Opinion

  • Brin d’histoire

Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : l’histoire de la République du Congo à travers quelques chansons

Jeudi 22 Novembre 2018 - 21:37

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Depuis 60 ans, la chanson congolaise est un repère historique spatio-temporel. Plusieurs œuvres musicales ont magnifié le pays et les hommes, jusqu’au récent titre controversé  « Oko mema Congo na moutou », polysémique et bourré de sous-entendus.

En effet, La chanson peut être laudatrice ou, pire, subversive, parfois sans intention préconçue de la part du créateur. « Ata ndelé », chanson prémonitoire d’Adou Elenga valut à son auteur d’être embastillé à la prison de Ndolo à Léopoldville, Kinshasa aujourd’hui. Son contenu était jugé subversif pour le colonisateur. Dans le foisonnement musical, propre aux rives du fleuve Congo, et, bien avant la célèbre chanson de Joseph Kabasele, « Indépendance chacha » qui a accompagné les indépendances africaines en 1960, on peut citer,  « Le 28 novembre 1958, indépendance nationale », panégyrique à souhait, exécuté par l’orchestre Novelty du président Mountou Typoa. Cette chanson,  enregistrée chez Ngoma  à Kinshasa en 1959, est sortie quelques mois seulement après la naissance de la République du Congo, qui fête le 28 novembre prochain ses 60 ans.  C’est une chanson euphorique comme en témoignent quelques passages. Basili basili basili basili na koyokana ngo mama. Elle est sortie après les événements de 1959 et aborde rétrospectivement cette tragédie nationale. Œuvre des Bantous de la capitale, elle  est enregistrée en 1962. L’auteur se félicite et se réjouit de l’unité retrouvée de nos hommes politiques qui ont failli mettre le feu à la maison Congo. « La bêtise humaine » ne date pas d’aujourd’hui.

Décidemment le Congo est un pays où les hommes politiques ne tirent jamais des leçons du passé pour éclairer l’avenir. Quelques mois après la parution de cette chanson, le Congo connaît un séisme politique. Un mouvement insurrectionnel renverse le président Fulbert Youlou. Essous se fend d’une chanson inspirée par les premières paroles de l’hymne national congolais, la Congolaise. « Tongo étani », littéralement, « le soleil se lève », c’est son titre. Pendant près de trente ans, elle a servi d’indicatif au  journal parlé de la Voix de la Révolution congolaise.

Le président Youlou est remplacé par Alphonse Massamba-Debat, ancien ministre de Youlou. Après avoir été débarqué du gouvernement, il refuse de rejoindre son poste, avec son compère Bikouma. Cette fronde en a fait le successeur de son prédécesseur. Quelques mois après son investiture, il organise le congrès du MNR (Mouvement national de la Révolution), son parti politique qui opte pour le socialisme scientifique. Mal lui en a pris puisque quatre ans après, à son tour, il quitte le pouvoir. Il faut rappeler, l’orientation marxiste du nouveau pouvoir de Brazzaville entraîne une levée de bouclier de l’autre côté du fleuve Congo. Les escarmouches verbales se multiplient. L’arrivée au pouvoir de Joseph-Désiré Mobutu amplifie les contradictions entre les deux pays voisins. C’est sans doute, pour cette raison que Franklin Boukaka enregistre, en 1967, « Pont sur le Congo », aux Editions Boma bango de Franco. Elle rappelle les liens de consanguinité entre les deux peuples des deux rives du fleuve Congo, mais un trait d’union répondant en écho à une chanson de Kabasele et Bombenga « Ebalé ya Congo » edzali lopango te edzali nde ndjela. Mitema ndoki ba Sali songi songi bakaboli Congo babosani Africa o yé… Kabasele met en cause l’ingérence étrangère qui, selon lui, est à l’origine de la  situation conflictuelle entre les deux Congo, sous le sceau d’une lutte idéologique, à laquelle les Congolais de part et d’autre ne comprenaient pas l’enjeu, diviser pour régner. Comme « Ebalé ya Congo », « Pont sur le Congo» de Franklin Boukaka est un hymne à l’unité des deux Congo.  « Congo na Biso » de Pamelo et les Bantous de la capitale.

  En 1968, le capitaine Marien Ngouabi succède au président Alphonse Massamba-Débat en qualité de président de la République, après une période de confusion où Alfred Raoul a assumé quelques mois les fonctions de chef de l’Etat, tout comme Augustin Poignet, au cours de ce trimestre tumultueux de la vie nationale. Un an après, le nouveau président crée le Parti congolais du travail, « premier parti marxiste-léniniste au pouvoir »,  fanfaronne-t-on dans les allées du pouvoir. Pour rendre hommage au nouveau parti, Lambert Kabako crée, quelques années après, « Lokumu ya Pct », enregistré sur un album de propagande, véritable chanson dithyrambique. Le Congo n’est jamais sorti de cette expérience traumatisante qui a laissé des stigmates indélébiles. Ainsi va le Congo avec ses tares rédhibitoires dont l’incapacité de ses hommes politiques à démissionner, en dépit de résultats calamiteux de leurs actions. « Je ne sers à rien donc je m’en vais ». C’est ce que déclarait Nicolas Hulot, au moment de quitter le gouvernement d’Emmanuel Macron. Dans cette période de crise que traverse le Congo, c’est une telle attitude de responsabilité que nous attendons de nos ministres qui ne servent à rien,  pour nombre d’entre eux. S’impose aujourd’hui au président de la République, sous la double pression du public et du FMI, la nécessité d’un gouvernement de combat avec des hommes compétents, à l’expérience éprouvée. Il y a des jours où j’ai l’impression que l’intelligence a déserté ce pays. On tourne en rond. On prend les mêmes et on recommence, sans fin.  L’amateurisme et l’incompétence, ici comme ailleurs,  ont  causé trop de tort au pays. Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

 

 

Mfumu

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

Notification: 

Non

Brin d’histoire : les derniers articles