Le Feuilleton de Brazzaville. Acte 32. De l'arachide "originale"

Jeudi 20 Février 2020 - 21:00

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À longueur de journée, des jeunes de dix à dix-huit ans et plus, tous originaires de la RD-Congo, sillonnent Brazzaville avec des cuvettes en plastique sur la tête. Ces récipients sont remplis d’arachide, d’œufs durs, de kola, de maniguettes et de toutes sortes de racines tirées des forêts et des savanes des deux Congo. Ces As du marketing apportent aux bistrots un peu de leur joie de vivre. Jamais, en effet, ils n’ont l’air d’être dépassés par l’ampleur de leur travail ni par cette marche à pied qui les entraîne aux quatre coins de la ville.

Même quand ils sont confrontés à des inciviques qui les importunent, les dépossèdent de leurs petites économies et de leurs marchandises, ils se défendent comme ils peuvent et ne s’avouent jamais vaincus. Le lendemain, de bonne heure, ils reprennent, si on peut dire, leur chemin de la croix et pérégrinent à travers rues et avenues de Brazzaville. Ils écument les lieux des veillées funèbres où ils savent qu’en raison du nombre important de personnes réunies pour la circonstance, ils feront un bon chiffre d’affaires. Ils vous amusent en parlant d’arachide « originale », pour évoquer de l’arachide de bonne qualité.

À vous de savoir si vous souhaitez de l’arachide bembé, produite dans les pays de Mouyondzi, dans la Bouenza, au sud-ouest du Congo, ou si vous affectionnez l’arachide téké venant de Djambala ou de Lékana, dans les Plateaux, au centre. Désirez-vous de la kola sénégalaise, un peu blanche, ou plutôt de la kola d’Impfondo, dans la Likouala, réputée succulente ? Ils vous proposeront aussi des racines dont ils disent tant de bien pour se lever du bon pied, des racines qui compenseraient faiblesses et asthénies de toutes sortes. Nul ne sait s’ils exagèrent ou s’ils parlent de choses dont ils ont la maîtrise.

En matière de plantes médicinales, chacun en Afrique connaît la puissance de l’oralité. Mais ces jeunes gens savent profiter de l’ambiance des ngandas pour écouler leurs produits en toute tranquillité. Ils vous diront par exemple dans quelles circonstances il leur arrive de faire passer le prix de l’œuf dur préparé de 100 FCFA à 150 FCFA.

C’est bien souvent lorsqu’ils approchent d’une table où de bons vivants sont entourés de bonnes vivantes : « Nous savons que ces dernières demandent parfois beaucoup, et les hommes qui les accompagnent aiment bien leur faire savoir qu’ils ne sont pas à court d’argent. Ainsi, nous faisons preuve de suite dans les idées et proposons à un prix élevé l’œuf que nous vendons habituellement moins cher. En général, les hommes n’hésitent pas à remplir leur devoir et leurs accompagnatrices ne s’arrêtent pas à mi-chemin de la demande. Nous nous en sortons plutôt bien et gais », racontent-ils, sourire aux lèvres.

 

Jean Ayiya

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