Développement : l’Afrique pourrait financer elle même 70% de son développement

Lundi 23 Juin 2014 - 14:00

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Sahra El Fassi est co-auteure de la dernière note du Think Tank ECDPM (European Centre for Development Policy Management) : « Mettre en œuvre les initiatives africaines pour le développement : opportunités et défis pour assurer des sources alternatives de financement pour l’Agenda 2063 ». Elle revient pour Les Dépêches de Brazzaville sur les principales conclusions

Les Dépêches de Brazzaville : Contrairement aux idées préconçues, l’Afrique dispose d’importantes ressources propres pour financer son développement…
Sahra El Fassi : Il y a effectivement beaucoup de ressources disponibles mais il faut créer des incitations pour qu’elles servent au financement du développement. La manne financière des fonds souverains africains n’est pour l’essentiel pas investie sur le continent. Et globalement, le retour sur investissement que les États membres pourraient retirer des programmes d’investissement continentaux, n’est pas toujours clair si bien qu'ils hésitent parfois à mobiliser des ressources pour ceux-ci. On l’a vu avec l’expérience qu’a été le NEPAD.

LDB : Comment faire pour créer la confiance et remédier à cet état de fait ?
S.E.F. : Pour restaurer la confiance il faut que les États puissent voir les résultats tangibles de ces programmes d’investissement continentaux pour leurs pays au niveau régional, pas au niveau de l’Union africaine. Les projets retenus au niveau régional devraient également être en adéquation avec les projets nationaux. On rejoint là la question de l’intégration régionale. Enfin, une autre mesure positive serait d’inclure tous les acteurs pertinents dans les discussions sur les plans de développement décennaux, on peut penser notamment aux ministres du Développement.

LDB : Bien que l’Afrique soit de plus en plus en mesure de financer elle-même son développement, on a l’impression au niveau de la gouvernance que ce sont toujours l’extérieur et les bailleurs de fonds qui dictent la politique de développement du continent. Est-ce différent en ce moment avec les discussions sur l’agenda de développement post-2015 ?
S.E.F. : Il est vrai que l’aide publique au développement a décliné. On cherche maintenant comment inclure le secteur privé dans le financement du développement y compris le secteur privé africain.
Africains et Européens s’efforcent de développer des positions communes sur l’agenda post 2015. Des avancées ont été faites lors du sommet Union africaine-Union européenne du mois d’avril dernier mais les positions ne sont pas encore alignées. L’Afrique a une position continentale commune, lancée à Addis-Abeba au début du mois, qui sera défendue à New York. Les discussions sont en cours pour aboutir à une vision partagée des objectifs de développement du continent. 

Pour lire la note (en anglais) cliquez ici

Contrairement aux idées reçues, l’aide publique au développement des bailleurs extérieurs représente un pourcentage très faible des ressources du continent africain.

Rapport en l'aide publique au développement et les ressources étatiques des différents pays africains (crédits ECDPM)Des opportunités de financement endogènes importantes

L’Afrique génère chaque année 520 milliards de dollars de recettes fiscales, les revenus des ressources extractives s’élèvent à 168 milliards de dollars, et les pays africains détiennent plus de 400 milliards de réserves de change internationales dans leurs banques centrales. La capitalisation boursière représente 1.200 milliards de dollars et une dizaine de pays africains ont établi des fonds souverains pour une valeur estimée de 160 milliards. Par ailleurs, les envois de fonds des migrants représentent 64 milliards de dollars. Ils sont devenus la plus importante source financière externe de l’Afrique devant les investissements directs étrangers et l’aide publique au développement.
Des fonds supplémentaires pourraient être générés par les mesures d’allègement de la dette (environ 114 milliards de dollars) et l’arrêt des flux financiers illicites qui font perdre chaque année à l’Afrique 50 à 60 milliards de dollars.

Une aide qui ne cesse de décroître

Les aides nominales à l’Afrique représentent 51,2 milliards de dollars. Dans la plupart des pays africains aujourd’hui, les revenus étatiques par habitant dépassent de loin l’aide par habitant et seuls huit pays africains continuent de recevoir plus d’aide par habitant qu’ils ne génèrent d’impôts par habitant. Si l’Afrique était un seul pays, il aurait levé en 2011 dix fois plus de recettes fiscales par habitant que d’aide.

Rose-Marie Bouboutou

Légendes et crédits photo : 

Rapport entre l'aide publique au développement et les ressources étatiques des différents pays africains (crédits African Economic Outlook 2013, OCDE)