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Samedi 12 Janvier 2019 - 17:30

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… sur le processus électoral en République démocratique du Congo (RDC). Dans quelques jours, si aucun recours en contestation de la victoire du candidat Félix Tshisekedi à la présidentielle du 30 décembre n’est pas introduit par son rival, Martin Fayulu, de l’opposition comme lui, la Cour constitutionnelle se prononcera sur le scrutin. Pour valider les résultats de la Céni (Commission électorale nationale indépendante), communiqués le 10 janvier, et donc laisser la voie libre au vainqueur déclaré de prêter serment en qualité de nouveau président de RDC.

Si, au contraire, une telle démarche est engagée ( ce qui paraît probable au regard des déclarations de Martin Fayulu), les juges du contentieux électoral prendront le temps de l’examiner, de la déclarer recevable ou non. Dans les deux cas de figure, leur décision sera le seul moyen de mettre un terme à l’affaire, même si, dans les délibérations de ce type, les parties lésées ou qui se considèrent telles gardent un souvenir amer de ce qui leur est arrivé, malgré la rigueur de la loi. Mais elles peuvent alors apprendre à mieux connaître l’environnement dans lequel elles se trouvent, et prendre la mesure des contraintes de leur engagement politique. Il arrive, en effet, que l’intérêt général débride les passions vindicatives les plus déterminées chez des gens qui savent en apprécier le bien-fondé.

La situation post-électorale en RDC nous a appris un tas de choses. D’abord la convocation des électeurs. Elle est passée par tant de rendez-vous manqués qu'elle a installé dans la conscience de ces derniers une impatience liée beaucoup plus à l’accomplissement du processus qu’à sa grande qualité. La peur résidait dans le fait de le voir accompagné de violences à grande échelle. Or, pour le coup, pour un pays en situation permanente de conflits armés dans certaines de ses provinces, le pari de la quiétude a été tenu malgré tout. Cet aboutissement est une première victoire imputable à l’ensemble des acteurs en compétition. Il ne pourrait suffir à calmer les esprits si le processus est jugé inéquitable.

Puis sont remontées en surface, peut-être, les rancœurs tenaces dont les terrains politiques sont si friands. Sur la vingtaine de candidats en lice, l’attention des observateurs s’était focalisée sur trois, en raison du parcours et du passé de chacun. Emmanuel Ramazani Shadary, porté par le chef de l’Etat sortant, Joseph Kabila, incarnait une sorte d’alternance dans la continuité. Il a affronté, outre  une fronde feutrée dans son propre camp, le passif de son mentor. Le résultat de l’élection l’a classé troisième alors qu’il a dû disposer de moyens importants pour sa campagne.

Martin Fayulu caracolait en tête des intentions de vote, non sans attirer contre lui les regards dubitatifs du gouvernement en place soit dit en passant en froid avec ses deux principaux alliés, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi. Nul ne sait si l’action de la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo) lui a rendu service, ou au contraire, a renforcé les appréhensions de ses adversaires sur ce que devait être l’ampleur ou les suites de sa victoire à cette élection. En revendiquant plus de 60% des suffrages sur ses deux challengers, le candidat de la coalition Lamuka relance la polémique sur la crédibilité du scrutin du 30 décembre.  

Félix Tshisekedi et son allié, Vital Kamerhe, avaient créé la surprise, la première, pourrait-on dire, en dénonçant l’accord qui les engageait à soutenir Fayulu comme candidat unique de l’opposition. Il n’a pas manqué de surprendre une deuxième fois en se plaçant en tête du scrutin présidentiel. Moins émotif que son entourage où l’on a vu certains de ses proches en larmes à l’annonce de sa victoire, le fils du sphinx de Limete (on appelait ainsi son défunt père Etienne Tshisekedi), pourrait-il se contenter d’une demi-victoire ? Et se laisser guider par le bout du nez? 

Depuis l’annonce des résultats, les réseaux sociaux débordent de commentaires décrivant un nouvel élu à la magistrature suprême qui n’aura pas les moyens de sa politique, parce qu’en passe d’être cerné par l’ancienne majorité mieux placée, ajoute-t-on, dans les instances législatives nationales et locales, et qui en conséquence, cèderait la primature à ce camp. On ne peut pas croire ces analyses justes ou fausses sans attendre de voir ce que sera réellement le rapport des forces sur le terrain quand le nouveau président, après sa prestation de serment, nommera ses collaborateurs à tous les niveaux. On ne saurait pour l’instant deviner quelles nouvelles surprises Félix Tshisekedi nous réservera-t-il ni quel effet la contestation de sa victoire qui se fait au pays ainsi que le malaise exprimé par certains partenaires extérieurs de la RDC auront sur le cours des évènéments.

Gankama N'Siah

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