Obama: fin crispée pour deux mandats de référence

Mercredi 11 Janvier 2017 - 17:30

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Une petite larme qu’il écrase à l'aide de son mouchoir de poche, distribuant l'émotion au parterre de fidèles conquis, Barack Obama est un séducteur de foules. Lors de son discours d’adieu, le 10 janvier à Chicago, il a encore séduit. Ainsi se clôturera, ce 20 janvier 2017, l'Obamania. Dans une certaine mélancolie.

Pour le président Barack Obama, lui-même, comme pour ces hommes et ces femmes, Noirs, Blancs, Jaunes et Rouges, qui étaient pratiquement tombés sous son charme et l’avaient élu, y compris en dehors du corps électoral du pays qu’il a gouverné huit ans durant, une grande page de l’histoire se tourne. L'histoire du fils d’un Africain noir et d’une Américaine blanche, qui gravit les échelons de la hiérarchie administrative et politique de la grande nation de l’Oncle Sam, toujours hantée par le racisme mais toujours lucide et devint, à 47 ans, le 44è et premier président noir de la première puissance mondiale, les Etats-Unis d’Amérique.

Son premier mandat, en 2008, Obama l’avait gagné haut la main contre un homme du sérail républicain, vétéran de la guerre du Vietnam, qui en porte toujours les stigmates, le sénateur John McCain. Il rempile sans coup férir contre un autre candidat républicain, Mitt Romney, en 2012, récompensé de ses efforts sur le plan économique, mais déroutant en politique étrangère quand on considère le conservatisme belliciste à la peau dure de certains caciques de l’establishment américain.

 A la vérité, Obama a redoré le blason des Etats-Unis après les deux mandats calamiteux de son prédécesseur, Georges Bush Junior ; deux mandats vertigineux comme le sont certains films d’action sortis des studios d’Hollywood, justement. Irak, Afghanistan, Soudan, etc., ont été les terrains sur lesquels, arguant de sa force absolue, le « gendarme du monde » - c’est ce qu’on dit des Etats-Unis-, a laissé des plumes. A cette époque-là, le touriste, l’homme d’affaires, le diplomate, en un mot, le citoyen américain projetait chez les autres citoyens du monde, à tort pourtant, l’image de l’inimitié incarnée. Barack Obama a sorti l’Amérique de ce cauchemar.

S’il n’a pas été un guerrier de la trempe d’un Bush enlisé malgré tout en Irak et en Afghanistan, Obama a gagné de nombreuses batailles : sous sa présidence, la traque menée dix ans durant contre le cerveau-penseur présumé des attentats du 11 septembre 2001, aux Etats-Unis, Oussama Ben Laden, a connu son épilogue. Le 1er mai 2011, le commandant-en-chef annonçait la fin de course de l’homme le plus recherché des services et des forces armées de son pays, qui l’avaient enfin trouvé et tué dans sa cachette d’Abbottābād au Pakistan.  

Svelte et toujours élégant comme un vrai diplomate, Barack Obama a ensuite glané des victoires sur cet autre front qui fait la force des Etats-Unis : pas de guerre avec l’Iran, mais un accord historique sur le nucléaire du pays des Ayatollah ; impossible de quitter la scène sans défaire les cordes rouillées de ce que les relations enragées de la guerre froide, longue de plus de 50 ans, avaient laissées, notamment avec Cuba. Obama et Raul Castro, le frère et héritier de Fidel, l’ennemi juré de ses prédécesseurs, se sont rencontrés à diverses occasions pour regarder le futur ; pas de position figée sur le conflit israélo-palestinien, ou de parti pris pour l’un et l’autre des belligérants. Au contraire, une volonté de les départager qui, il est vrai, a eu de peine à faire l’unanimité dans une affaire dont les profondeurs sont abyssales.

Là, par contre, où le président Obama est paru partial, du moins aux yeux d’une certaine opinion, c’est sa relation avec l’Europe. Beaucoup trop proche de ses alliés historiques pour ne voir dans les pressentiments russes, exprimés en regard de la montée en puissance de l’Otan à ses frontières, que les gesticulations de nostalgiques de l’Empire soviétique. Il va devoir quitter la Maison Blanche sans adresser officiellement la parole à Vladimir Poutine, fâchés tous les deux du fait de la crise ukrainienne et de la guerre syrienne. En revanche, malgré tant de frictions avec la Chine, Obama est resté constant sur la nécessité de ne pas agacer continuellement un partenaire dont les épaules se sont élargies au fil des ans et lui arrive à la cheville.

A propos de crispation de fin de mandat pour Obama, voyons comment s’est terminée la présidentielle américaine du 8 novembre dernier. Après avoir jeté toutes ses forces dans la bataille en faveur de la candidate démocrate, Hillary Clinton, qui ne l’a pas gagnée, le président Obama a perdu au même titre que sa protégée. Il n’est pas en bons termes avec son successeur, Donald Trump. Il a pris conscience, avec amertume, que ce dernier risque de prendre un chiffon, de l’asperger de diluant et s’employer méthodiquement à effacer du tableau Amérique tous les écrits rappelant l’action qu’il a menée durant ses deux brillants mandats. Un homme blessé dans son amour propre, pourrait-on dire.

Le 8 novembre 2016, c’est comme si Obama avait sollicité un troisième mandat et l’a perdu, comme s’il avait multiplié par zéro cette Obamania qui a fait rêver plus d’un terrien aux quatre coins du monde. Pour tout dire, Barack Hussein Obama ne passera pas inaperçu. Pour cela, il devra remercier ses compatriotes et son pays de l’avoir hissé à leur tête, même si, là également, il doit en être conscient, la grande Amérique n’a pas fini avec les regards outranciers que l’on adresse au voisin en le jugeant par la couleur de sa peau. Enfin, là n’est pas son affaire personnelle et ne le sera jamais !

Gankama N'Siah

Légendes et crédits photo : 

Le président sortant des États Unis d'Amérique, Barack Obama /DR

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