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Mutualisation des dettes des États : les vertus de l’emprunt obligataire perpétuel

Mercredi 29 Avril 2020 - 16:09

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Les chocs mondiaux comme les pandémies liées aux virus émergents sont des facteurs de synchronisation des fluctuations des cycles conjoncturels et structurels de l’activité économique. Ils montrent la capacité des États à amortir collectivement un risque majeur et à diminuer la persistance de l’écart de richesse qui en découle entre eux par la mutualisation de leurs dettes consécutives. Mais, le conflit d’intérêt limite la solidarité et pousse les États nantis à rejeter cette solution et l’annulation des dettes des pays les plus endettés pour ne favoriser que le report des échéances de leurs dettes, alors que des solutions plus résilientes existent.

1) Du choc pandémique : Le 9 avril 2020, au terme du délais de carence de 98 jours, fixé par la Banque mondiale (BM), le monde entier comptait, 95 718 décès et 1 601 018 cas infectés par le Covid-19. La BM commença à indemniser les États qui ont au moins 250 décès. L’Europe comptait 71,73% des décès, les États-Unis et le Canada 14,22%, l’Asie 6,05%, le Moyen-Orient 5,62%, l’Amérique latine et les Caraïbes 1,68%, l’Afrique 0,63% et l’Océanie 0,06%. La Chine, pays de départ de la pandémie, ne comptait plus que 4,76% des décès mondiaux. La BM développe sur 15 mois, 318 projets dans 60 pays pour 160 milliards $ en obligations pandémiques dont 30% en Afrique, 13,33% dans chacune des régions (Asie du Sud, Asie de l’Est et Pacifique, Europe et Asie Centrale, Moyen Orient et Afrique du Nord), 11,67% en Amérique Latine et Caraïbe et 5,01% ailleurs.

Selon l’OCDE (2020), le déficit public mondial lié à cette pandémie sera de 1,5% du PIB en 2020, contre une croissance de 2,6% prévue. Il atteindra 3,4% du PIB contre une croissance de 1,5% attendue aux USA. Il sera de 1% du PIB en Chine contre une croissance positive de 5,9% prévue. En Europe, ce déficit atteindra 4,7% du PIB contre une croissance de 1,2% prévue. En Afrique Subsaharienne, il sera de 0,2% du PIB contre une croissance de 3% prévue. L’endettement direct et indirect des États qui en résulte sera de 7,8% du PIB en 2020 (Banque Rothschild et Co (2020)) . Il sera très élevé aux USA et au Canada avec 7,5%, contre 6,7% au Moyen Orient et en Afrique du Nord, 3,2% en Asie-Pacifique, 2,9% en Amérique Latine et 1,7% en Afrique Sub-Saharienne (1,7%).

L’Afrique, avec 365 milliards $ de dette, équivalent à 56% de son PIB, dont 236 milliards $ de dette extérieure, a obtenu du Club de Paris, du G20 et de la Chine (qui en détient 61,44%), un moratoire d’un an sur la dette de 22 milliards $ à rembourser en 2020 par 76 pays les plus pauvres du monde dont 40 pays d’Afrique. La BM a décidé d’un moratoire de 13,2 milliards $, alors que le Fonds monétaire international (FMI) propose le report de 6 mois du service de la dette de 500 millions $ pour 25 pays africains les plus vulnérables. L’Union Africaine attentait l’annulation de la dette extérieure du continent.

2) A la mutualisation des dettes : Elle consiste à racheter les dettes des États par une Banque centrale qui émettra un emprunt obligataire pandémique, instrument commun de dette pour lever des fonds sur les marchés financiers. Les États les plus impactés souffrant déjà des déficits budgétaires chroniques en sont demandeurs. Les États les moins impactés qui présentent une situation budgétaire équilibrée rejettent cette solution. Les USA se sont même retirés de l'OMS, en l’accusant de complicité d’asymétrie informationnelle sur la pandémie avec la Chine qui aurait conduit à l’impréparation des autorités américaines et à leur indécision, faisant des USA, les principales victimes. Or, les USA financent l’OMS à 22% du total du budget de cette organisation, la Chine (7,9%), l'Allemagne (6,3%), la France (4,8%) et le Royaume Uni (4,4%). La mutualisation des dettes est limitée par l’aléa moral des États.

Ainsi, les intérêts particuliers ruinent la solidarité financière et la résilience économiques des États. La création d’une dette perpétuelle par la BM est nécessaire pour qu’elle rachète directement la dette de tous les États impactés par le Covid-19, la stocke et en émette des emprunts obligataires à taux d’intérêt négatif. Les investisseurs achèteront ces produits plus chers que leur valeur faciale et seront remboursés d'un montant légèrement inférieur à celui qu'ils ont prêté. Les États endettés retrouveront rapidement leur équilibre financier, et leur dette rachetée, fondera progressivement, sous l’effet de l’inflation. Ce produit qui offre des coupons fixes ou variables avec des rendements supérieurs aux taux des obligations classiques, intéresse l’investisseur en quête de cash-flows importants et rapides, sans ruiner la solidarité et la résilience économique des États.

Emmanuel Okamba,Maître de conférences HDR en Sciences de gestion

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