Tabu Ley, une vie d’artiste

Samedi 7 Décembre 2013 - 9:45

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Tabu Ley n’est plus. Le laconisme de cette phrase cisaille le cœur. L’émotion est  à la mesure du magistère exercé par seigneur Rochereau au cours de sa longue carrière. Les rideaux viennent lourdement de tomber sur la scène de sa vie. Il est décédé à Bruxelles le 30 novembre. Il avait 73 ans. Il aurait dû naître à Kinshasa. Ses parents décident de le faire venir au monde « au village », comme on dit chez nous. C’est ainsi qu’il naît le 13 novembre 1940 à Sinamuey, dans le Bandundu, sous le nom de Pascal Sinamuey et non Sinamoyi, comme on l’a écrit pendant longtemps. À la faveur du recours à l’authenticité prônée en 1971 par le président Mobutu, il adopte le patronyme de son père, Tabu, auquel il ajoute Ley. Pourquoi Ley ? C’est une énigme. Une part d’ombre de cet immense artiste qui vient de tirer sa révérence. À l’école, on l’appelle Rochereau. Ce nom d’emprunt va l’accompagner sa vie durant. C’est à la très célèbre Ecomoraph (école moyenne Saint-Raphaël) qu’il effectue ses études secondaires. Il y obtient son diplôme et se jette dans la vie active

Rochereau grandit à Léopoldville, dans la commune de Kinshasa, dans un univers baigné par l’art d’Orphée. À cette époque, Il compose déjà des chansons. Ses débuts dans la musique se situent  au milieu des années 19560 au sein de l’orchestre des frères Lambil, le Harlem Band. Il y évolue, entre autres, en compagnie de Didi Siscala. Son univers d’adolescent est dominé par la figure tutélaire de Joseph Kabasélé qui lui met professionnellement le pied à l’étrier. Il fait sa sortie officielle dans l’African Jazz en juin 1959. Keliya, est sa première composition, formidable introduction aux magnifiques embardées de la création rochereaulienne. Mais quelques mois plus tard, Rochereau se retrouve dans l’aile de l’African Jazz créé par Nico, mécontent de la gestion de l’orchestre par Kallé. Ce qui ne l’empêche pas d’accompagner ce dernier à Bruxelles pour agrémenter la table ronde politique. Cette mémorable et glorieuse épopée donne naissance, en 1960, à la chanson totémique de l’indépendance du Congo-Belge et d’autres pays africains : Indépendance cha cha. Rochereau, pendant cette période de  quasi-oisiveté musicale,  intègre le Jazz Africain de Lutula. Apparemment, le voyage de Bruxelles n’a pas aplani les différends entre Kallé et Nico. Tant bien que mal, Ils tentent néanmoins de recoller les morceaux. En 1962, l’African Jazz réconcilié se rend à Bruxelles. C’est le premier voyage de Rochereau en Europe.

En 1963,  l’African Jazz implose. C’est la naissance de l’orchestre African Fiesta. Après trois ans d’existence, le nouvel orchestre, à son tour, vole en éclats. Rochereau crée l’African Fiesta National. Fin 1969 ou début 1970, il en exclut Roger Izeïdi, son producteur et éditeur. Il se met en ordre de bataille pour affronter de nouveaux défis. En prime, l’Olympia.

Désormais, seul maître de son destin, Rochereau connaît une carrière fulgurante, dont l’acmé est, sans doute, son passage à l’Olympia de Bruno Coquatrix, la nuit du 12 au 13 décembre 1970. Il est le premier artiste africain à se produire dans cette  mythique salle. L’African Fiesta National devient l’Afrisa.  Pendant plus de deux décennies après ce passage inaugural, Rochereau poursuit sa carrière, avec des hauts et des bas. C’est au moment où il se débat pour sortir du creux de la vague qu’il  rencontre Mbilia Bel. C’est l’embellie inespérée.  Après six ans de présence dans l’Afrisa, celle qu’on appelle la Cléopâtre de la musique congolaise quitte son pygmalion. Dès lors, la carrière musicale de Tabu Ley connait des variations erratiques. Il entre en politique, l’autre versant de sa vie. En musique, c’est un géant qui vient de tomber.

Mfumu

Légendes et crédits photo : 

Photo : Tabu Ley. (© DR)