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Le sergent Malamine

Vendredi 20 Octobre 2017 - 14:12

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 Voici dix ans, que la silhouette de pachyderme du Mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza s’impose dans l’environnement brazzavillois. Tout a été dit sur l’explorateur français d’origine italienne, fondateur du Congo français. Hormis l’avenue qui porte son nom à Poto-Poto, le sergent Malamine reste un célèbre inconnu. À travers un patchwork de textes présentés par René Maran, nous allons le découvrir.

Pour son deuxième voyage, Brazza s’embarque le 27 décembre 1879 à Liverpool, pour le Haut-Ogooué et l’Alima. Son projet pour cette mission consiste à battre Stanley de vitesse. Il recrute, en passant à Dakar, dix laptots, dont il confie le commandement au caporal sénégalais Malamine Kamara, recruté lui aussi sur place. C’est un berbère « mâtiné de Maure », comme l’écrit le général de Chambrun. Grand, mince, gracieux dans tous ses mouvements et remarquablement adroit dans le maniement des armes à feu, il était âgé d’une trentaine d’années, possédait à un degré étonnant plusieurs idiomes. Autoritaire sans brutalité, d’une parfaite droiture et d’une conscience pointilleuse, il était pénétré d’un haut sentiment du devoir. À sa fierté native s’unissait une séduisante simplicité qui n’excluait pas la distinction.

Après la signature de l’acte de possession de N’Tamo, Brazza prend pied à l’endroit que le Makoko lui a cédé, sur la rive droite du Stanley-Pool et fonde la station de N’Tamo, au point où s’élève aujourd’hui le Mémorial Pierre- Savorgnan-de-Brazza. Il nomme le sergent Malamine garde-pavillon à N’Tamo, place sous ses ordres deux des laptots qui l’ont accompagné jusque-là. Il leur donne à tous trois la consigne à suivre et les quitte, le 18 octobre, en laissant entre les mains de Malamine la note de service ci-dessous :

Le sergent Malamine est nommé provisoirement chef de la station française de N’Couna. Il gardera ce poste, jusqu’au jour où il sera remplacé par le chef définitif. Comme chef de la station française de N’Couna, le sergent Malamine doit, dans la mesure de ses moyens, protection, aide et assistance aux voyageurs européens qui viendraient dans la contrée quelle que soit leur nationalité…

Brazza, ayant franchi le Djoué, atteint puis dépassé Linzolo, sort, au bout de deux jours de marche, des territoires qui dépendent de Makoko et cherche, en longeant la partie du Congo accidentée de rapides et de chutes s’il n’existe pas de voies d’acheminement capables de faciliter les communications entre N’Tamo et l’Atlantique, celles de l’Alima et de la Léfini lui paraissant désormais trop longues et trop coûteuses. C’est au cours de ces pérégrinations qu’il rencontre Stanley, l’autre explorateur, au service de Léopold II, roi des Belges. À la mission de Landana (dans l’actuel Cabinda), Brazza prie, au nom de la France, le Supérieur de bien vouloir envoyer des missionnaires français au Stanley-Pool, avec l’ordre de s’y installer. La France sera ainsi représentée par des soldats en la personne de Malamine et de ses laptots, par les plus dévoués de ses fils, les missionnaires. Le P. Augouard demanda d’y aller. Après mille péripéties, le R.P. Augouard atteignit le Stanley-Pool, au commencement d’août 1881. Stanley, apprenant qu’un Français montait de la côte vers l’intérieur s’était empressé de prendre les devants et il arriva, au lac auquel il avait autrefois donné son nom, quelques jours avant le R.P. Augouard. L’entrevue de l’explorateur et du missionnaire fut courtoise. Ce dernier trouva là le sergent Malamine. Malheureusement, Brazza avait oublié de donner au R.P. Augouard le signe de convention pour se faire reconnaître de Malamine, et le missionnaire faillit recevoir des coups de fusil de la part des gardiens de la Station de N’Tamo. Toutefois, après les explications données à Malamine, il put examiner les terrains propres à la fondation d’une Mission. Au sujet de Malamine, après l’avoir criblé d’épigrammes, jusqu’à l’époque où, revenu assez tardivement à plus de mansuétude, le R.P. Augouard se laissa aller à avouer : «De même que le Congo belge a été fait par un Zanzibarite, serviteur de Stanley, le Congo français a été fait par Malamine ». Quoi qu’il en soit, Malamine, qui «service-service», insoucieux des controverses de tous genres et des difficultés diplomatiques que fera naître son attitude de loyal serviteur, se contente simplement d’obéir aux consignes que Brazza lui a passées. Ce sergent nègre est un homme de devoir. Il fait le sien jusqu’au bout, envers et contre tous, avec bon sens, fermeté et noblesse, en dépit de son dénuement matériel, quels que soient les dangers que son éloignement de tout lui fait courir et les responsabilités qu’il assume. Brazza lui a dit de ne recevoir en amis véritables que les Blancs qui se présenteront à lui porteurs de plumes de coq en guise de signe de reconnaissance. C’est parce qu’ils en sont dépourvus, qu’il interdit aux évangélistes, que Stanley a expédiés en éclaireurs, de s’établir à N’Tamo. C’est parce que le R.P. Augouard ne lui présente pas les signes de ralliement nécessaires qu’il le refoule, lui aussi, au-delà du Djoué, en août de la même année, avant de le recevoir.  Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

 

 

Mfumu

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Édition Quotidienne (DB)

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