Économie : où va l’argent de la diaspora africaine ?

Samedi 18 Août 2018 - 12:13

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D’année en année, la diaspora continue à accroître son importance et son poids sur les économies africaines. On estime à plus de soixante-cinq milliards de dollars le montant atteint en 2017 par ses transferts de fonds vers le continent.

Ce montant est deux fois supérieur à celui de l’aide publique au développement pour l’Afrique, estimée à vingt-neuf milliards de dollars. Mais où va toute cette manne ? À quoi est-elle destinée ? Pourquoi n’est-il pas si simple de juger de l’impact direct de ces transferts sur les économies africaines ? Enfin, quelle place les États doivent-ils donner aux diasporas ?

Une aide pour subvenir avant tout aux besoins primaires

Depuis belle lurette, quand un Africain quitte les siens pour partir en Europe ou en Amérique, il sait pertinemment que c’est à lui que va incomber la responsabilité d’aider la famille restée au pays. Une fois dans le pays d’accueil, il aura pour mission de trouver un emploi qui lui permettra, chaque mois, de pouvoir effectuer des transferts de fonds qui vont permettre de nourrir la famille, de payer le loyer, les ordonnances, la scolarisation des frères et sœurs ou encore d’autres types de besoins usuels. L’aide des migrants sert donc en priorité à régler les problèmes du quotidien de leurs proches. La Banque mondiale (BM) estime que plus de 60% de ces transferts de fonds servent à cela et n’entrent donc pas dans le cadre d’un investissement productif dont on peut juger de l’impact concret comme la construction d’une école ou d’un pont, par exemple.

Quels sont les pays qui reçoivent le plus de transfert d’argent ?

Selon un rapport publié par la BM, le Nigeria est le pays d’Afrique subsaharienne qui a reçu le plus de fonds envoyés par ses migrants en 2017. Le pays le plus peuplé du continent a reçu vingt-deux milliards de dollars durant l’année écoulée. L’Égypte arrive en deuxième position avec vingt milliards de dollars reçus, tandis que le Maroc occupe la troisième marche du podium avec 7,5 milliards de dollars. Viennent ensuite le Ghana et le Sénégal, avec un montant de 2,2 milliards de dollars pour chacun. Suivent ensuite l’Algérie (2,1 milliards), le Kenya (deux milliards), la Tunisie (1,9 milliard), l’Ouganda (1,4 milliard),  le Mali (un milliard), l’Afrique du Sud (0,9 milliard), l’Éthiopie (0,8 milliard), le Liberia (0,6 milliard) et le Burkina Faso (0,4 milliard).

Ce rapport souligne, d’autre part, que les transferts des migrants représentent une part particulièrement importante du produit intérieur brut des pays suivants : Liberia (27%), Comores (21%), Gambie (21%), Lesotho (15%), Sénégal (14%) et Cap-Vert (13%).

Globalement, les transferts des fonds des migrants vers l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne sont passés de trente-quatre milliards de dollars en 2016 à trente-huit milliards de dollars en 2017, grâce notamment à la reprise de l’économie mondiale et à la remontée progressive des prix du pétrole.

Western Union et MoneyGram, rois du transfert d’argent en Afrique

Quel est l’Africain qui n’a pas été une seule fois de sa vie dans une agence aux couleurs jaune et noir de la firme américaine, Western Union, leader depuis plus de vingt ans maintenant dans les transferts de fonds entre le Nord et le Sud ? Avec ses trente-cinq mille points de retrait répartis dans une cinquantaine de pays africains, le groupe américain règne sans partage sur l’Afrique, suivi par une autre firme américaine, MoneyGram. À eux deux, les Américains contrôlent les deux tiers des points physiques de transfert d’argent en Afrique.

Cette mainmise leur permet de fixer des tarifs élevés qui font de plus en plus grincer des dents des Africains expatriés. Selon un rapport publié il y a quelques mois par l’ONG britannique Overseas development institute, les commissions prises par Western Union seraient en moyenne de 10 % du montant envoyé et de 15 % pour MoneyGram. Des taux bien au-dessus de la moyenne mondiale : 7,8 % pour un envoi moyen de deux cents dollars. La concurrence s’organise certes mais ces deux sociétés ont encore une bonne marge dans le secteur, surtout au rythme où continue de croître les inégalités entre le Nord et le Sud.

Intégrer la diaspora dans les programmes de développement économique

Selon des experts de la BM, si sur les quelque trente millions de migrants africains éparpillés sur la planète, l’on pouvait convaincre un membre sur dix d’investir mille dollars dans son pays d’origine, l’Afrique collecterait ainsi trois milliards de dollars par an pour financer son développement. Mais les relations entre les États africains et leur diaspora ne sont pas toujours faciles. En effet, peu de gouvernements sont parvenus à ce jour à faire participer, avec succès, les expatriés aux efforts de réduction de la pauvreté et de développement de leur pays d’origine.
Pour Kathleen Newland, spécialiste des migrations et du développement de l’Institut des politiques de migration, les gouvernements africains doivent s’informer davantage sur les membres de leur diaspora et créer des liens plus solides avec eux afin de mettre en place des politiques plus cohérentes pour susciter leur intérêt, plutôt que de les traiter soit comme des étrangers, soit comme des habitants du pays. Les membres de la diaspora ont pour la majorité un profond sentiment d’attachement à leur pays d’origine et veulent contribuer à son développement.

Plusieurs pays africains, à l’instar du Congo, ont mis en place des services ou des ministères chargés de susciter l’intérêt de la diaspora mais ceux-ci manquent souvent de personnel et de fonds. Si bien que les membres de la diaspora ont souvent peu connaissance des initiatives que prennent les gouvernements à leur égard.

 

Boris Kharl Ebaka

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