. « C’est aussi une façon de faire pression sur la classe dirigeante pour prendre conscience de la recherche d’un consensus inclusif et consensuel autour de l’accord, afin qu’on ait les élections d’ici la fin de l’année. C’est une nécessité impérieuse sur laquelle nous devons tabler tous », commente de son côté Jonas Tshombela, le coordonnateur de la Nouvelle société civile du Congo. Cet activiste salue cette activité pour autant qu’elle contribue à faire pression sur la Céni pour la publication du calendrier électoral.  

Il est vite contredit par le ministre des Infrastructures, Thomas Luhaka, qui tout en condamnant ces manifestations estime qu’elles retardent le processus électoral pourtant bien lancé avec l’opération d’identification des électeurs en cours à Kinshasa et ailleurs dans le pays. « On veut aller aux élections et on complique l’enrôlement. C’est contradictoire. Il faut qu’on ait le fichier électoral pour qu’on commence à réfléchir sur un calendrier, et ils [les membres du Rassemblement] le savent très bien. On demande une chose mais on complique l’équation à la Céni. On demande à la Céni de publier un calendrier en stoppant le processus d’enrôlement », condamne le ministre. La publication du calendrier électoral étant tributaire de la fin de l’opération d’identification des électeurs, il craint que l’arrêt de l’opération d’enrôlement ne puisse chambouler tout le travail fait jusque-là.

Un argumentaire qui ne tient pas la route, selon Jonas Tshombela, qui rappelle que la majorité présidentielle avait bloqué le processus électoral depuis près de neuf mois en se mettant au travers de la Constitution et de l'accord de la Saint-Sylvestre sans que cela n’émeuve les consciences. «Ce ne sont pas les trois jours de perturbation que le pays a connu à la suite des manifestations de l‘opposition et de Bundu Dia Mayala qui vont bloquer le processus électoral ! », s’exclament certains cadres du Rassemblement. Au-delà de tout  ce que la MP peut dire, « la réelle volonté d’amener la population aux élections, pensent-ils, n’est pas visible ».  

Plus incisif, André Alain Atundu est d’avis qu’à travers la désobéissance civile, les marches récurrentes, les villes mortes et autres actions de rue, l’opposition cherche à répandre une atmosphère de peur dans la ville. Des manifestations qui, selon lui, n’ont aucun effet sur le processus électoral en cours. Le porte-parole de la majorité présidentielle refuse d’admettre que le mot d’ordre du Rassemblement appelant à une ville morte à été suivi. « Tout cela n’est que mascarade de véritables desseins cachés macabres pour créer de toute pièce un climat de chaos afin de légitimer leur dessein de prendre le pouvoir par la force et non par la voie démocratique », explique-t-il.

Alain Diasso

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