Chine: le parcours des Africains de Guangzhou

Vendredi 6 Avril 2018 - 18:37

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Depuis une vingtaine d’années, la Chine est devenue pour de nombreux Africains, un eldorado à l’instar des pays occidentaux comme la France ou les Etats-Unis d’Amérique qui ont longtemps été les destinations de prédilection des immigrés africains.

Des Africains de toutes les nationalités se sont installés à Canton (Guangzhou) pour y faire des affaires. Et jusqu’à un récent passé ? les affaires marchaient bien. Avec douze millions d’habitants, Guangzhou, dans le sud-est de la Chine, est la troisième ville la plus peuplée du pays, après Shanghaï et Pékin. Et depuis l’ouverture économique, il y a de plus en plus d’Africains à Guangzhou.

La communauté africaine s’y est installée dans le quartier de Xiaobei (prononcer Siaobé) qui, avec cette forte population noire, a fini par être baptisée « Chocolate city » ou « la petite Afrique » par les locaux, qui ne regardent pas toujours d’un bon œil cette présence africaine. Et dans ce melting-pot, les Congolais ne sont pas en reste, ils sont une forte communauté aussi dans la ville, même si nombreux à la base s’y sont rendus pour les études et ont fini par se lancer dans les affaires.

Xiaobei, c’est l’Afrique en miniature. On y trouve restaurants, boîtes de nuit, salons de coiffure, etc. Avec pour conséquence une cohabitation difficile entre les différentes nationalités et certains originaires du pays. Bagarres à coup de barres de fer, émeutes, prisons et tensions diverses. La presse locale estime le nombre d’Africains à Guangzhou à environ trois cent mille. Au moment de l’épidémie d’Ebola de 2014, par exemple, la municipalité avait recensé seize mille Africains, dont quatre mille résidents de longue durée.

Un Congolais rencontré dans le vol Addis-Abeba – Guangzhou qui dure près de dix heures, nous raconte : « Je suis installé en Chine depuis dix ans et jusqu’en 2016, les affaires marchaient bien, j’envoyais plus  de cent conteneurs par mois en Afrique. Maintenant, c’est deux fois moins. Nous ressentons vraiment les effets de la crise économique qui secoue l’Afrique. En plus, le loyer de l’entrepôt a doublé en dix ans, les taxes augmentent. Quand je suis arrivé en Chine, les ouvriers chinois étaient payés cent euros, aujourd’hui c’est quatre cents minimum ».
Malgré ces quelques plaintes, la plupart des Africains qui se rendent à Guangzhou y trouvent leur compte. Les prix sont très bas, même si la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Au détour d’un marché dédié aux vêtements, on croise une Africaine qui déambule, l’air perdu. Après un petit échange, elle nous confie qu’elle est propriétaire d’un salon de coiffure et que c’était son premier voyage en Chine. Elle a prévu y rester quatorze jours mais, en trois jours à peine, elle avait déjà fini tout son budget de six mille dollars. Elle avoue que tout est si beau et tellement moins cher que l’on ne se rend pas compte de ce que l’on dépense. Elle est venue acheter des mèches et des tissages pour son salon de coiffure à Kinshasa. Satisfaite de son premier voyage, elle nous rajoute qu’elle reviendra à Guangzhou. Pour l’heure se retrouvant sans le sou, elle passe ses journées à traîner dans les marchés, essayant de repérer de bonnes opportunités en attendant qu’on lui fasse un transfert d’argent pour continuer ses courses.

La chute du prix du pétrole est un sujet récurrent dans les maquis lorsque les Africains se croisent. Car très peu travaillent pour des entreprises chinoises, ce sont les commandes passées par les sociétés et les individus en Afrique qui constituent leur gagne-pain. Alors, nombreux disent être en phase d’observation si les choses ne s’améliorent pas, avoue un Congolais qui sert de guide à ses compatriotes, envisageant de partir dans une autre province. Les clients sont devenus rares, dit-il.

Quand on lui demande s’il compte rentrer dans son pays, il répond : « Le pays, ce n’est pas pour maintenant, je n’ai pas encore obtenu ce que je suis venu chercher. Une fois mon objectif atteint, je vais rentrer. De toute façon ici, malgré ce que tu fais, l’intégration est un combat. Les Chinois ne vous proposent rien, ni crédit à la banque ni nationalité ni permis de travail permanent. Donc tôt ou tard, je finirai par rentrer, de gré ou de force ».
A l’heure où l’Afrique et la Chine activent leurs liens diplomatiques et économiques, la réussite des Africains en Chine relève encore du parcours du combattant. Mais malgré cela, certains au sein de la diaspora sortent du lot et transforment leur séjour en « success story ».

 

Boris Kharl Ebaka

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