Conflit pouvoir-Église : la communauté islamique charge à son tour le gouvernement

Samedi 20 Janvier 2018 - 16:41

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Le représentant légal de l'Islam en RDC demande l’application intégrale de l’accord de la Saint-Sylvestre dans son volet décrispation politique.

L’étau se resserre sur le gouvernement. Les derniers propos du cardinal Laurent Monsengwo, tenus au lendemain de la marche réprimée du 31décembre, résonnent encore comme un désaveu du leadership actuel qui serait, d’après lui, incapable de conduire le pays vers une destinée meilleure. L’archevêque de Kinshasa avait poussé l’outrecuidance jusqu’à plaider pour un assainissement complet du microcosme politique congolais, gangrené par une médiocrité qui empêche le saut qualitatif qu’attend toujours le peuple vers l’excellence. « Que les médiocres dégagent !», cette phrase sibylline avait suffi pour entraîner une levée de boucliers dans la classe politique dirigeante qui a vite répliqué. Le bras de fer ainsi engagé entre le gouvernement et l’épiscopat catholique a pris une tournure telle que les confessions religieuses sont entrées dans la danse sans toutefois parler d’une même voix.

Très entreprenants, deux membres du gouvernement s’étaient investis dans une opération de charme vers les autres confessions religieuses, sollicitant leur appui pour faire échec à toute « stratégie anti Kabila » concoctée par les laïcs catholiques. Les « Mpeve ya Longo » et autres communautés religieuses ont mordu à l’hameçon, se désolidarisant par le fait même avec l’épiscopat catholique qui, jusqu’il y a quelques jours, avait du mal à se trouver d’alliés dans l’espace religieux.  Puis, contre toute attente, l’Église protestante au Congo s’est mise au pas. Le 16 janvier à la cathédrale du Cinquantenaire, lors de la messe de suffrage dédiée à la mémoire de feu Laurent Désiré Kabila, Mgr Ekofo a fait sensation dans son homélie qui a pris les contours d’un réquisitoire sévère contre les autorités politiques. « L’État n’existe pas en RDC », a-t-il asséné devant des officiels présents dont le laxisme coupable dans la déliquescence du pouvoir de l’État a été jugé inadmissible.

Sur un ton calme incitant à la réflexion et à une remise en cause profonde d’une manière d’agir collective, l’évêque protestant avait touché le point sensible et refroidi les ardeurs des affidés du pouvoir venus en nombre assister à cette messe. Complémentaires dans leur lecture des enjeux politiques actuels, le cardinal Laurent Monsengwo et Mgr Ekofo ont peint un tableau sombre du pays et tiré la sonnette d’alarme pour son relèvement immédiat par la mise en place d’un leadership visionnaire et porteur d’espérance.

L'islam fait siennes les revendications des catholiques

Enfonçant le clou, le représentant légal de la communauté islamique en RDC, cité par actualités.cd, n’est pas allé par le dos de la cuillère pour dire que le pays va mal. Cheikh Ali Mwinyi N’kuu fait siennes les revendications de l’Église catholique, des mouvements citoyens et de l’opposition radicale portant essentiellement sur l’application de l’accord de la Saint-Sylvestre. Il estime à ce sujet que beaucoup reste à faire, notamment sur le volet de la décrispation politique qui passe, entre autres, par la libération des prisonniers politiques, le retour des exilés politiques et la réouverture des médias privés fermés.  Et d'ajouter : “Le Congo est malade, il nous faut une thérapie de choc. Nous devons nous comporter comme des médecins. Nous devons tout d’abord respecter nos engagements. Si vous avez pris un engagement devant Dieu et devant les hommes, il faut savoir le respecter. Nous devons aussi changer nos mentalités et surtout nous ne devons pas nous flatter même si elle blesse, nous devons nous dire la vérité".  

Quant aux marches souvent réprimées par les forces de l’ordre, il regrette qu’elles entraînent des pertes en vies humaines et souhaite que cela ne se reproduise plus. La marche étant reconnue par la Constitution, la police ne peut que sécuriser les manifestants pour autant que l’action initiée soit pacifique, a fait observer Cheikh Ali Mwinyi N’kuu qui s’inscrit dans la dynamique protestataire contre le pouvoir en place.        

 

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Cheikh Ali Mwinyi N’kuu

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