Interview. Ferdila Ouattara-Uche : « Le HCR est toujours disposé à aider les réfugiés rwandais désireux de rentrer au pays »

Jeudi 21 Juin 2018 - 20:15

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L’association « Espoir » des réfugiés rwandais au Congo a animé, le 19 juin à Brazzaville, une conférence de presse au cours de laquelle elle a accusé le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de complicité avec les autorités de leur pays. Abordée par Les Dépêches de Brazzaville, l’une des responsables du HCR, Ferdila Ouattara-Uche, tente de clarifier la situation.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : Les réfugiés rwandais ont dénoncé l’injustice du HCR dans la recherche des solutions qui leur permettraient d’obtenir un statut juridique… 

Ferdila Ouattara-Uche (F.O.U.) : Ils nous reprocheraient d’être en collaboration avec les autorités rwandaises pour les obliger à accepter ce qui ne leur convient pas. Depuis juin 2013, la République du Congo a appliqué ce qu’on appelle la clause de cessation du statut des réfugiés pour les Rwandais. C’était sur recommandation du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Je tiens à clarifier quelque chose que nous entendons souvent de la part des réfugiés rwandais, qui donne l’impression que ce processus de cessation a été inventé pour leur population spécifiquement, alors que l’accord de cessation est prévu dans la convention de Genève relative au statut des réfugiés qui dit clairement que lorsque les circonstances qui ont été à la base de la fuite d’une personne cessent d’exister, cette dernière verra son statut de réfugié cessé, raison pour laquelle on parle de cessation.

L.D.B : Sur quelle base le HCR recommande-t-il aux Etats de mettre fin au statut de réfugié ?

F.O.U. : Lorsqu’on analyse la situation d’un réfugié, et qu’on se rende compte que les circonstances qui ont été à la base de sa fuite ont cessé d’exister, le HCR recommande au pays d’accueil de mettre fin à son statut de réfugié. Cela a été fait pour les Libériens, les Sierra-Léoniens, les Angolais et aujourd’hui pour les Rwandais. Pour le cas présent, les circonstances qui ont été à la base de la fuite des Rwandais étaient le génocide en 1994. Depuis, la situation au Rwanda a complètement changé. Si vous faites un tour au Rwanda, vous n’entendrez plus parler de génocide ou de la poursuite d’un Hutu ou un Tutsi pour l’égorger. Ce sont ces raisons qui avaient poussé les gens à quitter leur pays. Le HCR a fait son travail en se fondant sur la convention qui est notre texte de base.

L.D.B .: Les réfugiés vous reprochent de ne pas faire preuve d’humanisme.

F.O.U. : Dans tout ce processus, on n’a pas manqué d’informer les réfugiés depuis 2013. La sensibilisation a également commencé en 2013 pour leur demander de se prononcer en faveur d’une solution durable, parce que le statut de réfugié pourrait prendre fin d’un moment à l’autre. Le statut de réfugié, notamment la protection internationale par essence est exceptionnelle. Le principe veut que chaque Etat protège ses ressortissants, c’est ce qu’on appelle la protection nationale.

Le statut de réfugié ne doit pas demeurer éternel. Il est exceptionnel par essence et il faut trouver une solution durable pour mettre fin à ce statut. Pour les Rwandais au Congo, il y a eu des solutions durables qui ont été proposées, à savoir le rapatriement et la possibilité de rester sur le territoire congolais, tout en se conformant à la législation du pays d’accueil. C’est à ce moment qu’il y a eu le point d’achoppement avec les Rwandais qui refusent de se conformer à la législation congolaise. En tant qu’HCR, nous ne pouvons pas les conseiller de ne pas se conformer à la législation du pays qui les accueille. C’est impossible.

L.D.B. : Quelle est la situation des réfugiés centrafricains ?

F.O.U. : Les réfugiés centrafricains sont arrivés en 2013, tandis que les réfugiés rwandais en 1997. La situation au Rwanda a totalement changé. On ne peut pas comparer la situation au Rwanda de 1994 à celle d’aujourd’hui. Les réfugiés centrafricains sont arrivés en 2013. Malheureusement, la situation en République centrafricaine continue à préoccuper la communauté internationale. Pour le moment, on ne peut parler de cessation, quand on sait que la situation des réfugiés centrafricains qui les a poussés à fuir n’a pas évolué dans le sens de la stabilité qu’on aimerait voir.

L.D.B. : Peut-on avoir une idée du nombre des réfugiés rwandais qui sont partis et de ceux qui sont restés ?

F.O.U.: Au total, nous avions une population d’un peu plus de dix mille réfugiés rwandais, parmi lesquels, huit cent quatre ont conservé leur statut de réfugié, après une procédure individuelle. Le HCR a analysé les dossiers, cas par cas, pour voir ceux qui devaient encore rester réfugiés. Actuellement, un peu plus de huit mille quatre cents n’ont plus le statut de réfugié. Du coup, ils se retrouvent en situation irrégulière sur le territoire congolais.

L.D.B. : Pourquoi refusent-ils de regagner leur pays ?

F.O.U. : Nous ignorons les raisons fondamentales. Le rapatriement volontaire est une solution durable qui leur est offerte. On n’oblige personne à partir. Celui qui veut rester peut rester mais en se conformant à la législation du territoire national. C’est de cela qu’il s’agit. Les considérations que j’entends de leur part sont plus politiques qu’autre chose. En tant qu’HCR, je ne peux pas me mêler de ces considérations politiques car, nous sommes une agence humanitaire apolitique par essence.

L.D.B. : Votre dernier appel à l’endroit des réfugiés rwandais…

F.O.U .: Les solutions sont encore ouvertes. Le HCR est toujours disposé à aider ceux qui veulent rentrer au Rwanda, en leur payant le billet retour et en leur assurant un petit cash pour leur première semaine de réintégration dans leur pays. Ceux qui choisissent de rester sur le territoire congolais, les autorités congolaises sont toujours disposées pour le moment à recevoir les demandes. J’ignore le temps que cela durera. Qu’ils prennent leur responsabilité. La décision doit se prendre individuellement. Certains ont des liens qui les obligent à y rester. La possibilité de rester est ouverte. D’autres, par contre, seraient à l’aise de rentrer au bercail. La décision du groupe ne doit en aucun cas empêcher les gens de faire leur analyse personnelle et d’examiner la solution qui s’adaptera le mieux à leur situation.

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Yvette Reine Nzaba

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