Industrie textile : l’Afrique s’organise pour barrer la route aux friperies

Samedi 21 Avril 2018 - 17:35

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Les vêtements de seconde main occupent une place importante sur le marché du continent. Pour nombre d’analystes, ce phénomène serait la combinaison de plusieurs facteurs, dont l’extrême pauvreté et la recherche effrénée de qualité et de durabilité.

 

 

 

 

 

 

 

 

L'Afrique subsaharienne est quasi dépendante des vêtements étrangers de première ou de seconde main. Toutefois, des pays comme le Mali, le Burkina Faso, le Cameroun et même la République démocratique du Congo (RDC) font revire l’industrie locale du coton. D’autres, plus frondeurs comme le Rwanda et l’Ouganda, ont interdit  carrément l’importation des vêtements de seconde main, c'est-à-dire les friperies. Ce réveil tardif suscite déjà de nombreuses interrogations sur la capacité réelle des pays africains à tenir tête aux grandes firmes internationales qui font tourner actuellement un marché de plusieurs milliards de dollars américains.

Comme l'indiquent les chiffres publiés par l’agence Ecofin, l’Afrique subsaharienne reste la région du monde où prospère la vente des vêtements de seconde main dits « friperies ». Trois cent cinquante-cinq mille emplois, des revenus globaux de deux cent trente millions de dollars américains et 1,5 million de familles vivant de cette activité en Afrique de l’est.  Depuis les années 1980, c’est un véritable business qui a vu le jour. L’on estime que le marché représente actuellement des millions, voire des milliards de dollars américains. Au fil des décennies, il s’est développé considérablement, utilisant des circuits d’approvisionnement à la fois formels et informels. Les commerçants africains ont réussi non seulement à consolider leur marge bénéficiaire mais également à professionnaliser leurs activités, en triant les vêtements en fonction de la qualité. Le prix de départ proposé fait désormais l’objet d’intenses négociations entre les deux parties. La vente des friperies a gagné en importance dans les plus grandes villes d’Afrique : Lagos, Nairobi, Abidjan, etc. L’apparition des spécialistes en la matière a apporté la dernière touche dans la voie de la professionnalisation de l’activité. Alimenté par une industrie de la mode européenne et américaine en pleine surchauffe, le phénomène a fini par gagner une grande partie de l’Afrique.

Récemment, le gouvernement américain n’a pas hésité de menacer les pays qui vont interdire leur importation, au grand dam des décideurs africains décidés à mieux protéger leur industrie locale en déconfiture. Pour comprendre l’enjeu réel autour de cette décision américaine que beaucoup qualifieraient de simple « mesure de rétorsion », les États-Unis, à travers leur association structurée, la Smart (Seconde material and recycled textiles association), viennent à la deuxième place des vendeurs de seconde main de la région, derrière le Royaume-Uni. À ce stade, une question s’impose : l’Afrique est-elle suffisamment forte pour se passer des vêtements de seconde main ? Au regard des intérêts en présence, toute maladresse peut avoir des répercussions néfastes sur la relation commerciale entre les pays africains et les pays développés. Mais les experts africains estiment que leur continent ne peut se contenter simplement de consommer ce que d’autres ont produit et même utilisé, alors qu’il est en mesure de produire lui-même.

Dans l’offensive africaine, quatre pays, en l’occurrence le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie et le Rwanda ont pris la décision, en 2016, de suspendre progressivement les importations, ignorant ainsi les menaces américaines. Il s’agit, ont-ils expliqué, de protéger la petite industrie locale. Au moment où les sanctions américaines sont devenues une réalité, certains pays comme le Kenya ont choisi de capituler. Pour d’autres, plus courageux comme le Rwanda, la sanction américaine est tombée sous la forme de l’exclusion du processus de l’Agoa. Qu’importe ! Le pays aux mille collines a choisi de poursuivre la bataille sans fléchir.  

Dans la foulée, un autre pays, qui a vu son industrie textile s’effondrer depuis belle lurette, se place aussi en ordre de bataille. Il s’agit de la RDC. Depuis l’ancienne province Orientale, le gouverneur de l’actuelle province du Bas-Uélé a réceptionné trente tonnes de graines de coton à partir de l’Ouganda. L’idée clairement affichée est de relancer cette culture. Au total, la province du Bas-Uélé compte environ soixante tonnes de coton-graines. La prochaine étape sera de les transformer pour fournir la matière première nécessaire à la Sotexki, un ancien fleuron de l’industrie du textile en RDC. Il y a aussi une autre étape très importante, celle du financement du projet. Beaucoup comptent sur un éventuel crédit du Fonds de promotion de l’industrie pour relancer cette société mais rien n’est gagné, du moins à ce stade.

Laurent Essolomwa

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