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Gestion des infrastructures publiques de transports: qu’apporte le contrat de concession?

Lundi 1 Avril 2019 - 12:18

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Les États recourent souvent au contrat de concession pour assurer la rentabilité de l’exploitation de leurs ressources. Il s’agit d’un mode de gestion indirecte par lequel, les États cèdent l’exploitation de leurs biens à un concessionnaire qui sait baisser le coût unitaire au fur et à mesure que les volumes augmentent, et qui génère des bénéfices importants. En contrepartie, ces États reçoivent l’impôt sur les sociétés, les redevances et les dividendes, mais restent dépendants de l’expertise de l’exploitant dont l’opportunisme peut compromettre leur stratégie de développement si les mécanismes de contrôle ne sont pas efficaces.

Ce régime avait permis à quarante concessionnaires français de mettre en valeur 61,71% du territoire de la colonie française du Congo entre 1899 et 1939. Il s’est poursuit après 1960 principalement dans les secteurs des mines, de la forêt, de l’agriculture et jusqu’en 1994 dans le pétrole. Le besoin de valoriser les équipements modernes de transports acquis dans le cadre de la municipalisation accélérée, entre 2004 et 2016, a conduit l’État à étendre ce régime aux domaines :

- aéroportuaire, où le Congo a signé le décret n°2010-523 du 14 juillet 2010, accordant une convention de concession pour vingt-cinq ans à un consortium franco-allemand Segap/Egis, pour gérer ses trois aéroports internationaux (Brazzaville (1951), Pointe Noire (1932) et Ollombo (2010)), à travers la Société des aéroports du Congo. L’État détient 15% du capital de cette société, la CPTS 25%, la Segap 51%, Egis airport opération 4% et Soptimi5%. Ce consortium a investi cinquante millions € entre 2011 et 2016. Le nombre de passagers de 1 824 612 a généré un coût unitaire de 27,40€ en 2012 contre 20,91€ en 2015 pour 2 391 161 passagers, alors que le fret a chuté de 74 586 T à 29 059 T, augmentant le coût unitaire de 1179,63€/T à 1720,64€/T. Sans vols commerciaux réguliers, l’aéroport d’Ollombo fonctionne à perte, comme les vingt et un aéroports secondaires gérés par l’Agence de navigation aérienne civile dont plus de la majorité sont des éléphants blancs ;

- portuaire, avec le Port autonome de Pointe-Noire (1939), le plus profond du golfe de Guinée, ayant une capacité de 10 350 000 t/an sur l’Atlantique, tirant d’eau de -15M pour accueillir des navires jusqu’à sept mille équivalents vingt pieds, le Congo a signé une convention de concession avec le groupe français Bolloré depuis 2009. Ce dernier détient 51% du capital de ce port contre 25% pour SDV-Congo, Socotrans, Samariti, Translo, Marersk et 24% pour les opérateurs privés nationaux. Il a investi 570 millions € sur vingt-sept ans pour 1 200 000 de TEUs contre 150 000 en 2009. Le temps de passage portuaire est passé de vingt-trois à quatorze jours pour une capacité de manutention portuaire en déchargement et chargement de 115,50 mouvements /heure ;

- routier, « La Congolaise des routes S.A », un consortium franco-chinois, liant « Egis International » et la chinoise « China State construction engineering corporation » à l’État dans l’exploitation et l’entretien des 1 365 km de routes nationales (RN), soit 6% du réseau routier de 22 745 km que la Régie nationale des travaux publics (1965) ne peut rentabiliser, notamment :

. la route du sud (RN1) qui relie Pointe-Noire à Brazzaville sur 535 km. Elle comprend deux tronçons : de Pointe-Noire à Dolisie de 160 km, construit entre 2007 et 2011, et de Dolisie à Brazzaville, sur 375 km, construit de 2011 à 2016. Cette route avait été financée par le concessionnaire chinois pour mille milliards FCFA ; alors que le contrôle de l’ouvrage était effectué par l’exploitant français, à la suite de l’appel d’offres de l’État qu’ils avaient gagné en 2006 ;

. la route du nord (RN2) reliant Brazzaville à Ouesso sur 830 km, qui a perdu tout son macadam à plusieurs endroits, nécessite d’importants travaux de réhabilitation.

Les exploitants gèrent les postes de péage pour un trafic estimé à six mille véhicules par jour sur la RN1. Le prix du péage est fixé à : 1 500 FCFA pour les voitures berlines et les tricycles, 2 000 FCFA pour les pick-up, 3 000 FCFA pour les minibus ; 13 000 FCFA pour les autocars, 25 000 FCFA pour les véhicules poids lourd de deux essieux, et 40 000 FCFA pour les trois essieux, quand le salaire minimum garanti au Congo n’est que de 90 000 FCFA par mois. Le coût de l’entretien du km des deux RN n’est pas encore rendu public.

Ainsi, dans le processus de libéralisation de l’économie congolaise, la production et la consommation des services de transports de qualité, nécessitent un prix qui ne compromet point la stratégie de développement de l’État. Cela nécessite le contrôle de l’opportunisme des parties par une autorité de régulation des transports.

 

 

Emmanuel Okamba

Maître de conférences HDR en sciences de gestion

Emmanuel Okamba maître de conférences HDR en sciences de gestio

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Édition Quotidienne (DB)

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