Grand Prix littéraire d’Afrique noire : Eugène Ebode et Etienne Sawadogo, lauréats 2015

Samedi 4 Avril 2015 - 11:05

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Le 26 mars dernier au siège de l’OIF, les lauréats 2015 du Grand Prix littéraire d’Afrique noire, créé par l’ADELF en 1994, étaient proclamés. Le romancier camerounais Eugène Ebode était distingué pour Souveraine Magnifique paru chez Gallimard-Continents Noirs alors que le poète burkinabé Etienne Sawadogo recevait la « Mention spéciale du Jury » pour En Seine Majeur(e) paru aux éditions l’Harmattan. Retour sur la cuvée 2015 du Prix avec le président du Jury, le Professeur Jacques Chevrier.

Qu’est ce qui vous a séduit dans le roman du lauréat 2015, Eugène Ebode ?
Souveraine Magnifique est « docu-roman » sur les massacres du Rwanda en 1994. Ce qui est intéressant est que ce récit est fait par quelqu’un qui n’est pas rwandais, mais qui s’est senti interpellé par cette tragédie africaine. Ce n’est que bien des années après le génocide, à travers l’opération « écrire par devoir de mémoire », qu’a surgi sur le continent cette volonté de témoigner de cet événement sur le plan de la fiction.  Souveraine Magnifique est un portrait de femme forte, une « femme-matador » comme on les appelle aux Antilles. La phrase finale du roman est représentative de l’amertume dont elle ne peut se défaire malgré le temps qui passe. Elle dit : « non je n’ai pas honte de ma vie, mais j’ai quelque chose de pourri au fond de la gorge ». Il y a eu débat, mais ce roman a été choisi quasiment à l’unanimité

Parlez-nous de la "Mention spéciale du Jury" ?
Dans notre système de notation, la mention spéciale sert à distinguer des textes qui nous ont paru exprimer des choses fortes ou manifester un talent littéraire dans des œuvres inclassables. Le recueil poétique d’Etienne Sawadogo, qui est en même temps une chronique, un carnet de voyage ou un carnet de bord, en est l’exemple. Il y raconte de façon assez drôle ses déambulations en vélomoteur dans Paris et la petite couronne. Mais c’est aussi un livre traversé par la souffrance. Par un système d’écho, de rappels, de réminiscences, entre ce qu’il voit, ce qu’il rencontre et des souvenirs plus ou moins heureux qui traversent son esprit, des évènements passés, des lieux connus, il évoque la souffrance internationale du ghetto de Varsovie, à Saint Louis du Sénégal ou Gorée et bien sûr le Burkina.

Le Grand Prix littéraire d’Afrique noire célébrait l’an dernier ses dix ans, quel regard portez-vous sur l’évolution de la production littéraire africaine pendant ce laps de temps ?
Nous encourageons le Jury à être exigeant en ce qui concerne la narration, les qualités littéraires et l’écriture. Nous  accordons beaucoup d’importance à l’expression des imaginaires et à la qualité de la langue. Il est toujours dangereux de tirer des conclusions, mais il me semble que c’est sur ce plan là que l’on voit vraiment un progrès et une transformation, pas seulement pour l’Afrique, car nous donnons chaque année des Prix littéraires pour le Maghreb, l’Asie ou l’Europe. Cependant le Jury ne privilégie aucunement un quelconque classicisme : nous sommes toujours heureux de découvrir des bonheurs d’écriture sous la plume d’auteurs dont le français n’est pas la langue maternelle mais qui la travaillent, la transforment, l’enrichissent  pour le plus grand bonheur de tous les francophones.

Propos recueillis par Rose-Marie Bouboutou