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Et Jacques Chirac nous a quittés ...

Lundi 30 Septembre 2019 - 12:34

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Tous ceux qui l'ont approché ces dernières années savaient que ses jours étaient comptés et qu'à échéance plus ou moins brève, la détérioration progressive de sa santé entraînerait son départ du monde des vivants. Mais preuve, s'il en fallait une, que sa popularité demeurait intacte, l'émotion qui a saisi la France tout entière et nombre de pays autour d'elle lorsqu'il nous a quittés, la semaine dernière, a rappelé que l'ancien président de la République Française avait en réalité fortement marqué son temps. Et que, par conséquent, il lègue aux générations présentes une vision du monde bien différente de celle portée par ses successeurs comme par ses prédécesseurs à l'exception bien sûr du général de Gaulle qui, lui, avait découvert l'importance du monde extérieur, celle de l'Afrique en particulier, lors de la Seconde Guerre mondiale.

Jacques Chirac était, certes, un homme politique rompu aux pratiques de cet univers imprégné d’idéologie où le discours, la gesticulation, la parade l’emportent sur la raison mais il était aussi un fin connaisseur des sociétés anciennes, de leur histoire, de leurs traditions, de leurs croyances. Et c'est très précisément ce qui l'avait amené à créer sur la rive gauche de la Seine, Quai Branly, en plein cœur de Paris donc, le musée qui porte aujourd'hui son nom et qui renferme des trésors venus des cinq continents. Durement frappé par la maladie après avoir quitté le palais de la République au terme de ses deux mandats, il avait consacré ce qui lui restait de force à l'enrichissement de ce lieu d'exception vers lequel convergent aujourd'hui de plus en plus de visiteurs en quête de connaissances, de savoir sur les sociétés d'Afrique, d'Amérique, d'Asie, d'Océanie.

Gaulliste et donc convaincu que la France a plus que jamais un rôle à jouer, une place à tenir dans le cercle des grandes puissances sur la scène mondiale, Jacques Chirac ne se posait pas en donneur de leçons vis-à-vis de ses pairs du Tiers-Monde, mais en allié fidèle décidé à les accompagner dans leur longue et difficile marche vers le développement. S'il savait que l'on ne réécrit pas l'Histoire, il était tout aussi convaincu que la France doit beaucoup aux peuples qu'elle a placés sous sa tutelle durant l'ère coloniale et que, par conséquent, ses dirigeants doivent s'engager résolument à leur côté pour les aider à sortir de la misère qui les accable toujours. Ce qui l'avait conduit à créer, à soutenir, à accompagner de mille et une façons les réseaux dits de la "françafrique" qu'une certaine presse présentait et présente, d’ailleurs, toujours comme une sorte de mafia qui ne dit pas son nom.

Osons donc regarder la vérité en face : si la France a su préserver son influence, en Afrique notamment, c'est pour une large part à Jacques Chirac et à ceux qui l'ont entouré à l'Elysée tout au long de ses deux mandats présidentiels qu’elle le doit. Une ouverture sur le monde, une connaissance des réalités de ce temps, une perception de la montée en puissance de l'Afrique qui donnent aujourd'hui à la nation qu'il dirigea douze années durant une capacité d'agir que seul le Royaume-Uni a su lui-même préserver grâce au Commonwealth. Dans le temps très particulier où nous vivons aujourd'hui, cette intelligence, cette perception du futur, cette projection dans l'avenir proche et lointain ne peuvent avoir que des conséquences positives pour la nation qu'il a dirigée douze années durant.

Alors que se referme cette page de l’Histoire de France, il faut espérer qu'Emmanuel Macron, qui occupe désormais le Palais de l’Elysée, ne se laissera pas enfermer lui aussi dans la vision négative, décalée du continent africain qui conduisit ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, à commettre les lourdes, très lourdes erreurs que la France paie aujourd'hui au prix fort. Souhaitons donc qu’il fasse sienne la politique d’ouverture qui a inspiré les mandats successifs de Jacques Chirac.

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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