Sir David Richmond : « Les peuples du Bassin du Congo ont le droit d'accéder à une meilleure qualité de vie »

Lundi 5 Décembre 2016 - 18:15

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Le 15 novembre, le président Denis Sassou N'Guesso lançait à Marrakech le Fonds bleu pour le Bassin du Congo, une proposition de la République du Congo en collaboration avec la fondation Brazzaville pour la Paix et la préservation de l'environnement. Dans une interview accordée aux Dépêches de Brazzaville, Sir David Richmond, le directeur général de la Fondation, explique le sens de cette initiative. 

Sir David RichmondLes Dépêches de Brazzaville (LDB) : Qu'est ce qui a motivé la mise en place d'un Fonds bleu pour le Bassin du Congo et son officialisation par le président du Congo lors de la COP 22 ?

Sir David Richmond (SDR) :  Cette idée de Fonds bleu répond à deux impératifs. Le Bassin du Congo est l'un des écosystèmes les plus importants du monde ; il constitue le second réservoir de carbone après le Bassin d'Amazonie et joue un rôle clé dans tous les efforts de prévention du réchauffement climatique. Un rôle capital pour le monde entier qu'il faut préserver. L'autre impératif repose sur le principe que tous les pays et tous les peuples du Bassin du Congo ont le droit d'accéder à une meilleure qualité de vie. Il faut donc réconcilier ces objectifs. Nous avons lancé cette idée de Fonds bleu pour répondre à ces deux impératifs en partant du principe qu'il faut passer d'une économie de ressources forestières à une économie collaborative qui s'appuie davantage sur les ressources issues de la gestion des eaux du fleuve Congo et de ses affluents, ce qui ouvre toute une gamme de possibilités pour le développement durable. Par exemple, le transport et la navigation sur le fleuve et ses affluents, la pêche et la pisciculture, l'irrigation, très importante malgré le fait qu'il y ait beaucoup de pluies dans cette région du monde pour développer l'agriculture dans les savanes, la gestion des eaux usées, l'écotourisme... Toute une série de possibilités basées sur la ressource finalement renouvelable que représente l'eau ; une ressource qui permet aussi de diversifier les sources d'énergie, notamment avec l'hydroélectricité.

LDB : Comment avez-vous accueilli la proposition du président pendant la COP 22 ?

SDR : Le soutien du président de la République du Congo était très important parce que finalement, dans les grandes rencontres internationales, ce sont les Etats et les présidents qui comptent. Pas les fondations. Les fondations ont les idées mais pour les lancer, les concrétiser,  les présenter à la communauté internationale, l'appui d'un Etat est indispensable et nous sommes très reconnaissants au président Denis Sassou N'Guesso qui a décidé de soutenir notre projet et de le lancer pendant la Cop 22. Il a réussi à lancer l’appel à la communauté internationale à soutenir le Fonds bleu  et à apporter leurs contributions. Avec son ministre des Affaires étrangères, Jean Claude Gakosso, ils ont rassemblé les soutiens de tous les pays du Bassin du Congo et maintenant 11 pays appuient cette initiative : le Congo bien sûr, l'Angola, le Burundi, le Cameroun, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la République unie de Tanzanie, le Rwanda et la Zambie.

 LDB : Le projet est ambitieux. Quel sera le cadre de redistribution des rôles ?

SDR : Tous ces pays sont les bénéficiaires potentiels de ce Fonds bleu mais il y a beaucoup de travail à faire pour définir comment nous allons administrer le Fonds, quelle en sera la gouvernance, etc. Pas mal de questions qu'il faut discuter en détail avant d’en concrétiser les réponses. Ce travail de mise en œuvre commence maintenant. Une réunion interministérielle des pays concernés se tiendra au mois de mars 2017 pour arriver à un accord sur les questions que je viens d'évoquer. Elle se fera probablement à Brazzaville à l'invitation du président Denis Sassou N'Guesso.

Une fois définie une position commune, collective des pays du Bassin du Congo, une discussion sera engagée avec les bailleurs de fonds, le Fonds vert, la Banque mondiale, etc.  Maintenant, il est temps d'avancer, de donner l’impulsion à ce projet. Un des rôles de la fondation de Brazzaville est de s'assurer de cette impulsion, cette motivation de tous les pays. Nous allons jouer ce rôle, avec évidemment le soutien et l'aide du président congolais.

LDB : Il existe sur le continent des organismes régionaux qui travaillent déjà dans ce sens. Seront-ils des partenaires pour vous ?

SDR ; Le Fonds bleu ne vient pas en concurrence avec ceux qui existent dans le monde. Nous avons déjà eu des entretiens avec le CICOS par exemple et effectivement, il faut travailler avec les organisations régionales existantes. Elles peuvent jouer un rôle important dans cette initiative mais, d'une certaine manière, il revient aux pays du Bassin du Congo de définir eux-mêmes le rôle exact des organisations existantes. Avec plusieurs possibilités. Par exemple, une organisation doit diriger le Fonds bleu. Qui le fera ? Une organisation existante ? Faudra-t-il en créer une nouvelle ? Aucune décision n'a encore été prise sur ce point. La fondation va animer cette discussion, qui se fera entre les pays eux mêmes, car il leur appartient de prendre les décisions. Un plan d'investissement est aussi à bâtir.

Le Fonds Bleu va financer les projets dans les secteurs évoqués mais il faut une recherche, une analyse, un plan qui identifie les secteurs prioritaires et dans ces secteurs, les projets prioritaires. Parallèlement, des études seront menées pour montrer que ces secteurs et ces projets vont contribuer à diminuer la production de carbone. C'est important pour les bailleurs de fonds. La question reste ouverte : qui va faire cette étude ? Là encore une discussion est nécessaire. Peut-être une organisation régionale, peut-être la Banque mondiale. Je ne sais pas. Nous allons en parler mais il y a  pas mal de possibilités pour impliquer les organisations régionales si les pays sont d'accord.

LDB : La Fondation  de Brazzaville a joué un rôle important dans ce projet. Quel est son rôle ?

SDR : La fondation existe depuis moins de deux ans. Elle s'est appelée la Fondation de Brazzaville parce qu'elle trouve ses origines dans l'Accord de Brazzaville de 1988 qui a conduit à la fin des conflits en Afrique australe et finalement préparé la fin de l'Apartheid en Afrique du sud. C'est un accord très important et l'année de son 25e anniversaire, le président Sassou N'Guesso a souhaité que soit trouvé un moyen pour maintenir l'esprit de l'Accord de Brazzaville. C'est dans cette idée que la Fondation de Brazzaville a trouvé ses origines. Maintenant la Fondation mène deux actions distinctes mais qui sont liées. D'abord, des missions de diplomatie informelle pour créer le dialogue dans les conflits entre les partis opposants, et trouver les moyens de prévenir les conflits, ou les résoudre. C'est une question de dialogue, de contacts et de rapprochements. Un champ d'actions est mené dans ce sens.

Parallèlement, la fondation soutient la création de projets économiques par des initiatives régionales pour promouvoir la coopération économique entre les pays dans l'intérêt de la prospérité et la paix. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'idée de cette initiative du Fonds bleu qui rassemble 11 pays du continent. Le Fonds bleu est une manière d'encourager les projets entre ces pays.

L.D.B : La fondation rassemble des personnalités très diverses et est domiciliée à Londres. Pour quelles raisons ?

SDR : Le fondateur principal, Jean Yves Olivier, qui connait depuis de longues années le président Denis Sassou N’Guesso, ne voulait pas que la Fondation soit perçue comme une extension de la politique africaine de la France. Il voulait une indépendance et ne souhaitait pas que cette organisation se limite à la francophonie, mais à toute l'Afrique. Le champ d'action de la Fondation est mondial et concerne tout le continent africain, pas seulement francophone. En outre, l'administration des organisations caritatives à Londres est bien réglée et donne confiance à nos donateurs potentiels.

La Fondation est appuyée par un Conseil consultatif composé d’individus émérites qui se sont notamment distingués par leurs expériences dans les médiations et la diplomatie informelle et par le Prince Michael de Kent qui, en tant que Patron, nous accompagne avec sa longue expérience dans les domaines de la protection des espèces animales et de la préservation de la nature. Le président Denis Sassou N'Guesso à Marrakech : « Nous appelons la communauté internationale à  soutenir le Fonds bleu  et à apporter des contributions »

« Les axes prioritaires du Fonds bleu consistent à supporter et promouvoir  des projets le long du Fleuve Congo et de ses affluents au grand bonheur des riverains », Jean-Yves Olivier.

L'essentiel du Fonds bleu pour le Bassin du Congo

  • Le Bassin du Congo représente à lui seul 220 millions d’hectares de forêts.
  • Des subventions renouvelables de 100 millions d’euros (un peu plus de 65 milliards de FCFA) seront proposées chaque année avec des engagements sur le long terme œuvrant pour la protection de l’environnement et pour la réduction des effets du réchauffement climatique dans la région.
  • Le projet est en gestation. Des réunions entre les dirigeants, les experts et autres bailleurs de fonds suivront pour sa mise en œuvre et la définition des mécanismes de son fonctionnement.  
  • Les ministres des Affaires étrangères et de l’Environnement  des pays concernés se retrouveront au début de l’année 2017 pour parapher un protocole d’accord en vue de concrétiser l’initiative.

Des experts ont souhaité que le Tchad soit associé à l’initiative. Ce qui aiderait à trouver des solutions à l’assèchement de son lac qui a perdu 80% de sa superficie au cours des quarante dernières années.

Propos recueillis par Bénédicte de Capèle et Marie-Alfred Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Sir David Richmond Photo 2 : Le président Denis Sassou N'Guesso à Marrakech : « Nous appelons la communauté internationale à soutenir le Fonds bleu et à apporter des contributions »

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