Evocation : 22 février 1972, la triple alliance se disloque !

Jeudi 14 Novembre 2019 - 20:36

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Brazzaville, mardi 22 février 1972. Il était 5 h du matin. Le chef d’état-major général de l’Armée populaire nationale, le commandant Joachim Yhomby Opangault, était au rapport. A l’autre bout de la ligne téléphonique, à Pointe-Noire, le président Marien Ngouabi écoutait, posait des questions, donnait des instructions puis raccrochait. Les nouvelles de Brazzaville étaient très mauvaises. Il se retrouvait de nouveau dans la tourmente ! Un nouveau pronunciamiento était en cours dans la capitale, après celui du lieutenant Pierre Kinganga, alias Sirocco, déjoué avec succès le 23 mars 1970. Mais, contrairement à cette dernière tentative, le péril venait cette fois-ci des forces révolutionnaires, c’est-à-dire de l’intérieur du régime.

Le président séjournait à Pointe-Noire où il devait lancer le premier tanker chargé de pétrole congolais. Cette visite figurait dans son agenda et avait été régulièrement programmée. Le soir du lundi 21 février, alors qu’il rencontrait le patronat et des syndicalistes à la Chambre du commerce du Kouilou, une énigmatique panne de courant électrique s’était produite, mettant fin à la causerie présidentielle dans des conditions de sécurité incertaines. A cet instant précis, personne ne savait encore que le président de la République venait d’échapper à une tentative d’assassinat. La rupture d’électricité n’avait pas été fortuite. Deux sous-lieutenants, spécialement envoyés par le leader du putsch, le lieutenant Ange Diawara, devaient liquider Marien Ngouabi et alléguer par la suite sa fuite au Gabon.

 Entre 7 h et 8 h du matin, après s’être assurés la loyauté du commandement militaire de Pointe-Noire, Marien Ngouabi et son commissaire de gouvernement au Kouilou, Jean Pierre Nonault, se ruèrent dans le studio de l’antenne locale de la Radio nationale. Le message radiodiffusé qu’improvisa le président depuis Pointe-Noire,  au cours  de cette journée indécise, resta comme un classique de commandement et de leadership au haut sommet de l’Etat dans les situations de péril national. En effet, alors que ses ennemis croyaient la partie jouée  sur la côte Atlantique et, par conséquent, croyaient tenir le bon bout à Brazzaville, le passage de Ngouabi,  relayé avec succès sur l’antenne nationale, sema l’effroi dans le camp rebelle.

Cet échec n’était pas le moindre pour les insurgés et n’était pas non plus le premier d’une longue liste de déconvenues qui forcèrent Ange Diawara et son ami, le sous-lieutenant Jean Baptiste Ikoko, à la fuite dès l’entame de l’après-midi.

Contrairement à l’homme qui allait vite, le lieutenant Sirocco, Ange Diawara avait planifié son affaire dans les moindres détails. Ancien de la JMNR et de la Défense civile, il avait dans son calepin de bord envisagé différents scénarios au sujet de ses ennemis, selon des méthodes naguère décriées : ceux qu’il fallait liquider, ceux qu’il fallait arrêter, ceux qu’il fallait intimider et pardonner. En bon léniniste, la prise de l’institution qui gérait le téléphone et le télégraphe était impérative, de même que les pylônes relais en direction de Pointe-Noire. Commissaire politique à l’Armée, il savait le rapport de force dans cette institution et comptait quasiment dans tous les camps de la ville de Brazzaville des partisans issus de la Défense civile. Mais, le jour J, Ngouabi avait la baraka !

D’abord, à l’aube du 22 février, à 1 h du matin, au Régiment blindé, le capitaine Kimbouala Nkaya échoua dans  sa mission de prendre le contrôle des blindés. A la tête d’une trentaine d’intrus, il était entré par une porte cochère connue des seuls initiés. Il ordonna au lieutenant Raymond Ngolo de lui remettre le commandement du Régiment.  Ce dernier refusa, arguant que ce n’était pas lui qui l’avait nommé pour le relever en pleine nuit. Les deux hommes s’invectivaient quand les hommes de Ngolo se jetèrent sur Kimbouala et désarmèrent tout son groupe.

Au groupement aéroporté, corps d’élite de l’Armée, la manœuvre du sous-lieutenant Camille Bongou et ses amis d’entraîner les parachutistes dans le coup fut rapidement rayé et se transforma en un passage à tabac des velléitaires. Le camp 15-août, siège de l’artillerie, était fermement resté sous le contrôle de l’état-major général.

Mais, au-delà de ces impondérables militaires, la tactique des putschistes d’avancer masquer, d’user du mensonge comme principe opératoire leur devait être fatale tant sur le plan politique que sur le plan militaire. (A suivre)

 

 

François-Ikkiya Onday-Akiera

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