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Bras de fer

Samedi 9 Juin 2018 - 19:02

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Que les Etats-Unis et l'Europe se lancent dans une bataille commerciale dont nul ne peut prédire aujourd'hui l'issue même si, officiellement, il n'y a pas eu de rupture lors du G 7 qui vient de se tenir au Canada, n'a rien de très surprenant ni, d'ailleurs, de très inquiétant pour le reste du monde. Et cela même si nombre d'observateurs prédisent, dans le moment présent, que le pire en sortirait inévitablement pour toute la planète.

Pourquoi un tel optimisme alors que les feux d'une bonne partie du commerce mondial se mettent au rouge ? Mais parce que, contrairement aux apparences, la communauté humaine tirerait à coup sûr de grands bénéfices de l'affrontement auquel semblent vouloir aujourd'hui se livrer les puissances industrielles du Nord sans prendre la mesure du prix que devront, tôt ou tard, payer leurs propres peuples si jamais la sulfureuse politique de l' "America first" prônée par Donald Trump venait à imposer sa loi d'airain à l'ensemble du monde.

Imaginons, pour illustrer ce propos quelque peu décalé par rapport à l'opinion générale, que les géants occidentaux se lancent effectivement dans une guerre commerciale suicidaire qui les verrait s'affronter à fleurets démouchetés. S'il est vrai que l'économie des pays riches en serait fortement impactée, il l'est tout autant que les pays émergents en tireraient, pour leur part et probablement très vite, de grands bénéfices.

Pour comprendre ce qui précède, il faut avoir présent à l'esprit le fait que moins d'un milliard d'êtres humains, sur les quelques sept milliards que compte aujourd'hui la Terre, vivent dans la partie de l'hémisphère nord qui se déchire ainsi. Et rappeler que même si ce petit milliard d'hommes, de femmes, d'enfants vit de façon générale dans des conditions nettement plus confortables que le reste de l'humanité, consomme donc beaucoup plus, il ne constitue en réalité qu'un marché limité à l'échelle de la planète.

Peu importe par conséquent que les Etats-Unis et l'Europe s'affrontent pour des raisons bassement matérielles : de toutes façons, à échéance de vingt ou trente ans, lorsque l'Afrique, l'Amérique du sud, l'Asie auront achevé leur longue et difficile marche vers l'émergence, l'économie mondiale sera dominée par les nations qui aujourd'hui pèsent relativement peu sur la scène commerciale et financière. Les Grands, quant à eux, seront devenus sinon petits, du moins beaucoup moins influents qu'aujourd'hui.

C'est très précisément ce qu'a compris la Chine et qui explique l'accélération du programme de relance des "routes de la soie" auquel le numéro un de l'Empire du milieu, le président Xi-Jinping, consacre désormais toute son énergie. Une stratégie que, soit dit en passant, l'affrontement commercial des Etats-Unis et de l'Europe ne manquerait certainement pas d'accélérer fortement dans les mois et les années à venir s'il se confirmait sur le terrain.

Conclusion de ce qui précède : loin de réduire la croissance mondiale, la rupture qui risque de se produire entre les nations qui, jusqu'à présent, dominaient l'économie mondiale, a toutes les chances de l'accélérer. Au détriment des nations riches qui se disputent et au bénéfice des nations pauvres qui constituent le véritable marché de demain.

Jean-Paul Pigasse

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